ÉSD s’entretient avec l’Honorable Awut Deng Acuil, Ministre de l’Éducation Générale et de l’Instruction du Sud-Soudan

Le 06 août 2021 – Awut Deng Acuil est la première femme ministre de l’Éducation du Sud-Soudan, et seulement la deuxième personne à occuper ce poste dans son pays, devenu indépendant en 2011. Avant d’occuper ce poste, la ministre Acuil a été la première femme à occuper le poste de ministre des Affaires Étrangères et de la Coopération Internationale du pays. Récemment, la ministre Acuil est entrée dans l’histoire en devenant la première femme à diriger une université du Sud-Soudan lorsqu’elle a été nommée présidente du conseil de l’Université de Bahr El-Ghazal.

Depuis 2005, la ministre Acuil a été Conseillère Présidentielle pour l’Égalité des Sexes et les Droits de l’Homme, Ministre du Travail, de la Fonction Publique et du Développement des Ressources Humaines, Ministre de l’Aide Humanitaire et de la Gestion des Catastrophes et Ministre de l’Égalité des Sexes, de l’Enfance et de la Protection Sociale.

Sa longue et impressionnante histoire de service public a commencé pendant une période difficile de sa vie. Pendant la guerre civile au Soudan, elle a passé des années comme réfugiée au Kenya avec ses enfants. Après le décès de son mari, la ministre Acuil a poursuivi ses études et est devenue une fervente partisane de la paix, de l’égalité des sexes et des droits de l’homme.

La ministre Acuil est devenue active au sein de plusieurs organisations, formant d’autres personnes à la résolution de conflits et défendant la paix. Elle est membre fondateur de la Sudanese Women Association (Association des Femmes Soudanaises) de Nairobi et de la Sudanese Women Voice for Peace (Voix des Femmes Soudanaises pour la Paix). Ces expériences, associées à son diplôme en sciences politiques, l’ont amenée à participer à d’éventuelles négociations de paix entre le Nord et le Sud. Ses efforts pour promouvoir la paix et le développement dans son pays déchiré par la guerre lui ont valu une reconnaissance internationale, puisqu’elle a reçu le Prix Humanitaire InterAction en 2002.

Awut Deng Acuil est ministre de l’Éducation et de l’Instruction du Sud-Soudan depuis début 2020. La pandémie de COVID-19 a eu un impact dévastateur sur l’éducation au niveau mondial et a encore exacerbé les obstacles existants à l’éducation dans son pays. N’étant pas du genre à reculer devant les défis, Mme la Ministre Acuil continue de défendre les droits, la protection et l’éducation des jeunes et des générations futures du Sud-Soudan.

En tant que Ministre de l’Éducation Générale et de l’Instruction, Awut Deng Acuil soutient de nouvelles initiatives dans le domaine de l’éducation, notamment celles d’ÉSD, qui visent à ouvrir la porte de l’apprentissage aux enfants de tout le Sud-Soudan qui ont été trop souvent exclus- les filles et les garçons touchés par le conflit, les étudiants handicapés et les enfants des éleveurs qui gardent le bétail.

ÉSD : Le Sud-Soudan a une population jeune avec un âge moyen de 18 ans, ce qui entraîne une forte pression sur le système éducatif. Pouvez-vous décrire les défis auxquels sont confrontés les enfants et les jeunes du Sud-Soudan pour accéder à une éducation inclusive et de qualité, en particulier pour les filles ?

Mme la Ministre Awut Deng Acuil : Un certain nombre de facteurs inhibiteurs affectent les taux de scolarisation, de rétention et d’achèvement des études au Sud-Soudan : le manque d’infrastructures scolaires – y compris la disponibilité d’installations WASH (Eau, Assainissement et Hygiène), de toilettes séparées par sexe, de systèmes de gestion des menstruations et d’assainissement, etc. – le conflit et l’insécurité, les normes traditionnelles et le fort taux de rotation des enseignants qualifiés – en particulier des enseignantes – qui se traduit par un manque d’enseignants qualifiés. Ces facteurs se répartissent en trois catégories d’obstacles : les obstacles au niveau des ménages et de la communauté, les obstacles au niveau des écoles et les obstacles au niveau de la politique et du système. Ils peuvent survenir simultanément et limiter l’apprentissage des enfants.

