CUBA: La hausse des températures affecte la pollinisation – et la production alimentaire

LA HAVANE, 3 déc (IPS) – Une augmentation de la température modifie les caractéristiques physiologiques de certaines plantes – une conséquence du changement climatique qui est moins perceptible que des ouragans plus forts et plus fréquents, mais tout aussi nuisible à la production alimentaire.

Chez des espèces tropicales de la famille des cucurbitacées, “comme la courge ou le concombre”, la pollinisation est interrompue s’il fait plus chaud que la normale pendant la saison de floraison, a expliqué à Tierramérica, Sergio Rodríguez, un agronome cubain.

Quand la fleur de la courge femelle est prête à être pollinisée, le pollen de la fleur mâle, transporté par les abeilles, est transféré au stigma situé au centre de la fleur femelle. Mais s'il fait trop chaud, la substance sucrée et collante sur le stigma s’assèche, le pollen n’arrive pas à se coller, et le fruit ne se développera pas.

“Lorsque la pollinisation ne marche pas correctement et que les récoltes chutent, nous ne comprenons souvent pas les raisons”, a déclaré Rodríguez, directeur de l'Institut national cubain de recherches sur les légumes tropicaux à racines comestibles (INIVIT). “C'est parce que des températures plus élevées ou la sécheresse constituent un effet plus subtil des changements climatiques”.

Au cours des dernières années, les étés sont devenus plus longs et les hivers plus courts et plus doux dans cette nation insulaire des Caraïbes, signalent les scientifiques. Les températures augmentent, ce qui nécessite des stratégies d'adaptation pour l'agriculture.

Des études indiquent que les températures moyennes pourraient augmenter à Cuba de 1,6 à 2,5 degrés d'ici à la fin du siècle. Et l'un des effets les plus graves serait une baisse des rendements agricoles.

Rafael González, un petit fermier dans la municipalité de Manicaragua, dans la province de Villa Clara dans le centre de Cuba, a affirmé à Tierramérica que “cultiver un peu de tout” est la meilleure façon de résister à des températures plus élevées, au changement des précipitations et aux tempêtes tropicales plus intenses.

“S'il y a sécheresse, nous avons des 'viandas' (des tubercules et fruits féculents) qui s'adaptent mieux à ces conditions, et nous avons d'autres types de fruits qui sont plus résistants aux tempêtes. Rien n’est meilleur que la variété”, a indiqué González, qui appartient à la Coopérative de crédit et services Ignacio Pérez Rivas, qui compte 130 membres, dont 30 femmes.

Le manioc – une culture de base à travers les Caraïbes – est affecté par un hiver exceptionnellement froid, a souligné González. “Nous devons continuer à rechercher des variétés plus adaptables”.

L'institution que dirige Rodríguez, qui se trouve également à Villa Clara, a pour tâche de mener la recherche pour des cultures plus adaptables à une chaleur intense, à de graves sécheresses, aux ouragans et aux nouveaux insectes nuisibles et aux maladies.

INIVIT dispose d'une banque de matériel génétique avec des semences, boutures, racines et des bulbes provenant de 650 variétés de patate douce, 512 sortes de manioc, 327 types de bananes et de plantains, 120 sortes d'ignames, et 152 types de taro.

Ces ressources constituent “une force qui aidera le pays à affronter l'adversité”, a déclaré Rodríguez.

Le manioc et le plantain appelé “plátano burro” sont résistants à la sécheresse, tandis que le taro, la patate douce, la courge et l'igname continuent à produire de la nourriture même après le passage d’un ouragan, parce qu'ils se trouvent à proximité du sol et sont mieux en mesure de résister aux vents violents, a-t-il souligné.

“Mais nous devons continuer à rechercher de nouveaux clones qui sont plus adaptables à un spectre plus grand de conditions, et des variétés qui produisent dans des conditions climatiques optimales et défavorables. Dans ce dernier cas, les rendements pourraient être moindres, mais l'adaptabilité atténue l'impact”, a-t-il déclaré.

Pour ce faire, différentes variétés de cultures doivent être étudiées dans des conditions climatiques différentes, afin d'évaluer leur capacité à s'adapter à des conditions spécifiques, à des types de sol, au régime des précipitations et à des températures minimales et maximales, a-t- il expliqué.

Les semences sont importantes. “Si vous avez une semence de qualité, l'impact des changements climatiques est moins important. Nous disons toujours aux agriculteurs qu’une bonne semence ne s'use pas. C'est un investissement qui est récupéré plus tard”, a indiqué Rodríguez.

Plus de 70 pour cent des tubercules, racines, plantains et bananes plantés à Cuba sont obtenus ou recommandés par INIVIT. “L'autre 30 pour cent vient de la tradition paysanne. Il existe des variétés locales qui s'adaptent très bien à certains sols et climats”, a-t-il souligné.

En 2012, tout semblait aller bien pour la culture du haricot de Rubén Torres, dont la terre est près de Santa Clara, la capitale de Villa Clara. Mais à cause des températures plus élevées que la normale, la récolte a été plus faible que prévu.

Par contre, “le riz a besoin de températures élevées lorsque c’est le temps de la floraison”, a déclaré Torres à Tierramérica.

Maintenant, il produit du riz, l’un des aliments de base du régime alimentaire cubain, et affirme que sa productivité – huit tonnes par hectare – est bonne.

Rodrigo Morales vit dans la province de Mayabeque, à côté de la province de La Havane. Lui et d'autres agriculteurs qui exercent à proximité ont noté que les étés plus longs et plus chauds affectent leurs cultures d’ail, d'oignon et de haricots, ainsi que des fruits comme la goyave.

* L’Agronome Sergio Rodríguez montre des plantains à croissance faible qui sont plus résistants aux vents d'ouragan. Crédit: Jorge Luis Baños / IPS ** Cet article a été publié par les journaux latino-américains qui font partie du réseau Tierramérica.