La Communauté Mondiale Célèbre les Innovations Médicales et les Etapes Importantes Franchies Depuis la Découverte de la Lèpre il y a 150 Ans

NAIROBI, 22 juin 2023 (IPS) – La découverte en 1873 de Mycobacterium leprae, l’agent causal de la lèpre, par le médecin norvégien Gerhard Armauer Hansen, reste l’un des plus grands changements de paradigme de l’histoire de la médecine, une véritable révolution.

« Avant cette grande découverte, même à l’époque où les technologies de communication et de transport n’étaient pas aussi développées qu’aujourd’hui, la lèpre était détestée par le monde entier. On croyait que la lèpre était une punition divine ou une maladie héréditaire ; une fois atteints, les patients étaient relégués à vie dans des régions et des îles reculées », explique Yohei Sasakawa, Ambassadeur de Bonne Volonté de l’OMS pour l’Éradication de la Lèpre.

M. Sasakawa, qui est également président de la Nippon Foundation (Fondation nippone), s’est exprimé lors d’une conférence de deux jours organisée à Bergen, en Norvège, pour commémorer la découverte de 1873. Plus de 200 personnes étaient présentes, dont des experts en médecine, en droits de l’homme et en préservation historique, des chercheurs, des ONG et des organisations de personnes touchées par la maladie.

La Conférence Internationale de Bergen sur la Maladie de Hansen, qui s’est tenue les 21 et 22 juin 2023, a été organisée par l’Initiative Sasakawa contre la Lèpre (Maladie de Hansen) et l’Université de Bergen. Elle s’est focalisée sur les efforts médicaux contre la lèpre, les droits de l’homme, les questions de dignité et la préservation de l’histoire de la lèpre pour les leçons qu’elle peut apporter aux générations futures. Ces trois éléments constituent les piliers des activités de l’Initiative Sasakawa contre la Lèpre (Maladie de Hansen) en faveur d’un monde débarrassé de la lèpre et de la discrimination qu’elle entraîne, conformément à la Résolution des Nations-Unies sur l’Élimination de la discrimination à l’encontre des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille.

Dans son discours aux délégués, M. Sasakawa a reconnu les progrès extraordinaires accomplis par les professionnels de la médecine depuis la découverte par le Dr Hansen que la lèpre n’était ni une malédiction ni une punition de Dieu, mais une maladie chronique causée par un bacille.

Avec la découverte de 1873, la lèpre est passée du statut de maladie divine mythologique entourée de mystère à celui de maladie que l’on peut observer et expliquer, même s’il faudra attendre plus d’un demi-siècle avant qu’un remède ne soit trouvé.

Délégués à la Conférence Internationale de Bergen sur la Maladie de Hansen qui s’est tenue les 21 et 22 juin 2023. La conférence était organisée par l’Initiative Sasakawa contre la Lèpre (Maladie de Hansen) et l’Université de Bergen. Crédit : Thor Brødreskift/ Initiative Sasakawa contre la Lèpre (Maladie de Hansen)

Margareth Hagen, recteur de l’Université de Bergen, a déclaré que le discours scientifique sur la lèpre avait clairement changé avant et après la découverte.

M. Sasakawa a déclaré que le chemin vers la guérison a commencé avec un seul médicament contre la lèpre, puis des régimes médicamenteux plus efficaces et, enfin, une recommandation de l’équipe médicale de l’OMS selon laquelle les patients atteints de la lèpre devraient recevoir des régimes médicamenteux composés de plusieurs médicaments.

« Un médicament antilépreux unique avait tendance à accroître la résistance aux médicaments. Depuis le développement de la polychimiothérapie, avec un dépistage et un traitement précoces, la lèpre est devenue totalement guérissable. Environ 60 millions de patients ont été guéris au cours des 40 dernières années », a-t-il déclaré.

Abbi Patrix, l’arrière-petit-fils du Dr Hansen, désormais responsable de l’histoire de son arrière-grand-père, a parlé de l’homme derrière la science lors d’une session intitulée “Mon grand-père, ma mère, les documents et moi”.

Patrix, un conteur européen, a raconté le jour où sa mère, la seule descendante directe du Dr Hansen à l’époque, a appris que la lèpre avait été baptisée maladie de Hansen en l’honneur de son grand-père.