Si les taux d’accès à l’éducation sont très faibles pour tous les enfants du Sud-Soudan, ils le sont encore plus pour certains groupes d’enfants tels que les filles, les enfants handicapés, les enfants touchés par le conflit et les enfants de éleveurs.

Au niveau national, il y a plus d’élèves de sexe masculin que de sexe féminin dans tous les niveaux d’établissements scolaires.

L’un des plus grands écarts entre les sexes se situe dans les établissements secondaires où seulement 35% des élèves inscrits sont de sexe féminin.

Les enfants handicapés sont confrontés à une exclusion encore plus grande. 1 597 (1,4 %) des enfants inscrits dans les écoles primaires soutenues par le Programme pluriannuel de résilience (MYRP) d’ÉSD sont des enfants handicapés, tandis que 50 (1,38 %) des apprenants inscrits dans des établissements secondaires soutenus par le MYRP sont des enfants handicapés.

Les filles sont confrontées à un certain nombre d’obstacles pour accéder à l’éducation, notamment :

– La famille et la communauté : Parmi tous les enfants non scolarisés au Sud-Soudan, environ deux tiers sont des filles et des enfants handicapés. De nombreux parents préfèrent donner la priorité à l’éducation des garçons plutôt qu’à celle des filles – ainsi, si une famille n’a pas les moyens d’envoyer tous ses enfants à l’école, les intérêts de l’éducation des garçons sont souvent privilégiés. Il en résulte que les filles sont soit retirées de l’école pour être mariées précocement et de force, car elles sont considérées comme une source de revenus, soit censées s’occuper de leurs frères et sœurs à la maison.

– Environnement scolaire : Manque d’infrastructures adaptées aux filles telles que les installations WASH, problèmes de gestion de l’hygiène menstruelle (GHM), violence sexiste liée à l’école, enseignement sexospécifique, méthodes d’apprentissage, langue, etc.

– Système et politique : les établissements secondaires ne sont pas disponibles dans tout le Sud-Soudan. La majorité est située dans les zones urbaines, laissant les zones rurales à l’abandon. Cela entraîne des taux d’abandon scolaire plus élevés dans les zones rurales. Le manque d’infrastructures, la sous-qualification des enseignants, l’irrégularité de leur rémunération et la rareté des ressources limitent davantage la construction, l’accès et la dotation continue en personnel des écoles.

– Performance des enseignants dans les écoles : selon les données de 2018 du système d’information sur la gestion de l’éducation (EMIS), seuls 17 % des enseignants actuels dans les écoles primaires et 52 % des enseignants dans les établissements secondaires ont reçu des formations d’enseignant reconnues. Outre la nécessité de former ces enseignants aux fondements de l’éducation et au contenu des matières, il est impératif que les formations intègrent des objectifs sensibles au genre dans tous les aspects – du matériel d’enseignement et d’apprentissage à la langue utilisée par les enseignants pour promouvoir un environnement d’enseignement et d’apprentissage sensible au genre et réceptif.

Les programmes existants de l’initiative “Éducation Sans Délai” (ÉSD) s’attaquent aux obstacles à l’environnement d’apprentissage par la construction d’installations WASH adaptées aux filles et aux handicapés dans les écoles, la gestion de l’hygiène menstruelle (GHM), la prévention de la violence sexiste, etc. Il reste encore beaucoup à faire pour soutenir la scolarisation et le maintien des filles à l’école afin qu’elles puissent terminer leur cycle d’éducation et passer à des niveaux d’apprentissage plus élevés.

ÉSD : Quelles sont les principales priorités et stratégies du Ministère de l’Éducation du Sud-Soudan pour relever ces défis et réaliser le droit à une éducation de qualité pour chaque fille et chaque garçon du Sud-Soudan ?

Mme la Ministre Awut Deng Acuil : Il y a deux niveaux de réforme qui ont lieu au Sud-Soudan en ce qui concerne le système éducatif.

À un niveau plus élevé et plus systémique, le Gouvernement tente de donner la priorité à l’éducation en créant des plans stratégiques et en renforçant l’infrastructure nécessaire à un secteur de l’éducation efficace.

