ILES DU PACIFIQUE: L’égalité des sexes préoccupe les dirigeants de la région

SYDNEY, Australie, 22 août (IPS) – Un engagement pris par les dirigeants politiques des îles du Pacifique, il y a deux ans, d’accélérer les efforts visant à fermer l'écart entre les sexes dans la région, a été renforcé par l'annonce selon laquelle trois femmes prendront la tête de l'organisation intergouvernementale régionale, le Secrétariat du forum des îles du Pacifique, dont le siège est à Suva, dans les îles Fidji.

Lors du sommet des dirigeants du Forum des îles du Pacifique de cette année dans les Palaos, l’ancien diplomate de la Papouasie-Nouvelle-Guinée et fonctionnaire de la Banque mondiale, Dame Meg Taylor, a été nommé en tant que nouveau secrétaire général, remplaçant cette année le sortant Tuiloma Neroni Slade. Taylor, qui occupera le poste pendant trois ans, rejoint deux femmes sous-secrétaires générales, Cristelle Pratt et Andie Fong Toy.

Cette nomination est une percée significative pour les femmes dans les niveaux supérieurs de la gouvernance. Selon Pratt, la Déclaration des dirigeants des îles du Pacifique sur l’égalité des sexes, faite lors du sommet organisé dans les îles Cook en 2012, a galvanisé l'action des dirigeants sur la question.

“Un changement positif a été la création indirecte d'un processus d'examen par les pairs sur le genre au plus haut niveau”, a indiqué Pratt à IPS, ajoutant que l'égalité des sexes “gagne lentement du terrain au niveau central d'élaboration des politiques”, à des niveaux aussi élevés comme le bureau du Premier ministre dans certains pays du Forum.

L’amélioration du statut des femmes dans les îles du Pacifique est un grand défi, étant donné que la région a le niveau le plus bas de représentation politique des femmes dans le monde, trois pour cent, par rapport à la moyenne mondiale de 20 pour cent.

En outre, les violences faites aux femmes sont endémiques et elles sont mal représentées dans l'emploi formel. La Papouasie-Nouvelle-Guinée (PNG) a un indice de l'inégalité des sexes de 0,617 et Tonga, 0,462, en contraste avec celui de la nation la plus favorable à l’égalité des sexes, la Norvège, 0,065.

Cette déclaration est un signe d'une reconnaissance plus grande par l'élite politique masculine du rôle crucial que les femmes ont à jouer dans la réalisation de meilleurs résultats de développement humain dans la région.

Les dirigeants nationaux ont engagé des réformes, telles que l'adoption de mesures favorables à la participation des femmes dans la gouvernance et la prise de décisions à tous les niveaux, l’amélioration de leur accès à l'emploi et à un meilleur salaire, et le soutien aux femmes entrepreneures avec des services financiers et la formation. Ils ont également promis d’offrir une meilleure protection législative contre les violences basées sur le genre et des services d’appui aux femmes qui ont subi des sévices.

“Ce qui est important concernant la déclaration, c’est que les dirigeants l’ont considérée comme une priorité et je crois que notre dirigeant l’a prise au sérieux et l’a respectée à travers un changement de la loi dans les Samoa”, a déclaré à IPS, Fiame Naomi Mata'afa, ministre de la Justice et des anciennes Femmes parlementaires des Samoa.

En 2013, une loi a été adoptée dans les Samoa, réservant 10 pour cent, soit cinq des 49 sièges du parlement pour les femmes.

“C'est un pas important en ce que cela fournit un 'plancher' contrairement à un 'plafond' et il n'y aura jamais moins de cinq femmes dans tout parlement futur”, a-t-elle poursuivi. “Il est important que les femmes soient au parlement pour être vues et entendues et pour servir de preuve que cela peut être fait”.

La faible représentation politique des femmes varie de deux pour cent dans les îles Salomon à 8,7 pour cent dans les Kiribati, sans aucune représentation politique des femmes du tout dans les Etats fédérés de Micronésie et du Vanuatu, avec des populations de 103.000 et 247.000 habitants respectivement.

