TANZANIE: Protéger les fermiers des conditions météorologiques extrêmes

MOROGORO, Tanzanie, 26 nov (IPS) – Lorsque Habiba Msoga, dans le village de Kiroka, dans la région de Morogoro, en Tanzanie, a commencé à appliquer une méthode de culture du riz différente de celle que ses collègues agriculteurs employaient traditionnellement, ces derniers se sont mis à se moquer d’elle.

Mais aujourd’hui, trois ans plus tard, comme elle s'endort toutes les nuits dans sa maison en dur nouvellement construite qui disposera bientôt de l'électricité, elle ne pouvait pas être plus heureuse.

“Lorsque j'ai commencé, certaines personnes se moquaient de moi parce qu'elles pensaient que c'était impossible de cultiver le riz sans inonder le champ. Mais je leur ai prouvé qu'elles avaient tort. Mes récoltes sont maintenant simplement importantes”, a déclaré à IPS cette femme de 37 ans, mère de trois enfants.

Dans ce village reculé, situé à environ 218 kilomètres de Dar es Salaam, la capitale de la Tanzanie, les gens savaient peu de choses sur les techniques agricoles alternatives jusqu'à ce que l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et l'Université agricole Sokoine (SUA) locale aient commencé un projet visant à introduire des agricoles intelligentes face au climat il y a trois ans.

Seuls Msoga et 267 autres fermiers – une fraction des près de 3.000 agriculteurs du village – ont adhéré au projet puisque ce n’était pas tout le monde qui était enthousiaste à embrasser le Système d’intensification du riz (SRI). Il s'agit d'une technique de culture qui consiste à transplanter des plants de riz âgés de huit à 10 jours au lieu d'attendre les 20 jours habituels pour le faire. En raison de la réduction de la fourniture d'eau, la nouvelle technique était une aubaine pour Msoga.

Les fleuves Mahembe Mwaya et Kiroka sont les principales sources d'eau pour le village de Kiroka. Et dans le passé, ils coulaient toute l'année. Mais en raison de la réduction des précipitations au cours des années, ces fleuves sont devenus saisonniers, et la diminution de la fourniture d'eau a affecté les agriculteurs dans le village.

Donc le SRI a éliminé la nécessité pour Msoga d’inonder ses rizières avec les eaux souterraines comme les gens de la région le font traditionnellement.

La Tanzanie a un climat complexe avec de fortes variations de température et de la distribution des précipitations. Mais, selon l'Etude sur l’économie des changements climatiques, commandée cette année par le gouvernement, les températures minimales et maximales en Tanzanie ont augmenté au cours des 30 dernières années. Et les précipitations sont devenues irrégulières, la plupart des zones recevant moins de 500 mm par an contre 1.000 mm par an auparavant.

Cela a eu un impact sur les agriculteurs de ce pays d'Afrique de l'est qui constituent 80 à 90 pour cent de la population de près de 48 millions d’habitants, puisqu’ils dépendent largement de l'agriculture pluviale. Le secteur de l'agriculture de la Tanzanie représente 30 pour cent du produit intérieur brut du pays estimé à 28 milliards de dollars.

Le gouvernement estime que les rendements moyens du maïs pourraient diminuer de 16 pour cent en 2030 – une perte de près d'un million de tonnes par an – et de 25 à 35 pour cent d’ici à 2050.

Mais des agriculteurs comme Msoga savent qu'ils peuvent désormais survivre malgré la réduction des précipitations. Peu de temps après avoir adhéré au SRI, Msoga a commencé à récolter plus du triple de sa récolte habituelle, la faisant passer de deux sacs de riz à sept. Maintenant, elle vend le surplus et utilise l'argent qu'elle trouve pour améliorer sa qualité de vie.

“J'ai construit ma propre maison avec l'argent que j'ai obtenu de la vente de riz”, a déclaré Msoga, qui est dans les dernières étapes de l'installation de l'électricité dans sa nouvelle maison.

“La finition de cette maison m'a coûté environ 1.935 dollars”, a-t-elle ajouté.

“Nous envisageons de travailler ensemble avec les populations locales en Tanzanie sur comment elles peuvent mieux identifier les variétés de cultures, qui sont adaptées pour des conditions sèches”, a indiqué à IPS, Diana Tempelman, la représentante de la FAO en Tanzanie.

Elle a expliqué que la FAO faisait également la promotion de l'agriculture de conservation en Tanzanie afin de réduire les émissions de carbone et d’accroître la séquestration du carbone dans le sol.

“L'agriculture de conservation est une technique très importante pour diminuer l'impact des changements climatiques, car elle réduit le besoin de sarclage et de reproduction”, a-t-elle souligné.

L'agriculture de conservation est une pratique de production agricole économe en ressources qui implique une perturbation mécanique minimale, ou même zéro, du sol, maintenant le sol couvert à tout moment et utilisant une rotation de cultures diversifiées. En outre, l'utilisation de pesticides est réduite ou évitée, et le contrôle biologique est encouragé.

Ce projet de la FAO, selon Henry Mahoo, un professeur du génie agricole spécialisé dans la préservation des sols et de l'eau à la SUA, a aidé les fermiers de ce village à s'adapter aux conditions changeantes. Une enquête de base menée par la SUA en février 2012 a indiqué que 95,5 pour cent des 2.688 agriculteurs de Kiroka étaient conscients des changements climatiques.

“Avec la production du SRI [la récolte d'un agriculteur] peut augmenter de quatre fois. L'année dernière [2012], il y avait un fermier qui a produit 11,6 tonnes par hectare”, a déclaré Mahoo à IPS.