À vous, les enfants! Le projet zambien « Planter un million d'arbres » ( en anglais ‘’Plant a million trees’’) prend racine

LUSAKA, 24 avril 2018 (IPS) – Les arbres sont une composante vitale de l’écosystème : ils fournissent non seulement de l'oxygène, stockent du carbone, stabilisent le sol et donnent refuge à la faune, mais aussi des matériaux pour les outils et un abri pour les animaux et les êtres humains.

Les enfants de l’école primaire de Matero East en train de puiser de l’eau. Crédit: Munich Advisory Group En fait, selon les statistiques de la Banque mondiale, quelque 1,3 milliard de personnes dans le monde dépendent des forêts pour leur subsistance, soit un cinquième de la population mondiale. Ce chiffre englobe les revenus provenant de la vente d'arbres et de produits liés aux arbres. Y compris également la valeur des fruits, fourrages, produits médicinaux et autres produits directs ou indirects qu'ils consomment.

En termes monétaires, l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) estime le bénéfice net annuel de la restauration de 150 millions d'hectares de terrain à environ 85 milliards de dollars par an. De plus, cette restauration séquestrerait des quantités massives de gaz à effet de serre.

Cependant, il est globalement reconnu que la restauration des forêts nécessite une approche intégrée qui s’apprécie et s’emploie à comprendre les forêts tout au long de leur chaîne de valeur. Ainsi, il est crucial de considérer les efforts de restauration des paysages forestiers non seulement comme une simple protection des forêts, mais comme une force de croissance économique et de réduction de la pauvreté.

C'est dans ce contexte que plusieurs initiatives révolutionnaires telles que la Grande Muraille Verte de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD), la stratégie UN REDD+ pour le commerce du carbone et les exercices annuels de plantation d'arbres par les gouvernements nationaux sont mis en œuvre pour restaurer les paysages dégradés du monde et dans le but de transformer des millions de vies.

Pépinière d’arbres à l’école Chunga. Crédit: Munich Advisory Group Pour la Zambie, le secteur forestier contribue de manière significative aux revenus des ménages pour les communautés tributaires des forêts, en particulier dans les zones rurales. À l'échelle nationale, selon les données récentes du projet d'évaluation intégrée de l'utilisation des terres (ILUA), le secteur forestier contribue à hauteur de 5,5% du PIB.

Mais pour un pays qui possède 44 millions d'hectares de forêts couvrant 58,7% de la superficie totale du pays, une contribution de 5,5% au PIB n'est pas suffisante. Et un taux annuel de déforestation alarmant de 276 021 hectares confirme ce défi qui nécessite une attention immédiate.

«L'accroissement de la population et la pression économique ont augmenté la demande de développement économique et social, obligeant les gens à simplement puiser de l'environnement au lieu de se développer à partir là», affirme Richard Jeffery, un expert en conservation. Jeffery croit que l'initiative «Plant A Million» (PAM) pourrait renverser cette tendance, car elle fait la promotion d'un modèle avec des retombées économiques.

Qu'est-ce que PAM? “Plant A Million” (PAM) vise à planter au moins deux milliards d'arbres d'ici 2021. Selon Emmanuel Chibesakunda, initiateur du projet PAM, sponsor et chef de projet, la vision est d'accélérer et d'intensifier une économie basée sur l'arbre pour le changement socio-économique en Zambie afin atténuer les impacts du changement climatique.

“’Plant A Million’ est une initiative conjointe public-privé de plantation d'arbres qui encourage une économie basée sur les arbres et un développement durable à travers la participation des écoles locales et de la communauté”, a déclaré Chibesakunda à IPS. « Cette initiative vise à développer l'avenir de la Zambie grâce à l'ensemble des compétences et savoir-faire, en promouvant le leadership éclairé et l'innovation, la responsabilité sociale, les compétences en leadership et en aidant les enfants à se connecter au monde ».