Elle a été émue et s’est demandé pourquoi. Sa mère a été informée que la découverte du Dr Hansen avait permis de donner un nom à une maladie qui avait déconcerté les scientifiques et la société, et que l’appellation “maladie de Hansen” signifiait la liberté pour les personnes touchées, car un remède pouvait désormais être trouvé.

Le lieu de la conférence était donc une reconnaissance de son célèbre arrière-grand-père puisqu’il est né à Bergen et que c’est là qu’il a fait sa découverte historique en 1873, à l’âge de 32 ans seulement.

Le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur Général de l’OMS, s’est adressé à l’auditoire : « L’OMS est née à mi-chemin entre 1873 et aujourd’hui, il y a 75 ans. De nombreux progrès ont été accomplis depuis ces deux grandes étapes de la lutte contre la lèpre. Mais il reste encore beaucoup à faire pour atteindre nos objectifs communs : zéro maladie, zéro incapacité et zéro discrimination. Les cas de lèpre ont considérablement diminué au cours des dernières décennies, mais il faut redoubler d’efforts pour se remettre des perturbations du système de santé provoquées par la pandémie de COVID-19 et aller de l’avant ».

M. Ghebreyesus a déclaré que l’OMS s’engageait à soutenir les pays dans leurs efforts pour éliminer la lèpre, conformément à la feuille de route pour les maladies tropicales négligées pour la période 2021-2030.

« Jusqu’à présent, 49 pays ont éliminé au moins une maladie tropicale négligée, notamment la trypanosomiase humaine africaine, la rage et le trachome. Avec votre soutien et celui de nos partenaires mondiaux, nous pouvons atteindre cet objectif pour la lèpre également. »

Parmi les autres personnalités qui se sont exprimées lors de la conférence, citons Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations-Unies aux Droits de l’Homme, qui a déclaré que la conférence célébrait les innovations médicales des 150 dernières années.

“Mais lorsque la lèpre a été éliminée en tant que problème mondial de santé publique en 2000, cela n’a pas signifié que la maladie avait disparu. Plus de 250 000 personnes souffrent de la lèpre chaque année, dont 15 000 enfants. Les chiffres réels sont probablement bien plus élevés”, a-t-il souligné.

« Environ trois à quatre millions de personnes qui ont déjà été guéries souffrent encore de déficiences plus ou moins graves. Le fardeau de la lèpre est le plus lourd dans les pays où les inégalités, la pauvreté et la marginalisation sont les plus marquées. »

M. Türk ajoute que pour améliorer la vie des personnes touchées par la lèpre, « Nous devons nous attaquer aux symptômes physiques, mais nous avons également besoin de mesures sociales et comportementales pour lutter contre la stigmatisation et la discrimination. Nous avons besoin de stratégies globales avec un accès à des soins de qualité, à l’éducation et à la protection sociale », et a déclaré aux participants qu’« ensemble, nous pouvons faire une réelle différence pour mettre fin à la lèpre, qui cause d’immenses souffrances évitables et injustifiables à des milliers de personnes. »

Dans ce contexte, M. Sasakawa a insisté sur la nécessité de poursuivre la lutte contre la stigmatisation et la discrimination, soulignant que pas moins de 130 lois discriminatoires contre la lèpre sont encore en vigueur dans plus de 20 pays.

« Lorsque le respect des droits de l’homme est un impératif, il est inacceptable de ne pas s’attaquer à une violation des droits de l’homme aussi grave et à aussi grande échelle », a-t-il déclaré.

Alors que le rideau tombait sur la conférence de Bergen, qui retrace le parcours remarquable de la lutte contre la lèpre au cours des 150 dernières années, le Dr Takahiro Nanri, directeur exécutif de la Sasakawa Health Foundation (Fondation de Santé Sasakawa), a souligné qu’il s’agissait de la troisième conférence internationale que la fondation avait contribué à organiser depuis le lancement de sa campagne “N’Oubliez pas la Lèpre” en 2021, afin de s’assurer que la maladie et les personnes qui en sont atteintes ne soient pas oubliées dans le contexte de la pandémie de coronavirus.

« Notre objectif en organisant ces conférences est de faire prendre conscience au monde qu’il y a encore beaucoup de personnes atteintes de la maladie de Hansen et de ses conséquences ; de créer une dynamique de collaboration en vue de la réalisation d’un monde sans lèpre ; et de fournir un cadre pour des échanges à la fois formels et informels qui peuvent être un catalyseur pour des solutions innovantes que nous, en tant que fondation, sommes prêts à soutenir », a-t-il déclaré.