CUBA: La hausse des températures entraîne plus de dengue

LA HAVANE, 25 nov (IPS) – La propagation du virus qui cause la fièvre dengue a créé une situation d'urgence pour les institutions, gouvernements et les scientifiques en Amérique latine en quête de solutions durables pour un problème de santé qui pourrait s'aggraver à cause du changement climatique.

Les statistiques de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) indiquent que dans les sept premiers mois de 2013, il y avait près de 1,4 million de cas signalés dans la région, faisant de cette année celle d'épidémie.

“En 2012, il y avait au total 1,7 millions de cas, et nous ne savons pas encore si le chiffre sera plus élevé en 2013”, a déclaré Luis Castellanos lors du 13ème Cours international sur la lutte contre la dengue, qui s’est déroulé du 12 au 23 août à La Havane, la capitale de Cuba.

La fièvre dengue est une infection virale transmise par les moustiques qui cause une maladie qui ressemble à la grippe et d'autres symptômes, et se transforme parfois en la plus grave fièvre hémorragique de dengue, qui peut être fatale, selon l'OMS.

Castellanos, originaire du Guatemala, est responsable du contrôle et de la prévention des maladies transmissibles à l'OMS. Il a affirmé que l'incidence de la dengue augmente dans les milieux où les infrastructures sanitaires sont les plus mauvaises et où les niveaux d'éducation sont les plus faibles.

L’entomologiste cubain, Juan Bisset, croit que – sur la base de ses études du 'Aedes aegypti', le moustique qui transporte le virus de la dengue – les changements climatiques doivent être en partie responsables de la propagation plus large des cas de dengue.

Il a affirmé que la hausse des températures causée par les changements climatiques accélère le cycle de reproduction du moustique et augmente le risque de transmission du virus.

D'autres experts avertissent que le moustique 'Aedes aegypti' fait son apparition dans des régions inattendues en Europe, comme il l'a fait en 2009 dans le sud de la France, et plus récemment au Portugal.

L'OMS recommande la sensibilisation sur les changements climatiques comme une menace fondamentale pour la santé humaine; le fait de veiller à ce que la santé soit bien représentée dans l'agenda sur les changements climatiques; et l’aide aux pays dans le renforcement de leurs capacités à réduire la vulnérabilité de la santé aux changements climatiques.

“Des épidémies de la dengue indiquent l'échec des mesures de lutte contre les moustiques”, a souligné Bisset, qui dirige le département de la lutte contre les vecteurs à l’Institut de la médecine tropicale Pedro Kouri, à Cuba, à IPS. Cet institut a accueilli ce cours qui a été suivi par environ 300 experts venus d'Argentine, du Brésil, des Etats-Unis et des pays européens.

L’essentiel est de se concentrer non pas sur la pathologie de la maladie, comme la plupart des pays le font, mais de lutter contre 'Aedes aegypti' lui-même, a expliqué Bisset. Pour ce faire, il a proposé une stratégie globale de lutte étendue sur de grandes zones.

Ce projet n'est pas nouveau et inclut l'utilisation d’insecticides, de méthodes biologiques ainsi que la dépollution et la prévention. “Mais il a été traditionnellement mené seulement dans de petites régions”, a déclaré Bisset.

Une réunion en novembre au Panama devrait faciliter l'échange d'informations, a-t-il indiqué.

Le moustique 'Aedes aegypti', selon des études citées par Bisset, est originaire d’Afrique, et s'est répandu depuis lors à toutes les zones tropicales à travers le monde. Il est présent dans les Caraïbes depuis plus de 350 ans.

Les zones préférées de reproduction du moustique sont les eaux relativement propres, calmes, comme dans les fûts à découvert, les seaux et les pneus jetés.

“Cuba est une île dans un océan de dengue”, a déclaré Bisset, ajoutant qu'il n'avait pas de chiffres sur la situation actuelle dans le pays par rapport aux éruptions de la maladie.

“L'indice des vecteurs (le nombre de vecteurs détectés par 100 ménages) était de 0,01 en 1987, mais aujourd’hui il est de 0,3”, a-t-il expliqué, ajoutant que des efforts sont en train d’être faits pour éviter des indices au-dessus de 0,5, qui facilitent la transmission de la dengue.

Le moustique 'Aedes aegypti' est le plus prolifique à Cuba dans les mois d'août, septembre et octobre, en raison des conditions favorables fournies par les précipitations et les températures élevées. Cependant, la pulvérisation d'insecticides de maison en maison est effectuée presque toute l'année, bien qu’elle ne soit pas toujours bien appréciée par la population.

Les autorités cubaines affirment que la communauté joue un rôle très important dans la prévention de la dengue, parce que les moustiques cohabitent avec les familles, dans les maisons ou dans la cour.

“Les gens savent beaucoup de choses sur la dengue et le moustique Aedes, toutefois ils ne facilitent toujours pas notre travail”, a déclaré à IPS, un agent pulvérisateur qui venait de trouver plusieurs appartements fermés dans un immeuble qu’il pulvérisait.

Cuba a développé un programme de contrôle visant à éradiquer le moustique vecteur après l’épidémie de la dengue en 1981, lorsqu’il y avait plus de 400.000 cas, 10.000 d'entre eux constituant la plus grave fièvre hémorragique de dengue, avec 158 morts, dont 101 enfants.

Selon les rapports officiels, le coût de l'épidémie était évalué à 103 millions de dollars.

La lutte contre le moustique vecteur inclut la réduction de ses milieux de reproduction au moyen d'inspections et d'amendes pour s'assurer que les gens ne laissent pas les récipients ouverts avec de l'eau dans les parages, la pulvérisation, et la participation communautaire à la dépollution.

* La pulvérisation porte-à-porte à Cuba est un moyen efficace de lutte contre la dengue. Crédit: Jorge Luis Baños/IPS