Au Sud-Soudan, où 40 % des filles sont mariées avant l’âge de 18 ans, le gouvernement a démontré son engagement à mettre fin au mariage des enfants en donnant la priorité à la protection des enfants et en prévoyant l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes dans la Constitution, la Loi sur l’Enfance (2008) et la ratification des instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme. Le droit à l’éducation est inscrit dans la Constitution de la République du Soudan du Sud de 2011, notamment dans l’Article 17 sur les droits de l’enfant et l’article 29 sur le droit à l’éducation.

La Loi 2012 sur l’Éducation Générale décrit un cadre réglementaire et une structure pour l’éducation dans le pays, fournissant des orientations sur les principes et les objectifs de l’éducation générale ainsi que sur les structures, les systèmes, les normes, le financement et la responsabilité associés pour le secteur. Le Plan Stratégique d’Éducation Générale (GESP) 2017-2022 est une feuille de route nationale pour la mise en œuvre de la Loi sur l’Éducation Générale et décrit les stratégies, les cadres de suivi et d’évaluation et le financement du secteur. Le GESP comprend également l’éducation dans les situations d’urgence et les activités humanitaires qui sont liées aux objectifs de développement à moyen terme.

La Fin au Mariage des Enfants au Sud-Soudan, le Plan d’Action Stratégique National 2017-2030 et la Stratégie Nationale en matière d’Égalité des Sexes, bien qu’ils ne soient pas encore pleinement mis en œuvre, visent à résoudre les problèmes de grossesse et de mariage précoces.

La Politique d’Éducation Inclusive au Sud-Soudan vient d’être lancée le 27 juillet 2021. Cette politique nationale définit et identifie les domaines de besoins pour l’ensemble de la population. Le cadre global de la politique d’éducation inclusive guidera le travail de tous les acteurs impliqués dans l’offre d’éducation inclusive afin d’assurer une cohérence et une mise en œuvre coordonnée. Cette politique est également importante pour l’élimination de la discrimination et le renforcement de l’équité et de l’égalité pour tous les apprenants, notamment l’inclusion des apprenants ayant des besoins supplémentaires dans le système éducatif, y compris les apprenants handicapés.

À un niveau plus profond, des réformes ont été apportées au programme d’études et au matériel pédagogique, dans le but d’améliorer la qualité de l’éducation et de promouvoir la paix au Sud-Soudan.

Avec l’aide d’agences de développement et de partenaires, le Sud-Soudan a élaboré un nouveau programme national qui “est conçu pour aider les jeunes à découvrir leur identité nationale commune” et “soutient les valeurs clés du pays, notamment la justice, la démocratie, la tolérance et le respect”. Les objectifs de ce programme sont alignés sur la Constitution du Sud-Soudan, la Loi sur l’Éducation Générale et la Vision 2040 du Sud-Soudan, qui aspirent à “construire une nation éduquée et informée d’ici 2040”.

Le programme comporte sept objectifs pour le secteur de l’éducation au sens large, dont l’un consiste à “promouvoir l’unité et la cohésion nationales”. Si la structuration d’une identité nationale peut aider les pays sortant d’un conflit à surmonter leurs différences, le nationalisme peut également être associé à des politiques d’exclusion. La manière dont le Sud-Soudan progresse dans le respect de la diversité ethnique de ses citoyens, la reconnaissance de son histoire conflictuelle et l’enseignement aux apprenants de l’engagement actif et de la pensée critique seront des éléments clés du système éducatif.

ÉSD : En 2020, en collaboration avec le Ministère de l’Éducation et d’autres partenaires de l’éducation, Éducation Sans Délai a lancé un Programme Pluriannuel de Résilience (MYRP) avec l’objectif particulier de scolariser davantage d’enfants sud-soudanais. Bien qu’il ne s’agisse que d’un début, dans quelle mesure le programme a-t-il été pertinent et efficace jusqu’à présent ?

