AMERIQUE LATINE: La région serre les rangs en solidarité avec le peuple de Gaza

CARACAS, Venezuela, 10 août (IPS) – L'Amérique latine est la région dont les gouvernements ont pris la position la plus ferme en faveur de Gaza face aux frappes d'Israël, retirant un certain nombre d'ambassadeurs de Tel Aviv et publiant des déclarations dures de plusieurs présidents contre les attaques sur le peuple palestinien.

Mais certains experts disent que, paradoxalement, cette solidarité a empêché cette région de jouer un rôle décisif dans la tentative internationale pour limiter ou résoudre le conflit.

“Il serait bon de profiter de la distance géographique et des relations avec les peuples du Moyen-Orient pour freiner la confrontation”, a déclaré à IPS, Elsa Cardozo, ancienne directrice de la Faculté des études internationales de l'Université centrale du Venezuela.

L’Amérique latine “a également le pouvoir d'être une région exempte de conflits religieux ou de conflits tournant autour de l'existence des nations, ce qui la place dans une position de se prononcer, par exemple, sur les attaques horribles d'Israël contre les cibles civiles palestiniennes”, a indiqué Cardozo.

Mais “sa prise de position a priori militante sape le pouvoir de la région de faire pression sur les deux côtés, parce que cette autorité n'est pas acquise en étant partiale mais en condamnant chaque action de chaque acteur qui viole les droits fondamentaux”, a-t-elle ajouté.

Depuis qu'Israël a lancé l'opération “Bordure protectrice” le 8 juillet, bombardant la bande de Gaza, les gouvernements d'Argentine, du Mexique, du Nicaragua et de l'Uruguay ont fait des déclarations condamnant les bombardements, et les ministères des Affaires étrangères du Brésil, du Chili, de l'Equateur et du Pérou ont rappelé leurs ambassadeurs à Tel Aviv pour consultations.

Déjà dans l'opération israélienne “Plomb durci” contre Gaza à la fin de 2008, les gouvernements de Bolivie et du Venezuela ont rompu leurs relations avec Tel Aviv, tandis que Cuba a rompu ses relations en 1973 et La Havane a été en conflit diplomatique avec Israël et a offert un soutien ouvert aux mouvements palestiniens de libération.

Le 29 juillet, quatre des cinq présidents du Mercosur (Marché commun du Sud) ont publié une déclaration lors d'un sommet à Caracas “condamnant vigoureusement l'usage disproportionné de la force de la part des forces armées israéliennes dans la bande de Gaza, force qui a presque exclusivement touché les civils, dont beaucoup de femmes et d'enfants”.

Cette déclaration incluait également une condamnation de toutes les attaques contre les civils israéliens, et a été signée par les présidents Cristina Fernández (Argentine), Dilma Rousseff (Brésil), José Mujica (Uruguay) et Nicolás Maduro (Venezuela). Le président Horacio Cartes du Paraguay, un autre membre du bloc, s’est abstenu.

Pendant les quatre premières semaines de la guerre contre Gaza, au moins 1.830 Palestiniens, dont les trois-quarts sont des civils, et 67 Israéliens, dont 64 soldats et trois civils, ont été tués, selon les statistiques recueillies sur le terrain.

Dans cette région, des marches et protestations en solidarité avec Gaza et la cause de la Palestine ont été organisées en Argentine, au Brésil, en Colombie, au Costa Rica, à El Salvador, au Mexique, au Nicaragua, au Panama, au Venezuela et dans d'autres pays.

Le président équatorien, Rafael Correa, a annulé un voyage en Israël et en Palestine prévu vers la fin de cette année, disant que son pays “doit continuer à dénoncer ce génocide qui est en train d’être commis dans la bande de Gaza”.

Le 29 juillet, le président bolivien, Evo Morales, a annoncé que son pays mettait Israël sur sa liste des “Etats terroristes” à cause du “génocide” et des attaques inhumaines contre la population civile à Gaza.

Le 4 août Mujica, le président de l'Uruguay, a également qualifié l'offensive contre le peuple de Gaza de “génocide”, alors que son ministre des Affaires étrangères, Luis Almagro, a déclaré que le gouvernement réévaluait “nos relations diplomatiques avec Israël”.

