AUSTRALIE: Des appels à bannir tout déversement dans le récif emblématique du pays

UXBRIDGE, Canada, 25 août (IPS) – Un effort accru est nécessaire pour protéger la Grande barrière de corail emblématique d'Australie, qui connaît un grave déclin et se détériorera davantage à l'avenir, selon un nouveau rapport.

“Des réductions plus grandes de toutes les menaces à tous les niveaux, sur tout le récif, régional et local, sont nécessaires pour éviter les déclins prévus”, a indiqué un rapport sur les prospectives publié par la l’Autorité du parc marin de la Grande barrière de corail, l'agence gouvernementale responsable de la protection du récif.

Toutefois, la même agence a récemment approuvé le déversement de cinq millions de tonnes de déblais de dragage dans la région du corail. Les scientifiques et les experts des récifs coralliens ont condamné cette décision à travers le monde.

Les documents obtenus par le programme d'enquête de ABC TV en Australie il y a une semaine révélaient des scientifiques à l'intérieur de l'Autorité du parc se sont également opposés à ce déversement à l'intérieur de ce Site du patrimoine mondial de l'UNESCO.

“Cette décision doit être politique. Elle n'est pas du tout soutenue par la science, et j'étais absolument sidéré quand j'ai entendu [cela]”, a déclaré à ABC, Charlie Veron, un scientifique de renom des récifs coralliens. Veron est l'ancien directeur scientifique de l'Institut des sciences marines de l’Australie.

La Grande barrière de corail (GBR) est l'un des sept plus grandes merveilles naturelles du monde. Visible depuis l'espace, c’est un mosaïque d’une beauté saisissante composé de milliers de récifs, d’herbiers marins et d’îles couvrant 2.300 km le long de la côte de l'Etat du Queensland.

En 1981, l'UNESCO a déclaré la GBR un site du patrimoine mondial, le qualifiant d’”une source irremplaçable de vie et d'inspiration”. Il abritait 10 pour cent de tous les poissons de la planète. Des dugongs et plusieurs variétés de dauphins et de tortues marines étaient autrefois abondantes.

Bien que protégé en tant que parc marin depuis des décennies, plus de la moitié du corail est mort. Sans une action concertée, seulement cinq à 10 pour cent du corail restera d'ici à 2020, selon une enquête scientifique de 2012 sur laquelle IPS a fait un reportage.

“J'ai travaillé sur le récif pendant plus d'une décennie et les résultats d'enquête étaient absolument magnifiques”, a souligné Richard Leck, porte-parole du FMN-Australie.

“La GBR est probablement le récif le mieux surveillé dans le monde et nous voyons l'impact du développement côtier massif”, a dit Leck à IPS.

En 2010, le gouvernement australien a approuvé quatre grandes usines de traitement de gaz naturel liquéfié (GNL) avec des installations portuaires au port de charbon de Gladstone au centre du Queensland. Le dragage considérable a entraîné le déversement de 46 millions de tonnes de substances dans le port et à l'intérieur des limites du parc marin de la Grande barrière de corail.

L’une grande partie des substances de dragage les plus toxiques devait être contenue à l'intérieur d'un grand mur de retenue ou digue au port de Gladstone. Il n’a pas tardé à échouer, provoquant finalement des fuites atteignant 4.000 tonnes de substances par jour. Les effets ont été dévastateurs.

“Une pêche commerciale florissante est révolue, tout comme les dauphins et les dugongs”, a déclaré Leck. “Gladstone a été un échec évident des gouvernements d’Etat et nationaux”.

Les opérateurs touristiques locaux disent que la qualité et la clarté de l'eau ont baissé de façon considéralement.

Queensland est aussi une grande région minière et d'exportation, expédiant 156 millions de tonnes par an, principalement vers les marchés asiatiques. Aujourd’hui, il y a des propositions visant à augmenter par six cette quantité pour atteindre près d'un milliard de tonnes par an d’ici à 2020.

'Adani Group' de l'Inde envisage de dépenser six milliards de dollars pour construire la plus grande mine de charbon du Queensland, y compris une nouvelle ville et 350 km de chemin de fer pour relier le port d’Abbot, près de la ville touristique de Bowen.

D’autres sociétés minières indiennes, en plus d’un certain nombre d'intérêts miniers chinois, ont bloqué environ 20 milliards de tonnes de ressources de charbon au centre du Queensland. Les sociétés minières australiennes, y compris 'Hancock Prospecting' de la milliardaire minière Gina Rinehart, élargissent également leurs activités.

En décembre 2013, le ministre de l'Environnement d’Australie, Greg Hunt, a approuvé un plan visant à créer l'un des plus grands ports de charbon au monde au port d’Abbot. Quelques mois plus tard, et en dépit d’une forte opposition de ses propres scientifiques, l'Autorité du parc a accepté que cinq millions de tonnes de déblais de dragage provenant du port d’Abbot soient déversés dans la GBR.

“L'Autorité du parc était dans une position difficile. Dire 'non' signifiait un rejet de l'approbation du dragage par le ministre”, a déclaré Leck.

Hunt a dit à ABC TV qu'il avait mené “un examen très prudent et profond” et a conclu que “l'avis sans équivoque que nous avons reçu était: cela peut être fait en toute sécurité”.

Il y a une documentation scientifique importante qui montre que les sédiments provenant du dragage peuvent étouffer et tuer les espèces marines. Les sédiments réduisent également les niveaux de lumière, provoquent un stress physiologique, portent atteinte à la croissance et à la reproduction, obstruent les branchies des poissons, et favorisent des maladies, a expliqué Terry Hughes, directeur du Centre d'excellence des études des récifs coralliens à l'Université James Cook à Townsville, dans le Queensland.

Certains déblais de dragage sont des sédiments très fins – de minuscules particules en suspension dans la colonne d'eau – facilement dispersés par les vents, les courants et les vagues. Sur une période de seulement quelques mois, ils peuvent parcourir 100 kilomètres ou plus, a indiqué Hughes à IPS.

Une étude de modélisation récemment publiée prévoit que des sédiments fins en suspension peuvent se répandre sur jusqu'à 200 kilomètres à partir des ports de charbon en 90 jours. Elle a également mesuré les sédiments trouvés dans les récifs coralliens dans la GBR près d'un autre port de charbon et a constaté des niveaux élevés de produits chimiques appelés hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) qui sont associées à la poussière de charbon.

Compte tenu de la santé périlleuse du récif, qui est également confronté à d'énormes menaces provenant de l’augmentation des températures de l'eau et de l'acidité de l’océans due aux émissions de CO2 provenant des combustibles fossiles, Hughes et d'autres scientifiques appellent à une interdiction totale de déversements dans la GBR ou à n'importe quel endroit situé près d’elle.

La menace supplémentaire que constituent les ports de charbon et d'autres développements industriels le long de la côte est si grave que l'UNESCO a mis en garde l'Australie qu’elle changerait la prestigieuse désignation de site du patrimoine mondial du récif à un “site du patrimoine mondial en danger”.

La décision de l'UNESCO est attendue pour la mi-2015, qui est également le moment où le dragage du port d’Abbot est prévu pour commencer.

Edité par Kitty Stapp Traduit en français par Roland Kocouvi