MONDE: Diminution des investissements dans l'énergie propre alors que la planète s'échauffe

NATIONS UNIES, 10 avr (IPS) – L'incertitude des politiques et la chute des prix de l’énergie solaire ont entraîné une diminution de 14 pour cent des investissements dans les énergies renouvelables en 2013, selon un rapport publié lundi.

Les investissements ont diminué à travers le monde, même dans des régions à forte croissance comme la Chine, l'Inde et le Brésil. Mais c'était des coupes sévères en Europe – jusqu'à récemment un meneur de jeu pour le reste du monde – qui ont marqué le repli.

En 2013, le continent a dépensé 48 milliards de dollars de moins que l'année précédente.

Ce rapport, publié conjointement par le Programme des Nations Unies l'environnement (PNUE), l'Ecole de Francfort et 'Bloomberg New Energy Finance', a brossé un tableau optimiste d'une reprise du secteur après une période de consolidation, mais a pu seulement souligner “quelques rares projets importants” du genre qui pourraient éventuellement remplacer – pas compléter – la production traditionnelle d'électricité sur une grande échelle et réduire les émissions de carbone.

“Des coûts plus bas, un retour à la rentabilité de la part de certains des principaux fabricants, le phénomène de la reprise des marchés non subventionnés dans un certain nombre de pays, et une attitude plus chaleureuse envers les énergies renouvelables chez les investisseurs sur les marchés publics, étaient des signes d'espoir après plusieurs années de tassement dans le secteur des énergies renouvelables”, a déclaré Michael Liebrich, président du Conseil consultatif pour 'Bloomberg New Energy Finance', dans un communiqué.

Les énergies renouvelables constituaient 43 pour cent de la capacité de l’énergie nouvelle et ont augmenté leur part de la production énergétique mondiale de 7,8 à 8,5 pour cent. Pourtant, elles n'ont pas pu déplacer la consommation en hausse de charbon dans le monde en développement et continuent d’endiguer la croissance de carbone plutôt que de la réduire totalement.

Bien que les énergies renouvelables de 2013 aient empêché environ 1,2 gigatonnes de carbone d'être libéré dans l'atmosphère, les émissions mondiales ont encore augmenté de 2,1 pour cent.

“A eux seuls, les investissements dans les énergies renouvelables n’augmenteront certainement pas assez rapidement pour mettre le monde sur une voie de compatibilité de deux degrés”, a indiqué Ulf Moslener, directeur de la recherche au Centre de collaboration entre l’Ecole de Francfort et le PNUE pour le financement sur le climat et l'énergie durable, se référant au seuil de température largement utilisé par les scientifiques.

Une augmentation de plus de deux degrés centigrades des températures au cours de l'année 1900 aurait des conséquences catastrophiques dans une grande partie du monde.

Moslener explique que les investissements dans le climat après la crise et le cadre réglementaire international Bâle III rendent les investissements dans les énergies alternatives moins attrayants pour les grands fonds et les investisseurs institutionnels qui recherchent un effet de levier plus élevé pour couvrir les coûts initiaux plus élevés liés aux projets d’énergie renouvelable.

Une étude commandée en 2013 par le gouvernement norvégien prédisait que “les exigences en matière de capitaux et de liquidité de Bâle III sont susceptibles de limiter à l'avenir la quantité de capitaux disponibles pour le financement des énergies renouvelables auprès des banques”.

Le rapport de Francfort a constaté que les pourvoyeurs de capital-risque et les sociétés privées d’actions cotées en bourse ont diminué considérablement en 2013, réduisant les investissements dans les sociétés spécialisées dans les énergies renouvelables à seulement deux milliards – leur plus bas niveau depuis 2005.

Mais convaincre les régulateurs mondiaux de prendre en compte le type d’investissements à effet de levier et les actifs groupés et réduits qui ont causé la crise financière sera un exercice difficile.

“C’est toujours plus rapide pour un gouvernement de dire 'nous définirons un prix fixe pour l'énergie' que dans le cas de changer leurs règlements financiers – qui constituent essentiellement tout leur système financier”, a déclaré Eric Usher, chef de l'unité de la finance à la Division de la technologie, de l’industrie et de l’économie du PNUE.

Malgré l'incertitude, Usher affirme que de gros investisseurs commencent lentement – très lentement – à prendre conscience puisque les énergies renouvelables deviennent de plus en plus interchangeables avec des actifs sur lesquels l’on paie le loyer comme l'immobilier.

“Il y a eu une légère augmentation des obligations vertes et les caisses de retraite commencent à s'engager”, a déclaré Usher à IPS. “Aux Etats-Unis et au Canada, vous avez des structures à des fins fiscales qui rassemblent les centrales électriques et les vendent aux investisseurs. Cela fournit des financements à très faible coût.

“Les investisseurs qui ont des horizons plus longs commencent à s'intéresser aux technologies matures”, a-t-il ajouté.

Les entreprises qui ont survécu à une longue période de consolidation et d'une reprise de la surcapacité – principalement dans l'industrie solaire – ont vu leurs cours des actions augmenter de 54 pour cent en 2013, doublant pratiquement les gains sur le marché en général. Mais en dépit de rendements mousseux pour les gestionnaires de portefeuille et une éruption des introductions en bourse, le principal indice de suivi – le 'WilderHill New Energy Global Innovation Index' (NEX)- est encore de 60 pour cent en dessous de son pic de 2007.

“A long terme, les cadres de marché devront changer afin d'intégrer une grande partie des énergies renouvelables dans le réseau”, a indiqué Moslener à IPS. “Cela nécessitera également l'attention des gouvernements – je m'attends à ce que les énergies renouvelables soient seulement une partie de la solution”.

A moins que des réductions significatives soient obtenues dans des émissions existantes, l'objectif des énergies renouvelables risque de changer pour devenir juste un autre combustible corollaire à faible coût pour la croissance au lieu de servir de solution d'avant-garde. Bien que la plupart des modèles prévoient une baisse de la consommation de l'énergie dans le monde d’ici au milieu du siècle, sans des réductions ou une reconsidération de la croissance axiomatique, il sera trop tard en ce moment de parer aux impacts les plus cataclysmiques des changements climatiques.

“Le système financier que nous avons aujourd'hui est basé sur un concept qui n'est pas utile pour le développement durable”, estime Usher. “La réalité est un énorme problème – cela mettra du temps à être résolu. Les énergies renouvelables à elles seules ne constituent pas la solution”.