Par conséquent, ajoute-t-il, le projet a adopté une stratégie délibérée pour confier l'avenir entre les mains de futurs dirigeants, c’est-à-dire les enfants, mettant ainsi l'accent sur la participation des écoles publiques et de la communauté.

Selon cette stratégie, l'éducation et le changement d'attitude sont les principaux résultats du projet: “Nous voulons nous éloigner de l'accent mis sur le nombre d'arbres plantés, mauvais facteurs de succès en réalité. La clé est combien d'arbres survivent les deux premières années critiques, et la valeur qu'ils ajoutent à la communauté. Notre objectif est le changement d'attitude, et il doit commencer par les futurs leaders qui sont les enfants aujourd’hui. ” Les enfants en tant qu'acteurs clés Il y a un adage commun dans l'une des langues locales de la Zambie, le Bemba, qui dit: «imiti ikula empanga», traduit ainsi : «les semis d'aujourd'hui sont les forêts de demain.» En d’autres termes, les valeurs qu’on est en train de transmettre aux enfants d'aujourd'hui détermineront la vison du monde du futur.

Roy Lombe, un éducateur, croit que les semis d'aujourd'hui doivent être bien nourris grâce à une approche pratique et pragmatique. «Notre génération a mal géré les forêts en raison d'une mauvaise attitude, et nous ne voulons pas retomber dans le même piège», dit-il. “Une fois qu'ils apprennent la valeur d'un arbre lorsqu'ils sont jeunes, ils ne s'en écarteront pas lorsqu'ils deviendront des adultes.” Maureen Chibenga, une élève de 16 ans en onzième année à l’école PTA de Lake Road, confirme cette analogie.

«Quand l'équipe du projet est venue à notre école, je n'ai pas hésité à être une championne, car mon intérêt pour les arbres remonte à mes premières valeurs familiales: l'agriculture», a déclaré Chibenga à IPS. «Mon grand-père a une ferme, mon père a une ferme, alors j'ai vu cela comme une opportunité d'approfondir ma connaissance des arbres et de leur valeur pour l'humanité ».

Pour Subilo Banda, 15 ans, également en onzième année à la même école, sa motivation, dit-il, est de corriger les torts du passé.

“Je pense que notre génération est ouverte d'esprit. Les erreurs de l'ancienne génération nous ont appris ce que nous savons. C'est pourquoi je pense que c'est une très bonne idée de commencer avec nous en termes de changement de mentalité », dit-il, ajoutant qu'il y a une meilleure possibilité pour sa génération d'adopter un style de vie «vert».

À titre d'incitation, les écoles impliquées gagneront un revenu. Chilando Chella, directrice de l'école PTA de Lake Road, ne peut pas attendre cette opportunité excitante pour gagner plus d'argent: «Cette année, nous avons visé 50 000 semis dont nous attendons des milliers de kwachas (monnaie zambienne). Et nous prévoyons de réinvestir cet argent dans la formation professionnelle, car nous savons que tous nos apprenants ne finiront pas dans le secteur formel. ” Jusqu'à présent, le projet a déjà touché 12 écoles avec 15 000 élèves dans le district de Lusaka, qui cultivent 500 000 plants d'arbres. Au cours des huit prochains mois, 132 écoles supplémentaires sont en attente d'être incluses dans le programme avec l'objectif fixé par le vice-président d'atteindre 720 écoles dans les 10 provinces au cours des deux prochaines années, ce qui représente environ un million d'enfants.

Le vice-président zambien Inonge Wina (à droite), en compagnie du ministre des Domaines et des Ressources naturelles,Jean Kapata, lors du lancement de l'exercice 2018 de plantation d'arbres. Crédit: Munich Advisory Group Rachat par le gouvernement Eu égard à l’annonce du projet par le vice-président républicain en février 2018 lors de la journée nationale de la plantation d'arbres, presque tous les ministères se sont déjà engagés. Parmi eux, les ministères de la planification du développement national (coordination générale), de l'enseignement général et de l'enseignement supérieur (écoles, collèges et universités) et le ministère des Domaines et Ressources naturelles, qui détient le portefeuille du secteur forestier.