Les facteurs favorables comprennent les attentes bien ancrées que la place de la femme se trouve au foyer, le faible soutien des partis politiques et les plus grandes difficultés que les femmes ont à accéder aux financements et aux ressources pour mener des campagnes électorales.

Il y a eu des progrès supplémentaires dans d'autres pays en 2013 qui ont vu la première femme élue au parlement de Nauru – le plus petit Etat dans le Pacifique sud – en trois décennies, et trois femmes ayant obtenu des sièges lors de l'élection nationale dans les Îles Cook en juillet.

La participation des femmes à la gouvernance au niveau local a reçu un coup de pouce au Tuvalu après que le gouvernement a adopté une loi qui exige la représentation des femmes dans les conseils locaux. Blandine Boulekone, présidente du Conseil national des femmes du Vanuatu, a noté que les femmes ont gagné cinq des 17 sièges dans les élections municipales organisées dans la capitale, Port Vila, en janvier.

La parité des sexes dans l'éducation, nécessaire pour améliorer le statut des femmes dans tous les domaines de la vie, a, selon les statistiques nationales, été atteinte dans la plupart des Etats de l’île du Pacifique, à l'exception de la PNG, les Tonga et les Îles Salomon, les filles surpassant les garçons au niveau secondaire dans les Samoa et les Fidji.

Néanmoins, le Forum des îles du Pacifique a annoncé en 2013 que “l'enseignement supérieur pour les jeunes femmes ne conduit pas nécessairement à de meilleurs résultats en matière d'emploi à cause des barrières de genre dans les marchés du travail”, la plupart des pays signalant moins de 50 pour cent de femmes dans les emplois salariés non agricoles.

En 2013, les Samoa ont adopté une loi contre le harcèlement sexuel et la discrimination en milieu de travail, alors que des projets de loi similaires sont en cours d'élaboration dans les Kiribati, au Vanuatu et dans les Tonga.

Pratt affirme également qu'il y a eu de bonnes avancées avec “l'adoption d'une législation sur les violences conjugales dans les Palaos, les Samoa, les Tonga, les Kiribati et les Îles Salomon”. En 2013, les violences conjugales sont également devenues une infraction pénale en PNG à la suite de l'adoption de la Loi sur la Protection familiale.

Environ 60 à 75 pour cent des femmes dans région sont confrontées à des violences conjugales et de la part de leur partenaire intime. Leur vulnérabilité est exacerbée par le mariage précoce, la pratique de la 'dote', de faibles niveaux d'indépendance financière et l'accès insuffisant des femmes aux systèmes de justice.

Cependant, Shamima Ali, coordinatrice du Centre de gestion des crises pour les femmes des Fidji, a déclaré: “En tant que praticiens sur le terrain, nous pouvons dire que bien que toutes ces politiques et lois paraissent intéressantes sur le papier, [leur] application est un autre problème”.

“Il faut aussi investir financièrement pour assurer que nouvelles lois et politiques sont efficaces”.

Les Fidji disposent d’un décret sur les violences conjugales depuis 2009, mais Ali a dit: “Bien que la plupart des magistrats et juges fassent bien et suivent les nouveaux décrets, il existe beaucoup qui affichent encore des idées traditionnelles reçues concernant le viol et les violences conjugales et les victimes subissent souvent l'injustice, en particulier pour les “crimes sexuels”.

L’application de la loi est un grand défi, aussi, surtout dans les communautés rurales.

“Les femmes, les filles et les enfants des zones rurales et maritimes font rarement recours à la justice pour les crimes de violence commis à leur encontre en raison du manque de présence policière et de ressources dans ces régions”, a-t-elle indiqué.

Pratt est d’accord que la route vers un changement réel dans la vie des femmes ordinaires du Pacifique est longue.

“La déclaration est encore nouvelle et il faut plus de sensibilisation, de plaidoyer et de responsabilité en vue d'atteindre les objectifs”, a-t-elle souligné.

Edité par Kanya D’Almeida Traduit en français par Roland Kocouvi