SANTE: Le mercure empoisonne toujours l’Amérique latine

MEXIQUE-, 8 avr (IPS) – L'Amérique latine ne prend pas au sérieux le nouvel accord mondial de limiter les émissions de mercure: ce métal dangereux est encore largement utilisé et introduit clandestinement dans l’exploitation minière artisanale et est libéré par l'industrie des combustibles fossiles.

Après que l'Union européenne a interdit les exportations de mercure en 2011 et les Etats-Unis l'ont fait en 2013, le commerce du métal a grimpé dans la région.

“Les exportations du Mexique ont triplé au cours des dernières années”, a déclaré à Tierramérica, Ibrahima Sow, un spécialiste de l'Equipe sur le changement climatique et les produits chimiques du Fonds pour l'environnement mondial (FEM). “Et des activités comme l'extraction de l'or à partir de produits électroniques recyclés sont à la hausse”.

Le traité mondial sur le mercure a été adopté en octobre 2013. Il comprend une interdiction sur les nouvelles mines de mercure, l'élimination des mines existantes, des mesures de contrôle des émissions atmosphériques, et la réglementation internationale du secteur informel pour extraction minière artisanale et à petite échelle de l'or.

Mais sur les 97 pays à travers le monde qui ont signé la Convention de Minamata sur le mercure – dont 18 d'Amérique latine et des Caraïbes – un seul, les Etats-Unis, l'a ratifié, et 49 autres doivent le faire afin qu'il entre en vigueur.

Minamata est la ville japonaise qui a donné son nom à la maladie causée par l'empoisonnement grave au mercure. Cette maladie, un syndrome neurologique, a été identifiée pour la première fois dans le pays dans les années 1950.

Il a été finalement découvert qu'elle était causée par la libération du méthylmercure dans les eaux usées industrielles provenant d'une usine de produits chimiques gérée par 'Chisso Corporation'. La population locale souffrait de l'empoisonnement au mercure après avoir consommé du poisson et des fruits de mer contenant une accumulation de ce produit chimique neurotoxique et cancérigène.

La contamination a eu lieu entre 1932 et 1968. En 2001, 2.265 victimes ont été officiellement reconnues; au moins 100 d'entre elles sont mortes des suites de la maladie.

En Amérique latine, le mercure est utilisé dans l’exploitation minière artisanale de l’or et dans les équipements d’hôpital. Et les émissions sont produites par l'extraction, le raffinage, le transport et la combustion des hydrocarbures; les centrales thermoélectriques; et l’aciérie.

Il est également introduit clandestinement dans un certain nombre de pays.

“C’est difficile de quantifier les importations illégales”, a dit à Tierramérica, le vice-ministre colombien de l'Environnement et du Développement durable, Pablo Vieira. “Tout le monde sait que l'exploitation minière artisanale et à petite échelle utilise le mercure introduit clandestinement, principalement à partir du Pérou et de l'Equateur, bien que des données concrètes ne soient pas disponibles”.

Selon les autorités colombiennes, le mercure est introduit clandestinement à travers la jungle dans les zones frontalières reculées du pays.

'Mercure Watch', une alliance internationale qui conserve une base de données mondiale, a estimé les émissions de mercure d'Amérique latine à 526 tonnes en 2010, la Colombie en tête avec 180 tonnes.

Dans une évaluation publiée en 2013, le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) a estimé que les émissions de mercure causées par les activités humaines ont atteint 1.960 tonnes en 2010, avec l'exploitation minière artisanale comme la principale source (727 tonnes), suivie de la combustion du charbon, principalement de la production d'énergie et de l'utilisation industrielle.

L'exploitation minière artisanale de l'or est pratiquée dans au moins une douzaine de pays d'Amérique latine, principalement dans la région des Andes et la forêt amazonienne, mais en l'Amérique centrale aussi, selon les rapports du PNUE.

Quelque 500.000 mineurs d'or à petite échelle sont responsables de la demande légale ou illégale de mercure.

Le Mexique et le Pérou ont des réserves de mercure, mais il n'existe aucune exploitation minière primaire de mercure formelle dans la région. L'extraction est secondaire, parce que le mercure tend à être mélangé avec d'autres minéraux, ou provient du recyclage du mercure déjà extrait et utilisé à d'autres fins.

Les plus gros producteurs sont le Mexique, l'Argentine et la Colombie, tandis que les principaux consommateurs et importateurs légaux sont le Pérou, la Colombie et le Panama.

En 2012 le Mexique, l'Argentine et la Colombie occupaient la première place sur la liste régionale des exportateurs de mercure et de produits contenant le métal, selon 'Mercury Watch'.

Le mercure est naturellement présent dans certaines roches, et peut être trouvé dans l'air, le sol et l'eau en raison des émissions industrielles.

Des bactéries et d’autres micro-organismes convertissent le mercure en méthylmercure, qui peut s'accumuler dans différentes espèces animales, en particulier les poissons.

Les lois sur l'industrie minière en Bolivie, au Costa Rica et au Honduras interdisent l'utilisation du mercure.

Et en 2013 la Colombie a adopté une loi qui éliminerait progressivement le mercure dans l'exploitation minière au cours des cinq prochaines années et dans l'industrie au cours des 10 prochaines années.

Depuis novembre 2013, le Congrès péruvien discute également d’un projet de loi visant à éliminer le mercure dans l'exploitation minière et à le remplacer dans les activités industrielles.

Selon le PNUE, il y avait au total 11 usines de production de chlore-alcali fonctionnant avec la technologie du mercure dans sept pays de la région en 2012. Mais plusieurs de ces usines prévoient d'adopter des technologies sans mercure d'ici à 2020.

“La teneur en mercure dans les produits, le remplacement du mercure et le stockage temporaire et l'élimination finale des déchets de mercure sont des aspects importants de la gestion du mercure”, a déclaré à Tierramérica, Raquel Lejtreger, sous-secrétaire au ministère de l’Habitat, de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement de l'Uruguay.

* Cet article a été publié le 5 avril par les journaux latino-américains qui font partie du réseau Tierramérica.