Le professeur Nkandu Luo est le ministre de l'enseignement supérieur. Considérant que son ministère est la pierre angulaire du développement, le professeur Luo estime également que le projet est en accord avec le programme de valeurs que le gouvernement soutient et en constitue un appui, tel qu'il est énoncé dans la constitution du pays.

«L'honnêteté et le travail acharné constituent quelques unes des valeurs clés que notre constitution met en exergue, et je juge ce projet opportun à cet égard. Enseigner à nos jeunes à connaitre la valeur du travail acharné, de l'honnêteté et à être capable de gagner de l'argent en fonction de leurs idées et de ne pas s'attendre à gagner là où on n'a pas semé. Ainsi, ce projet sera utilisé par le Ministère de l'Orientation Nationale et des Affaires Religieuses pour faire avancer le programme du système de valeurs tel que prôné par notre constitution.» Cependant, pour le ministère des Domaines et des Ressources naturelles, l'approche de ne pas regarder les plantations mais les individus est très importante, compte tenu du taux élevé de déforestation que le pays enregistre.

«Je n'ai pas peur de mentionner ici, et permettez-moi de le dire, que tant que nous ne fournirons pas de solutions énergétiques alternatives à nos populations, ils continueront à couper des arbres», déplore Jean Kapata, ministre des Domaines et des Ressources naturelles.

“Mais je suis heureux d'annoncer que nous avons commencé à regarder plusieurs alternatives dont l'une est le bambou pour le charbon de bois qui, nous le croyons, sera un changeur de paradigme si elle est bien mise en œuvre.” Selon Kapata, le gouvernement envisage d'agrandir les plantations de certaines espèces de bambou à croissance rapide qui peuvent être récoltées à partir de quatre ans et peuvent durer jusqu'à cinquante ans.

Cependant, le changement d'attitude nécessite l’information. Et Dora Siliya, ministre de l'Information et des Services de radiodiffusion, plaide pour un changement de propos concernant le discours sur le changement climatique et le développement.

“Nous avons mal examiné la question du changement climatique, pensant seulement comment atténuer, adapter et conserver ; nous n'avons pas pensé à la richesse et aux emplois qui peuvent être créés dans le cadre ce programme … Il est donc temps que nous adoptions, en tant que communicateurs, une approche différente sur la façon de communiquer sur la problématique du changement des mentalités, et ce ministère prend l'initiative sur ce front. ” En termes d'échelle, le PAM est un projet ambitieux qui pourrait changer pour toujours le paysage forestier de la Zambie. Cependant, avec plusieurs initiatives entreprises dans le passé, qui n'ont apparemment pas atteint les résultats escomptés, il y a toujours lieu de faire preuve de prudence.

L'ambassadeur de Finlande en Zambie, Timo Olkkonen, fournit quelques conseils aux initiateurs PAM: “La Finlande a contribué directement et indirectement aux efforts déployés par la Zambie pour gérer durablement les forêts, au cours des 50 dernières années de coopération, au développement entre les deux pays. Cependant, certains projets et programmes n'ont pas connu beaucoup de succès. Il est donc impératif pour vous de comprendre les raisons pour lesquelles certaines des initiatives du passé n'ont pas donné beaucoup de résultats. Il y a des leçons clés à en tirer. ” Alors que le projet attend son lancement officiel par le président Edgar Chagwa Lungu plus tard ce mois-ci, les enfants déjà impliqués sont désireux d'être des influenceurs clés.

«Je ne blâmerais pas les fabricants de charbon car c'est une source de subsistance pour certains d'entre eux, mais laissez-les apprendre à planter plus que ce qu'ils coupent», explique Mutwiva Upeme, élève de onzième année à l'école Chunga. “Merci de nous avoir impliqués, nous sommes l'avenir!”