Mme la Ministre Awut Deng Acuil : Grâce au programme pluriannuel de résilience d’ÉSD, 137 708 apprenants (54 408 filles et 83 300 garçons) ont bénéficié d’un soutien pour s’inscrire à l’école dans les écoles de développement de la petite enfance, les écoles primaires, les écoles primaires d’excellence, et les établissements secondaires dans les six États.

L’analyse des tendances en matière d’inscription indique que de nombreux enfants qui étaient formellement scolarisés avant la pandémie de COVID-19 n’ont pas encore repris l’école. Le Programme pluriannuel de résilience d’ÉSD a soutenu la réouverture des écoles en toute sécurité et les efforts de reconstruction par la création d’espaces d’apprentissage supplémentaires, l’amélioration du système WASH (Eau, Assainissement et Hygiène) dans les écoles et la sensibilisation aux mesures de prévention du COVID-19. Un autre impact clé a été la réduction du rapport élèves-livres dans l’enseignement secondaire à 1:1 dans les six États cibles.

Le Programme Pluriannuel de Résilience d’ÉSD atteint plus de la moitié du pays géographiquement, où se trouve la majorité de la population des enfants dans le besoin. Le programme se focalise sur six États : les trois États du Grand Nil Supérieur (États de Jonglei, du Nil Supérieur et de l’Unité), un État de la région du Grand Équatoria (Équatoria oriental) et deux États de la région du Grand Bahr el Ghazal (Lacs et Warrap). Ces six États de mise en œuvre du Programme pluriannuel de résilience sont des zones affectées par différents types de conflits et par différentes tendances en termes de déplacement.

Des progrès sont réalisés sur plusieurs composantes, par exemple :

– Toutes les écoles/centres d’apprentissage cibles du MYRP ont reçu des installations pour le lavage des mains. Sur les 50 puits de forage que nous nous étions engagés à creuser, 36 ont été réalisés jusqu’à présent. 6 forages ont été réparés. Certains partenaires et entrepreneurs engagés pour les travaux ont été confrontés à des problèmes d’inondation, nous envisageons donc de déplacer un ou deux forages et le financement vers d’autres endroits accessibles et éligibles. Selon les données que nous avons reçues au début de cette initiative, 156 écoles ont besoin de sources d’eau. En raison des limitations budgétaires, nous avons ciblé 50 écoles. Pour diverses raisons, nous ne pouvons pas accéder à certains sites et, avec l’approbation du comité directeur du MYRP, nous pouvons commencer à envisager d’autres sites. Lors de la sélection des 50 écoles qui recevront des forages, nous avons coordonné avec d’autres parties prenantes – dont l’UNICEF et le DG George Mogga – et utilisé les données générées par GESS.

– 1,12 million de manuels scolaires ont atteint tous les comtés ciblés et, dans la plupart des cas, ont atteint les écoles. Différents partenaires se sont joints aux autorités des États et des Comtés pour distribuer les manuels aux écoles et nous avons assuré un suivi continu de l’utilisation des livres. Le ratio de manuels scolaires devrait être réduit à 1:1 pour les élèves du secondaire et les écoliers du primaire dans les six États ciblés du Sud-Soudan et les deux autres États inclus dans cette initiative. Tous les apprenants inscrits ont également reçu des kits d’apprentissage et les adolescentes ont reçu des kits GHM.

– À l’exception des enfants souffrant de déficiences visuelles et auditives, tous les enfants souffrant de handicaps physiques ont reçu des appareils d’assistance. On a tendance à se concentrer sur les enfants souffrant de handicaps visibles et c’est un point que nous devons prendre davantage en considération au cours des prochains trimestres. Nous devons nous assurer que les enfants souffrant de handicaps “invisibles” reçoivent également le soutien dont ils ont besoin.

– Toutes les écoles soutenues ont reçu des kits d’apprentissage comprenant des craies, du papier manille, des feutres et des stylos.

En outre, l’une des caractéristiques importantes du programme pluriannuel de résilience d’ÉSD au Sud-Soudan est le solide mécanisme de gouvernance du pays, dirigé par le Ministère de l’Éducation avec la participation active de donateurs comme le Royaume-Uni, USAID, SIDA et le Canada, d’agences des Nations Unies comme l’UNICEF et l’UNESCO, et d’acteurs de la société civile, comme la Coalition Nationale pour l’Éducation. L’appui technique fourni par le secrétariat du MYRP est une valeur ajoutée importante du programme. Ce mécanisme renforce l’efficacité et l’alignement du programme.

