RENDRE L’IMPOSSIBLE POSSIBLE, CHRONIQUES DE LA LUTTE D’UN AMBASSADEUR TOUT AU LONG DE SA VIE POUR L’ÉRADICATION DE LA LEPRE

NAIROBI, 19 juin 2023 (IPS) – En 1974, Yohei Sasakawa avait accompagné son père dans une léproserie qu’il avait financée. Il a vu les malades de la lèpre à l’intérieur de l’hôpital, immobiles et sans expression. L’odeur de la lèpre emplissait l’air, l’odeur du pus des plaies ouvertes.

Son père s’asseyait avec les patients, leur toucha les mains et les visages et les encouragea à garder espoir. Le traitement était à portée de main et ils vivraient. À ce moment-là, Sasakawa s’interrogea sur la vie qui attendait ces patients en dehors de l’hôpital – une vie difficile, faite de discrimination et d’aliénation, où beaucoup sont mis au ban de la société. En silence, il s’engagea de consacrer sa vie à l’éradication de la lèpre.

Yohei Sasakawa raconte sa campagne pour débarrasser le monde de la lèpre dans sa biographie Making the Impossible Possible (Rendre l’Impossible Possible). Crédit : Hurst Publishers

Dans le livre qu’il vient de publier, « Making the Impossible Possible », Yohei Sasakawa fait la chronique de ses rencontres avec une maladie ancienne entourée de nombreux mythes et idées fausses. Ses voyages dans les pays où la lèpre est endémique, en tant qu’Ambassadeur de Bonne Volonté de l’OMS pour l’Éradication de la Lèpre, ont commencé en 2001 et ont comporté plus de 200 voyages dans près de soixante-dix pays.

“Presque toutes mes destinations ont été des endroits reculés où les gens vivent dans des conditions désespérées. J’ai toujours eu cette croyance que c’est précisément là où les problèmes se posent que l’on trouve les solutions”, explique-t-il.

“Je suis également un fervent partisan de l’idée Néo-Confucéenne selon laquelle la connaissance est inséparable de la pratique. Je veux être un homme d’action. Je me suis engagé dans mon travail humanitaire international par désir passionné de m’impliquer en première ligne jusqu’à mon dernier souffle, et je suis le premier à admettre que mon travail est fait, en ce sens, pour ma satisfaction personnelle. ‘’

Alors qu’il retrace un parcours remarquable en première ligne de la lutte contre le fléau de la lèpre, la Conférence Internationale de Bergen sur la Maladie de Hansen, organisée par l’Initiative Sasakawa contre la Lèpre (Maladie de Hansen) et l’Université de Bergen en Norvège, débutera le 21 juin 2023 et s’achèvera le lendemain.

La conférence est un clin d’œil au 28 février 1873, date à laquelle le médecin norvégien Gerhard Armauer Hansen a découvert Mycobacterium leprae, l’agent causal de la lèpre. Pour commémorer cet anniversaire historique, la conférence cherche à souligner que 150 ans plus tard, la lèpre n’est pas une maladie du passé.

La lèpre existe toujours en tant que maladie tropicale négligée dans plus de 120 pays à travers le monde, avec au moins 200 000 nouveaux cas signalés chaque année. Néanmoins, les progrès réalisés au cours des cinquante dernières années ont permis de se rapprocher de l’objectif d’un monde sans lèpre.

La conférence de Bergen est l’occasion de tirer parti des connaissances, de l’expérience et de la sagesse de nombreuses personnes sur le lieu où Mycobacterium leprae a été observé pour la première fois, et de créer une dynamique pour franchir le dernier kilomètre dans la lutte contre la lèpre, la partie la plus difficile du voyage.

Le livre de Sasakawa est un trésor de défis, de triomphes, de meilleures pratiques, de leçons apprises et d’idées sur ce qu’il faudra faire pour terminer le dernier kilomètre du marathon de plusieurs décennies visant à éliminer cette ancienne maladie.

Ce livre est le récit le plus détaillé de la quête de Sasakawa pour un monde sans lèpre et sans la discrimination qu’elle provoque.

Il relate ses voyages dans des communautés isolées du monde entier pour entendre directement les personnes touchées par la maladie, ainsi que ses rencontres avec des décideurs politiques, des chefs de gouvernement et des chefs d’État pour plaider en faveur d’un engagement renouvelé dans la lutte contre la lèpre, y compris des mesures visant à protéger les droits de l’homme des personnes touchées par la maladie.

“D’aussi loin que je me souvienne, je me suis fait un devoir de répéter trois messages lors de chaque réunion, conférence ou conférence de presse à laquelle j’assiste. Le premier message est que la lèpre est guérissable. Le deuxième est qu’un traitement gratuit est disponible partout dans le monde. Et le troisième message est que la discrimination à l’encontre des personnes touchées par la lèpre n’a pas sa place”, affirme M. Sasakawa.

“Ces messages sont très faciles à comprendre. Mais le troisième, le message selon lequel la discrimination n’a pas sa place, est extrêmement difficile à mettre en pratique. Les habitudes d’une vie et les attitudes inconscientes enracinées ne sont pas faciles à dissiper”.

De même, ces messages se répercuteront tout au long des deux journées de la conférence pour faire passer le message qu’aujourd’hui, la lèpre peut être traitée par polychimiothérapie (PCT), mais que si le traitement est retardé, la lèpre peut provoquer des déficiences progressives et entraîner des incapacités à vie.

Les retards de traitement et les incapacités qui en découlent ont largement contribué à la stigmatisation persistante de la maladie et à la discrimination à laquelle les personnes touchées par la lèpre et leurs familles continuent d’être confrontées. La discrimination est également un obstacle à la détection de nouveaux cas, décourageant les personnes de se faire soigner.

Grâce à des efforts concertés et soutenus, de nombreux pays et organisations internationales, sous l’égide de l’OMS, visent aujourd’hui l’objectif “zéro lèpre” – zéro maladie, zéro incapacité et zéro discrimination.

Pour atteindre cet objectif, les parties prenantes devront coopérer étroitement. À cette fin, la conférence réunira les principaux acteurs de la lutte contre la lèpre du monde entier pour deux jours de discussions axées sur trois piliers : médical, social et historique.

Parmi les personnalités qui devraient délivrer des messages lors de cet événement figurent le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur Général de l’OMS, Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations-Unies aux Droits de l’Homme, et Ingvild Kjerkol, Ministre norvégienne de la Santé et des Services de Soins.

Parmi les principaux orateurs figurent le Professeur Paul Fine, de la London School of Hygiene and Tropical Medicine (Ecole d’Hygiène et de Médecine Tropicale de Londres), et le docteur Alice Cruz, rapporteur spécial des Nations-Unies sur l’élimination de la discrimination à l’encontre des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille.

La conférence s’inscrit dans le cadre de la campagne “N’Oubliez pas la Lèpre/N’Oubliez pas la Maladie de Hansen” lancée par l’Initiative Sasakawa contre la Lèpre (Maladie de Hansen) en 2021. Elle fait suite au Forum Mondial des Organisations Populaires sur la Maladie de Hansen qui s’est tenu en 2022 à Hyderabad, en Inde, au Symposium International sur la Maladie de Hansen qui s’est tenu au Vatican en 2023 et qui comprend l’Appel Mondial 2023 pour Mettre Fin à la Stigmatisation et à la Discrimination à l’encontre des Personnes Touchées par la Lèpre, ainsi qu’aux événements organisés à l’occasion du 150e anniversaire de la maladie de Hansen.