NEPAL: Ce que le pays ne sait pas en matière d’eau

KATMANDOU, Népal, 7 avr (IPS) – L'eau est une ressource cruciale dans le développement économique du Népal puisque l'agriculture, l'industrie, l’usage domestique et même la production d'électricité en dépendent. La bonne nouvelle est que ce pays de l'Himalaya a beaucoup d'eau. La mauvaise nouvelle – l'abondance de l'eau est saisonnière, liée aux mois de la mousson, de juin à septembre.

Les hydrologues, spécialistes de l'eau, météorologues et les climatologues du Népal appellent tous à une meilleure gestion de l'eau. Mais un élément vital de la gestion de l'eau – des données scientifiques de qualité – fait toujours défaut.

Luna Bharati, qui dirige l'Institut international de gestion de l’eau (IWMI) à Katmandou, la capitale politique et religieuse du Népal, déclare à IPS: “Si nous ne savons pas la quantité d'eau qu’il y a, nous ne pouvons pas la gérer ou effectuer une bonne évaluation des ressources en eau”.

Shib Nandan Shah du ministère du Développement agricole est d’accord que des données précises et opportunes, en particulier les données sur les précipitations, sont importants pour les communautés rurales agricoles. Quelque 35 pour cent du produit intérieur brut du Népal et plus de 74 pour cent de ses 27 millions d’habitants dépendent de l'agriculture. Et une grande partie de l'agriculture au Népal est pluviale.

“Des données fiables sont particulièrement importantes pour le fermiers qui veut assurer ses cultures”, souligne Shah. “Si les informations font défaut ou si elles ne sont pas exactes, comment le pauvre fermier est censé se protéger?”. Chaque année, les inondations et les glissements de terrain font en moyenne 300 morts au Népal, et les pertes économiques sont estimées à plus de plus de 10 millions de dollars.

Des données deviennent importantes dans un pays comme le Népal qui a de grandes ressources en eau inutilisées. Au niveau local, le travail de développement devient plus difficile, et il y a un risque que le développement soit en train d’être basé sur des “estimations approximatives”.

“Des simulations sans des données pour faire une contre-vérification n'ont pas de sens”, indique à IPS, depuis le Sri Lanka, Vladimir Smakhtin, chef de thème à l'IWMI.

Les experts estiment également que les données sur l'eau ne peuvent pas être étudiées isolément. “Les données sur les précipitations, les ressources en eau, la météo sont toutes liées les unes aux autres au développement de l'énergie hydraulique, à la construction des routes et aussi à l'aviation”, explique Rishi Ram Sharma, directeur du département de l'hydrologie et de la météorologie (DHM) du Népal.

L’un des plus grands défis au Népal, et la raison pour laquelle la collecte des informations est si difficile, c'est le terrain inaccessible du pays. Environ 86 pour cent de la superficie terrestre est couverte de collines et de montagnes abruptes accidentées.

“La plupart des données sur les hautes altitudes dont nous disposons sur l'eau et le changement climatique ne sont pas pour nous-mêmes, elles sont basées sur des modèles globaux de circulation”, souligne Sanjay Dhungel au Secrétariat de la commission de l'eau et de l'énergie du Népal. “Plus nous avons des données, mieux cela vaut, mais dans notre contexte, nous n'en avons pas beaucoup à comparer”.

Les scientifiques croient qu'il faudra plusieurs années pour établir de meilleurs réseaux de stations de mesure. Les experts recommandent l'utilisation de nouvelles technologies telles que la télédétection qui peut être utilisée pour mesurer l'évapotranspiration, l'humidité du sol et l'utilisation des terres.

L’une des raisons les plus importantes pour lesquelles les scientifiques et les décideurs politiques népalais ont besoin des statistiques liées à l'eau et au à la météo est de comprendre les changements climatiques.

“Tout d'abord nous n'avons pas assez de données, et celles dont nous disposons ne sont pas analysées correctement, ce qui signifie qu’une grande partie de la prévision des changements climatiques liée à la disparition de la neige, la fonte des glaciers, la pénurie d'eau devient fausse”, estime Bharati de l'IWMI.

“Si nous constatons que l'eau glaciaire contribue pour cinq pour cent des ressources totales en eau, alors peut-être l'effet n'est pas aussi drastique que nous avons été amenés à croire”, déclare Bharati. “Mais nous ne savons rien de tout cela parce que nous ne disposons pas de données fiables”.

Dans une récente mesure visant à aborder ce problème, le DHM du Népal a introduit le portail de données climatiques en 2012 où les informations relatives à la météo, l'eau et à la géographie sont stockées. Des informations en temps réel concernant les inondations, les niveaux d'eau, les précipitations sont disponibles sur le site web de DHM.

L’IWMI travaille également sur un portail pour rassembler les données, y compris les informations de base sur l'utilisation des terres, le recensement et la migration, afin d'aider les chercheurs.

Anil Pokhrel, spécialiste de la gestion des risques de catastrophe à la Banque mondiale, basé à Katmandou, est d’accord que rendre public les données est un grand pas important. Cela signifie que quiconque recherche des informations en a accès et peut les télécharger.

Pokhrel dit que les données sur l'eau, les changements climatiques, la météo et l'agriculture sont tellement liées les unes aux autres qu'elles doivent être vraiment ouvertes.

“Nous parlons de 'nœuds géo'- si le DHM travaille sur les données liées à la météo, l’eau et aux changements climatiques, les routes le département des routes peut travailler sur les données concernant les routes et la cartographie, un autre département peut travailler sur l'agriculture, mais ils ont la capacité de se fournir des informations”, indique Pokhrel. “Il s'agit de créer des synergies”.

Pour cela, il recommande que le portail soit une source ouverte. “En fin de compte, il n'y a aucune autre option – nous devons développer des portails pour consolider les données et les rendre accessibles et favorables aux utilisateurs”, déclare Pokhrel.