ÉSD : Pour atteindre toutes les filles et tous les garçons non scolarisés visés par ce programme pluriannuel, il est urgent de mobiliser 189 millions de dollars supplémentaires. Quelle est la stratégie du gouvernement pour s’assurer que le programme sera entièrement financé ? Comment les donateurs publics et privés peuvent-ils aider et quel message avez-vous à leur adresser ?

Mme la Ministre Awut Deng Acuil : L’accent mis sur les filles et les garçons des personnes déplacées à l’intérieur du pays (PDI), des rapatriés et des communautés d’accueil s’aligne parfaitement sur les objectifs et les priorités politiques du Ministère. La conception pluriannuelle et le financement d’amorçage catalytique sont des approches innovantes, car le manque de financement perturbe trop souvent la continuité de l’apprentissage des enfants sud-soudanais.

Le PFP a toujours été considéré comme une intervention gouvernementale, conforme aux priorités et aux objectifs définis comme des priorités nationales, et le ministère de l’éducation estime qu’il doit apporter une contribution substantielle à sa réalisation.

Le Ministère de l’Éducation Générale et de l’Instruction (MoGEI), en collaboration avec les partenaires de mise en œuvre, les parties prenantes, les groupes de donateurs, etc., a élaboré une solide stratégie de collecte de fonds pour combler l’important déficit de financement, étendre le projet et inclure davantage de filles et de garçons dans le Programme.

Dans le contexte du Sud-Soudan, les groupes de donateurs suivants ont été ciblés:

Le gouvernement du Sud-Soudan (ressources nationales) ; les donateurs publics (donateurs humanitaires et de développement) ; les enveloppes de financement humanitaire (financement du CERF, financement commun, etc.) ; les autres mécanismes de financement commun des Nations Unies (par exemple, le Fonds pour la consolidation de la paix, le cas échéant) ; et les donateurs du secteur privé et les fondations privées.

En effectuant une recherche de prospects sur les nouveaux donateurs potentiels et les supporters existants, le MoGEI veut maximiser la portée de la collecte de fonds. Et, en analysant ces prospects, le Ministère espère découvrir de nouvelles informations qui peuvent aider à créer de meilleures stratégies pour toutes les campagnes futures également.

ÉSD : Le COVID-19 a eu un impact dévastateur sur l’éducation partout dans le monde. Quelles sont les répercussions de la pandémie au Sud-Soudan et comment le Ministère de l’Éducation a-t-il travaillé pour s’assurer que les enfants et les jeunes puissent continuer à apprendre et à se développer au maximum de leur potentiel ?

Mme la Ministre Awut Deng Acuil : L’épidémie de COVID-19 fin 2019 a conduit à la fermeture des écoles en mars 2020, lorsque des cas de la maladie ont été détectés au Soudan du Sud. De nombreux décès et infections ont été enregistrés, de sorte que, dans le cadre des mesures de précaution, les écoles ont été fermées et l’apprentissage a été suspendu dans tout le pays.

La fermeture des écoles a exacerbé les défis auxquels l’éducation est confrontée et met en danger les progrès réalisés. Les données ont montré une augmentation des grossesses en raison de l’augmentation du temps passé hors de l’école, ce qui conduit les filles à passer plus de temps avec les hommes de leur communauté et à être plus exposées aux violences et à l’exploitation sexuelles (Save the Children et al., 2015, Children’s Ebola Recovery Assessment in Sierra Leone (Évaluation du rétablissement des enfants victimes d’Ebola en Sierra Leone)).

En cas de crise, les familles peuvent également recourir au mariage précoce comme mécanisme d’adaptation, soit pour alléger les pressions économiques sur le ménage et/ou pour générer des revenus grâce à la ” dote de la mariée “.

