« Mettez Fin à la Discrimination Liée à la Lèpre Maintenant, pour le Bien de Nos Enfants »

Abuja, Nigeria, 3 février 2022 (IPS) – Seidu Ishaiku vit dans l’espoir que ses enfants vont réussir. Lui et sa famille vivent avec environ 300 autres résidents dans la colonie de lépreux d’Alheri, à la périphérie du Territoire de la Capitale Fédérale du Nigeria, Abuja.

“Ils (nos enfants) sont évidemment notre avenir et notre espoir”, déclare Ishaiku. “Nous ne voulons pas que nos enfants constituent une nuisance pour la société. Nous voulons qu’ils réussissent et deviennent de éminentes personnes à l’avenir.”

Il s’adressait à IPS quelques jours avant la Journée Mondiale des Lépreux, commémorée cette année le 30 janvier.

La colonie est en mauvais état. Les maisons sont délabrées, il y a peu d’installations sanitaires de base, pas de système d’égouts et le réservoir d’eau de la clinique est vide. Toutefois, le forage situé près de leurs maisons garantit un approvisionnement régulier en eau.

La plupart des membres de la communauté sont obligés de rester dans l’établissement longtemps après leur guérison – et survivent grâce à l’agriculture de subsistance et au petit commerce, tandis que leurs enfants ramassent du bois de chauffage et font de la vente de porte à porte pour que la famille puisse joindre les deux bouts.

Une maison de la colonie de lépreux d’Alheri, à la périphérie du Territoire de la Capitale Fédérale du Nigeria, Abuja. Crédit : Oluwatobi Enitan/IPS

La clinique de la léproserie d’Alheri, à la périphérie du Territoire de la Capitale Fédérale du Nigeria, Abuja. Crédit : Oluwatobi Enitan/IPS

Selon les résidents, l’établissement est ouvert depuis 16 ans, et même lorsqu’ils sont guéris de la lèpre, les familles continuent à y vivre.

Terver Anyor, responsable du Développement Commercial de The Leprosy Mission Nigeria (la Mission contre la Lèpre au Nigeria) a déclaré que la stigmatisation, les mythes et les idées fausses entourant la maladie font que les personnes touchées par la lèpre finissent par vivre dans des conditions épouvantables, en marge de la société. Les résidents reconnaissent The Leprosy Mission Nigeria comme l’une des ONG qui leur vient régulièrement en aide.

“Beaucoup de gens pensent que parce que quelqu’un a un handicap, peut-être des doigts ou des pieds abîmés, alors ils supposent que cette personne a la lèpre, même si cette personne est guérie”, dit Anyor. Il a expliqué que The Leprosy Mission Nigeria, ainsi que d’autres organisations, allait, au cours de cette période, s’engager dans des campagnes de sensibilisation afin de faire prendre conscience aux gens de la réalité de la maladie.

La campagne de sensibilisation comprenait des émissions à la radio, des séances d’information pour les médias et des marches dans des lieux publics à Abuja. La campagne, financée par la Sasakawa Health Foundation (Fondation de Santé Saskawa), permettra de diffuser des informations sur la maladie.

“Notre objectif est de parvenir à une transmission zéro de la lèpre… Nous nous efforçons également de parvenir à une discrimination zéro et à des incapacités zéro dues à la lèpre”, déclare M. Anyor.

“En raison de la discrimination, les personnes touchées par la lèpre ne trouvent pas d’emploi et n’ont pas non plus accès aux services sociaux comme toute autre personne.”

Deux femmes assises sous les arbres de la léproserie d’Alheri, à la périphérie du Territoire de la Capitale Fédérale du Nigeria, Abuja. Crédit : Oluwatobi Enitan/IPS

Les enfants bénéficient d’une éducation gratuite, mais le directeur de l’école primaire d’Alheri, Aliyu Bashiru Kwali, affirme que les conditions de vie des parents ont un impact sur les enfants. Selon lui, de nombreux enfants vont dans la rue pour vendre des marchandises dès la fermeture de l’école – certains reviennent à 22 heures, mais d’autres restent dehors toute la nuit. Ils reviennent, dit-il, “les yeux endormis”, ce qui les empêche de se concentrer.

“Les élèves qui doivent colporter dans les rues pour aider leurs parents à joindre les deux bouts n’arrangent pas les choses, et nous ne pouvons pas les arrêter, car s’ils ne colportent pas, ils ne mangeront pas, leurs parents sont incapables, donc l’énorme responsabilité leur incombe à un jeune âge”, dit Kwali.

Pour de nombreux résidents, leur réalité est complexe et leur colère palpable.

Ali Isah, le leader des résidents, affirme que la pandémie de Covid-19 a exacerbé leurs mauvaises conditions de vie.

“Nous n’avons eu aucune intervention du gouvernement, et nous sommes confinés ici et n’osons pas sortir pour mendier, sinon nous serions maltraités par les agents de sécurité”, dit-il à propos de l’impact des protocoles Covid. Il raconte qu’une fois, ils ont dû endurer une mascarade où des représentants du gouvernement ont apporté trois remorques de riz, des dignitaires et des médias, mais quand ils sont partis, la communauté n’a reçu que trois sacs.

“En tant que chef des personnes atteintes de la lèpre, ma famille et moi avons reçu moins d’un quart de sac de riz, ce qui suffisait à peine à nous faire vivre pendant trois jours. Nous avons lutté pour survivre pendant le confinement, sans espoir en vue”, explique Isah. “Nos droits à la liberté de religion et d’association ont été bafoués. Nous ne pouvons pas prier en public car les agents de sécurité s’en prendraient à nous. Nous avons été mis à l’écart.”

Lilibeth Evarestus connaît de première main la situation critique des personnes touchées par la maladie de Hansen, comme on appelle aussi la lèpre. Elle est avocate et avait été atteinte de la maladie.

Elle dirige aujourd’hui l’initiative Purple Hope, une association à but non lucratif destinée aux femmes et aux enfants touchés par la maladie à Lagos.

“En tant que personne ayant connu la maladie de Hansen, j’ai fait face à beaucoup de discrimination et de stigmatisation basées sur les informations erronées des gens sur la maladie”, a-t-elle déclaré à IPS.

“J’ai alors décidé de me lancer dans le plaidoyer pour sensibiliser et diffuser les bonnes informations sur la maladie. Dieu merci, en tant qu’avocate et militante des droits de l’homme, j’ai utilisé mon bureau pour lutter pour nos droits.”

Purple Hope a pour but de “redonner de l’espoir”, dit-elle.

Cela fait écho aux sentiments de l’Ambassadeur de Bonne Volonté de l’OMS pour l’Élimination de la Lèpre, Yohei Sasakawa, qui déclare à propos du travail de sa vie avec les personnes touchées par la lèpre : “Je voudrais créer une société où chacun se sent pleinement engagé, capable d’exprimer ses opinions et apprécié. L’ère à venir doit être celle de la diversité, et pour cela, nous avons besoin de l’inclusion sociale. Il y a tant de capacités et de potentiel dans le monde, et la participation de chacun dans la société créera un avenir vraiment merveilleux.”