“Tout le monde a le droit de se défendre, mais il y a des défenses qui ont une limite, que vous ne pouvez pas faire, telles que le bombardement des hôpitaux, des enfants et des personnes âgées”, a souligné Mujica.

Maduro s’est également durement exprimé contre l'offensive israélienne, la qualifiant de “massacre horrible. Ceux qui la comparent au génocide vécu par le peuple juif lui-même aux mains de la droite intolérante dont le leader suprême était [Adolph] Hitler ont raison”.

En outre, le ministre vénézuélien des Affaires étrangères, Elías Jaua, a annoncé le 6 août au Caire que le Venezuela expédierait 16 tonnes d'aide humanitaire à Gaza via l'Egypte, et enverrait des fonds pour l'achat de 15 ambulances, ainsi que 240.000 barils de carburant pour le reste de l’année, sur la base des accords qui seront gérés par PetroPalestine.

Le voyage du ministre au Caire avait pour but de coordonner l'aide, de réitérer l'engagement du Venezuela à la population palestinienne, de visiter les réfugiés qui ont fui les bombardements pour venir Egypte, et de réaffirmer la proposition de son pays d'accueillir les enfants palestiniens orphelins dans le mois dernier.

Kenneth Ramírez, président du Conseil vénézuélien des relations internationales, une organisation privée, a dit à IPS que le Venezuela, l'un des plus grands exportateurs de pétrole au monde, “peut contribuer au développement des combustibles fossiles en Palestine et à leur transformation en opportunités pour le développement du peuple palestinien”.

En outre, les Nations Unies, où il est candidat à un siège non permanent au Conseil de sécurité pour la période 2015-2016, le Venezuela “peut contribuer aux efforts internationaux qui pourraient apporter un changement à la dynamique actuelle, mais pour faire cela il devrait éviter de prendre des positions partiales dans ce conflit”, a souligné Ramírez.

Milos Alcalay, un ancien ambassadeur du Venezuela à l'ONU, a souligné à IPS que “dans l'organisation mondiale, l'Amérique latine a toujours soutenu la création de deux Etats, depuis 1947, un israélien et l'autre palestinien, contrairement aux pays arabes, qui voulaient qu’un seul Etat soit formé”.

“Malheureusement, cette position équilibrée est en train d’être écartée, et la possibilité pour un accord avec toutes les parties au conflit est en train d’être perdue”, a déclaré Alcalay, qui est aussi un ancien vice-ministre des Affaires étrangères.

L’Amérique latine “devrait envoyer un message selon lequel elle pleure tous les morts, elle condamne les actions militaires d'Israël et les provocations des extrémistes opposés à elle, toujours dans le but de parvenir à un cessez-le feu et à une voie pour la paix”, a-t-il ajouté.

“Il n'y a pas d’interlocuteurs étatiques valides désignés pour la médiation, en grande partie parce qu'ils sont des acteurs qui ont échoué dans leurs tentatives de médiation et qui ont pris des positions polarisées par rapport au conflit à Gaza”, a indiqué à IPS, Andrés Serbin, président du 'Regional Coordinator of Economic and Social Research' (Coordonnateur régional de la recherche économique et sociale –CRIES) basé à Buenos Aires, en Argentine.

Compte tenu de l'échec de la médiation par les Etats et l'ONU, “l'alternative est celle des actions de la société civile. Les premiers efforts se concentrent sur les systèmes d'alerte précoce et la prévention, et étant donné l'escalade de la violence comme ce que nous voyons maintenant à Gaza, des initiatives de la diplomatie citoyenne et des campagnes visant à rouvrir le dialogue”, a indiqué Serbin.

En résumé, Ramírez a dit: “Israël ne peut pas continuer la guerre avec le Hamas sans éroder sa légitimité internationale; et le Hamas ne peut pas continuer à jouer avec le feu, parce que la division permanente des factions palestiniennes ne permettra pas la création d'un Etat palestinien”.

Edité par Estrella Gutiérrez Traduit en anglais par Stephanie Wildes Traduit en français par Roland Kocouvi