DROITS: Coupables et acquittés au TPIR cherchent pays d'accueil

ARUSHA, 14 déc (IPS) – Les prévenus qui ont été jugés par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), pour le génocide de 1994, ne restent pas à Arusha, en Tanzanie. Huit pays hébergent les condamnés, mais ceux qui sont acquittés ont du mal à trouver un pays d'accueil.

Le 6 décembre 2010, Ildefonse Hategekimana, ancien lieutenant des ex-Forces armées rwandaises, commandant du petit camp militaire de Ngoma à Huye, dans le sud du Rwanda en 1994, est debout devant ses juges. Encadré de deux policiers, il écoute le verdict prononcé par Arlette Ramaroson, la présidente de la Chambre de première instance du TPIR. Il est “reconnu coupable de génocide, d'assassinat et de viol. La chambre le condamne à la peine d’emprisonnement à vie”. C'est le 52ème suspect jugé par le TPIR, créé en 1994 par le Conseil de sécurité des Nations Unies, qui a pour mission “de juger les responsables des crimes contre les violations des droits de l'Homme commis au Rwanda entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994”. Composé de trois chambres de première instance et d'une chambre d'appel, le tribunal est installé dans un grand centre de conférence à Arusha, dans le nord de la Tanzanie. Douces conditions de détention Les suspects arrêtés par des Etats étrangers sont transférés dans un centre de détention des Nations Unies. Ce centre, situé au milieu de la prison d'Arusha, héberge actuellement 36 détenus en attente d'être jugés ou transférés ailleurs. “C'est le premier centre créé et géré par les Nations Unies pour servir de modèle”, indique Saidou Guindo, responsable du centre.

Selon Guindo, même si ce sont des suspects ou coupables de génocide, les conditions de détention doivent être humaines. La prison dispose ainsi d'une bibliothèque, d'une classe d’anglais, de parloirs pour recevoir visiteurs et avocats, de petits terrains de basket et de volley ball, et d'une petite chambre à rideaux blancs qui sert de mosquée pour les détenus musulmans. “Dernièrement, nous avons autorisé des visites conjugales une fois tous les deux mois et il y a eu des critiques de toutes sortes. Mais, nous considérons que quand une personne est condamnée, sa famille ne l'est pas pour autant”, affirme-t-il.

Les personnes condamnées ne demeurent pourtant pas au centre très longtemps. Selon l'article 26 du statut du tribunal, “les peines sont exécutées au Rwanda ou dans un Etat désigné par le TPIR sur la liste des Etats ayant fait savoir au Conseil de sécurité qu'ils étaient disposés à recevoir des condamnés” : le Mali, le Bénin, le Swaziland, l'Italie, la France, la Suède et le Sénégal. Le Mali a déjà accueilli 14 condamnés, le Bénin sept. Le Rwanda, prévu par le statut, ne ménage aucun effort pour obtenir le feu vert effectif du TPIR pour recevoir des prisonniers. Depuis 2004, en effet, la prison de Mpanga à Nyanza dans le sud du pays, qui abrite les détenus coupables de génocide jugés au Rwanda, a été réhabilitée et étendue pour accueillir des condamnés d'Arusha.

Un geste attendu par les rescapés du génocide : “Qu'ils soient incarcérés au milieu de leurs victimes, c'est une leçon pour eux-mêmes et pour le Rwanda”, a déclaré à l’agence Hirondelle en 2008 Théodore Simburudari, président d'Ibuka, la principale association des rescapés du génocide. Pour montrer sa capacité à recevoir des détenus selon les normes exigées par le TPIR, le Rwanda accueille depuis 2009 les anciens seigneurs de guerre sierra-léonais, condamnés par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone à des peines allant de 25 à 50 ans de prison.

Etats réticents Le TPIR n'a pas de police. Pour rechercher les présumés coupables ou accueillir les acquittés, il “ne peut que compter sur la coopération des Etats”, souligne Pascal Besnier, greffier adjoint du TPIR. Sur huit acquittés, cinq ont été accueillis en France, en Suède, en Belgique et en Italie. Les trois autres n'ont pas encore de pays d'accueil, alors qu’ils voudraient bien rejoindre les pays où résident leurs familles : “Certains pays occidentaux nous disent, 'si nous les accueillons, l'ordre public serait affecté”, indique-t-il. Lors de son discours devant le Conseil de sécurité de l’ONU, le 6 décembre, le juge Dennis Byron, président du TPIR, a souligné que “le problème de la relocalisation des acquittés nécessite une attention urgente. Ces personnes se trouvent dans un vide juridique”. Dans les prochaines années, non seulement les acquittés, mais aussi les condamnés ayant purgé la totalité de leurs peines, seront nombreux dans cette situation.

Depuis la création du TPIR, 90 personnes ont été mises en accusation et 80 suspects ont été arrêtés, tandis que 10 sont toujours en fuite. Au total 52 ont été jugés, dont huit acquittés. Sept sont en attente de la fin de leur procès. Deux suspects ont été transférés à des tribunaux nationaux, et cinq sont décédés.

Selon Besnier, “le TPIR envisage d'avoir achevé son travail vers la fin de l'année 2013 : il reste un an pour boucler les procès de première instance et deux ans pour terminer les procédures d'appel”. *(Fulgence Niyonagize est journaliste pour Syfia, une agence de presse basée à Montpellier. Cet article est publié en vertu d'un accord de coopération entre l’agence de presse InfoSud et IPS).