RD CONGO: Arbres coupés, habitants et animaux menacés à Butembo

BUTEMBO, RD Congo, 13 déc (IPS) – Les arbres disparaissent, coupés pour cuire des briques en argile ou laisser la place aux bâtiments en construction à Butembo, une ville située au nord de Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).

Conséquences : Peu à peu, l'environnement se dégrade, les érosions se multiplient, la chaleur augmente, les vents sont plus forts et des animaux autrefois courants, comme le caméléon, disparaissent. À Butembo, sur la route qui mène à la mairie, en face de l’école primaire Kavaghendi, un attroupement d’enfants attire la curiosité des passants. À la sortie des classes, des élèves contemplent, émerveillés, un caméléon sur un arbuste : “Regarde, il change de couleur. Il était vert il y a quelques minutes, il vient de virer au noir!”, s’exclame l’un d’entre eux, excité à la vue du petit reptile. Un enseignant qui passe par là s’étonne. “À notre époque, voir un caméléon faisait partie de notre quotidien, aujourd'hui, c'est un spectacle…”, dit-il. Ces animaux “ont disparu parce qu'on a détruit leur habitat”, explique-t-il. “Ils ne peuvent alors pas se réadapter. Ils se sentent menacés et fuient, ou disparaissent simplement”, confirme Kawa Ndaghala, médecin vétérinaire et chef de service urbain de l’agriculture, pêche et élevage. À Butembo, les bosquets se comptent désormais sur les doigts de la main. Pour les voir, il faut sortir de la ville. Celle-ci, construite autour d’une vallée, était pourtant jadis un parc d’arbres. Mais, ces dernières années, les habitants les coupent systématiquement pour cuire des briques en argile et construire des maisons. Ils se servent également des arbres pour obtenir du bois de chauffe, car l'électricité est rare. Principale activité, le commerce pousse par ailleurs certains habitants de la ville à avoir une pièce encastrée dans leurs enclos pour servir de boutique. Ainsi, les anciennes haies naturelles qui ceinturaient les habitations n’y ont plus droit de cité. À la place, ce sont des clôtures en briques cuites.

Chaleur et érosions Étudiant en bâtiment, Jean de Dieu Kakule regrette que la ville soit en train de “perdre de sa beauté en devenant une masse de maisons en dur”. Le maire adjoint de la commune de Vulamba, Cyprien Mulondi, dénonce l’irresponsabilité de certains “patrons qui ont des concessions d'arbres, mais les coupent sans se référer au service de l'environnement”, ignorant que “les arbres sont des brise-vent qui protègent la ville”.

“Nous avons plusieurs fois expliqué à nos administrés que les érosions sont consécutives aux déboisements, mais ils font la sourde oreille”, se plaint Bwambale Nyime, maire de la commune de Kimemi, très menacée par plusieurs têtes d’érosions. Selon Karungu Mahamba, un agent des services de l’environnement, pour abattre un arbre, il faut normalement d’abord planter un arbuste, obtenir l’autorisation du service compétent et payer un dollar de contribution. Les habitants de Butembo n'observent pas ces normes et payent déjà leur irresponsabilité vis-à-vis de la nature : “Il y a 10 ans, pour dormir la nuit, il fallait des couvertures épaisses. À présent, il fait tellement chaud qu'avec juste un drap on transpire. On ne s'en rend pas compte, mais le climat change”, souligne Jean Paul Mundama, médecin et écologiste. “Les arbres règlent le climat par la photosynthèse. Lorsqu'ils se raréfient, cela joue énormément sur l’environnement. On ne le réalise pas tout de suite, mais ces changements sont déjà perceptibles”, explique l’ingénieur agronome Mathe Lukanda. À cause des coupes incontrôlées d'arbres, il faut désormais marcher sur plusieurs kilomètres pour trouver les animaux. Parmi eux, certaines espèces aidaient à guérir des maladies: par exemple, les maux d’oreilles avec la queue de caméléon. Une fois coupée, la queue repousse.

Les animaux constituaient également, pour les professeurs de sciences à Butembo, les matériels didactiques pour leurs cours de zoologie. “Nous enseignons désormais comme des instituteurs du désert. Comment faire comprendre à un enfant que le caméléon change de couleur sans le lui faire voir?”, demande un enseignant de la ville.

*(Kennedy Wema est journaliste pour Syfia, une agence de presse basée à Montpellier. Cet article est publié en vertu d'un accord de coopération entre l’agence de presse InfoSud et IPS).