AFRIQUE: Contraception, le maillon le plus faible de la prévention du VIH

NAIROBI, 18 août (IPS) – Dans la course pour sauver les bébés de l'infection à VIH et de traiter leurs mères, les experts préviennent qu'un élément clé de la prévention du VIH est négligé en Afrique – des contraceptifs pour les femmes séropositives.

Pourtant, la contraception est le deuxième pilier du succès de la Prévention de la transmission du VIH de la mère à l'enfant (PTME), en plus de la prévention de l'infection chez les femmes et les bébés, et des soins pour les personnes infectées.

“Les besoins de contraception des femmes séropositives sont souvent mis à l'arrière-plan, l'accent principal est mis sur le maintien de la mère et de l'enfant en bonne santé”, a déclaré à IPS, Florence Ngobeni-Allen, une porte-parole de la Fondation Elizabeth Glaser de lutte contre le SIDA pédiatrique. Sud-africaine, elle a été déclarée séropositive en 1996, a perdu un bébé à cause du SIDA et a maintenant deux garçons en bonne santé.

La contraception est cruciale en Afrique orientale et australe, où une prévalence élevée du VIH combine avec des besoins non satisfaits en matière de planning familial, et où huit femmes séropositives sur 10 sont dans leurs années de reproduction, selon le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA). Des études suggèrent que les femmes vivant avec le VIH ont le même désir “sinon plus d’envie de limiter les naissances par rapport aux femmes séronégatives. La réduction des besoins non satisfaits en matière de planning familial chez ces femmes est essentielle pour atteindre l'objectif de réduire de 90 pour cent les nouvelles infections à VIH chez les enfants”, indique le rapport 'Les Femmes s’expriment' des Nations Unies.

Des enquêtes auprès des femmes séropositives au Kenya et au Malawi montrent que près des trois-quarts ne voulaient pas plus d'enfants dans les deux prochaines années ou jamais, mais seulement un quart utilisaient des contraceptifs modernes.

Faiblesse des programmes Une étude menée par 'Family Health International' chez les femmes séropositives au Rwanda, au Kenya et en Afrique du Sud a montré que plus de la moitié n'ont pas planifié leur grossesse la plus récente.

Bien que les femmes désirent le planning familial, l'accès était difficile. Un obstacle était le personnel de santé: ils n'étaient pas formés sur les options de contraception pour les femmes vivant avec le VIH; avaient des idées fausses sur la sécurité des contraceptifs; offraient seulement la plupart du temps des préservatifs masculins, bien que les femmes préfèrent des implants et injections à action prolongée, et beaucoup critiquaient la vie sexuelle des femmes.

“Parfois, les infirmier(ère)s oublient que les femmes sont encore sexuelles lorsqu’elles découvrent que vous êtes séropositif”, souligne Ngobeni-Allen.

Le besoin non satisfait du Kenya en matière de contraceptifs est de 25 pour cent à l'échelle nationale, mais 60 pour cent chez les femmes séropositives, a indiqué à IPS, Dr John Ong'ech, directeur adjoint à l'Hôpital national Kenyatta.

Le faible accès au planning familial pour les femmes séropositives, qui sont six à huit fois plus susceptibles de mourir de complications liées à la grossesse par rapport aux femmes séronégatives, “est une faiblesse des programmes de santé”, a-t-il déclaré à IPS, bien qu’il soit moins coûteux et plus efficace de fournir des contraceptifs que la PTME.

Husbands and mothers-in-law Les maris et les belles-mères Mary Naliaka, qui travaille sur le SIDA pédiatrique au ministère de la Santé du Kenya, a déclaré à IPS que le planning familial devrait faire partie du paquet de traitements du VIH et offrir une variété d'options de contraception.

Mais les systèmes de santé en Afrique orientale et australe souffrent souvent de pénuries de produits de base et beaucoup de centres de santé manquent d'infrastructures adéquates.

“Pour insérer un dispositif intra-utérin, vous avez besoin d'un environnement stérile”, explique Ong'ech.

L'injection est la méthode la plus populaire parce que les femmes peuvent l'utiliser sans informer le mari, ajoute-t-il.

Des relations inégales entre les sexes et la faiblesse du pouvoir de négociation influencent l'utilisation des contraceptifs. Naliaka observe que dans la culture africaine, “la belle-mère peut machiner la fin d'un mariage si un bébé ne vient”.

Dorothy Namutamba, de la Communauté internationale des femmes vivant avec le VIH en Afrique de l'est (ICWEA), qui est basée à Kampala, en Ouganda, a déclaré à IPS que les femmes sont élevées pour plaire aux maris.

“Si un homme exige que vous deviez avoir dix enfants [vous devez l’avoir] et si vous n'êtes pas capable, il regardera ailleurs”, affirme-t-elle. “La plupart des hommes n'encouragent pas les femmes à utiliser le planning familial, c'est un gros problème”.

La stigmatisation et les violences conjugales aggravent le problème. “Les femmes ont peur de déclarer leur statut sérologique parce qu’elles peuvent faire face à la violence de genre, et cela limite leur accès au planning familial”, a expliqué Anthony Mbonye, commissaire des services de santé en Ouganda.

Etant donné le pouvoir des hommes sur les décisions concernant la grossesse, les services de santé de reproduction orientés vers le couple sont cruciaux, mais “les établissements sanitaires sont trop bondés pour absorber le partenaire masculin”, a déclaré Naliaka à IPS.

Les stérilisations forcées des femmes séropositives au Kenya, au Malawi, en Namibie, en Afrique du Sud et en Zambie, avec des procès en cours, ternissent davantage la question des droits et des besoins en matière de procréation et du VIH.

“Cela a déshonore le secteur de la santé”, affirme Naliaka. Toutefois, ajoute-t-elle, “à travers ces cas médiatisés, le secteur de la santé et le public ont compris que ces femmes ont des besoins en matière de santé de la reproduction similaires à ceux des femmes séronégatives”.

Des guichets uniques Pour aller de l'avant, les experts recommandent l'intégration des services du VIH, du planning familial et de santé maternelle et infantile, gagnant du temps à la fois pour les utilisateurs et le personnel de santé.

Sept pays d'Afrique australe ont mis en place des “guichets uniques” pour la santé de la reproduction, où la femme peut obtenir des antirétroviraux, le dépistage du cancer du col de l’utérus, des conseils sur l'allaitement et le planning familial en une seule visite, sous un seul toit, parfois dans une seule chambre dotée d’un seul agent de santé.

Relier les services est rentable et efficace, indique l’UNFPA. Cela a un “sens populaire”.

Edité par: Mercedes Sayagues Traduit en français par Roland Kocouvi