Des études ont également montré que la pauvreté peut pousser les parents à envoyer leurs enfants dans des camps de bétail lorsqu’ils ne sont pas en mesure de leur fournir de la nourriture. Le travail des enfants dans les camps de bétail est une base de préoccupation car cela signifie que les enfants sont envoyés loin de chez eux, plus exposés aux problèmes de protection et intrinsèquement empêchés d’aller à l’école (OIT, 2013, Child labour and Education in Pastoralist Communities in South Sudan (Le travail des enfants et l’éducation dans les communautés pastorales du Sud-Soudan)).

Afin de réduire les conséquences négatives de la fermeture des écoles et de s’assurer que les apprenants sont en mesure de poursuivre leur éducation, le MoGEI, avec le soutien de différents partenaires, a adapté les méthodes d’apprentissage et fourni des mécanismes de protection et de soutien alternatifs. Avec le soutien de l’UNESCO, par le biais du Programme de Développement des Capacités pour l’Éducation, le MoGEI a lancé “Education on Air” (Éducation par voie aérienne).

Ce programme vise à diffuser des leçons quotidiennes aux apprenants des niveaux primaire et secondaire, en se focalisant sur des sujets clés tels que l’anglais, les sciences et les mathématiques. Au cours de ces leçons “en direct”, les enseignants dispensent leurs cours et répondent aux questions des apprenants en direct. Plusieurs réseaux radiophoniques ont proposé de tels programmes, notamment City Radio FM, Eye Radio, South Sudan Radio et Miraya Radio. Le Ministère de l’Éducation Générale et de l’Instruction, en collaboration avec l’UNESCO, a également introduit ” Éducation en ligne”, où les apprenants peuvent suivre les professeurs de sciences pendant qu’ils enseignent. En octobre 2020, le MoGEI, avec le soutien de partenaires de développement, a également ouvert des écoles pour les classes de candidats dans tout le pays. Les mesures nécessaires ont été prises pour éviter d’exposer les enfants, les enseignants et les membres de leur famille au risque de contracter la maladie.

ÉSD : La situation au Soudan du Sud s’est quelque peu améliorée ces derniers mois, mais les conséquences des multiples chocs et crises que le pays a connus ces dernières années se font toujours sentir. Que peut-on faire pour renforcer davantage la résilience et faire en sorte que le secteur de l’éducation soit mieux à même de résister à ces chocs et de rebondir ?

Mme la Ministre Awut Deng Acuil : Ce n’est qu’en planifiant les conflits imprévus et les catastrophes naturelles, et en intégrant la réduction des risques de catastrophe, que le système éducatif sud-soudanais pourra rester fonctionnel face aux chocs.

Dans ce contexte, le Soudan du Sud s’est lancé en septembre 2015 dans sa deuxième Analyse du Secteur de l’Éducation (ASE). Représentant bien plus qu’une simple mise à jour, l’ASE 2015 est la première du genre à intégrer des analyses sensibles aux crises. De multiples analyses du secteur de l’éducation, dont chacune constitue un chapitre du rapport (c’est-à-dire sur le contexte global, la scolarisation et l’efficacité interne, le coût et le financement, ainsi que la gestion et la qualité), ont été réalisées en utilisant un prisme sensible à la crise. Des analyses d’équité ont également été intégrées, avec un accent spécifique sur le genre et le niveau régional de l’État, reflétant la nature décentralisée du secteur de l’éducation. Elles permettent de mieux comprendre les défis, les faiblesses et les forces du secteur de l’éducation.

ÉSD : Nos lecteurs aimeraient vous connaître un peu mieux sur le plan personnel. La lecture est un élément clé de l’éducation. Pourriez-vous nous faire part d’un livre qui vous a le plus influencé personnellement et/ou professionnellement, et nous dire pourquoi vous en recommanderiez la lecture à d’autres personnes ?

Mme la Ministre Awut Deng Acuil : Quand j’étais enfant, j’aimais beaucoup « Alice in Wonderland » (Alice au Pays des Merveilles). Alice s’écarte des normes de genre en créant un monde complètement nouveau qu’elle explore en affrontant de nombreuses hostilités avec une attitude très positive. Alice est le prototype de l’enfant rebelle qui parvient non seulement à survivre à cette dangereuse aventure mais aussi à apprendre et à devenir une femme avec un nouveau sens de sa propre subjectivité. Une femme qui refuse les idées de mariage et d’oppression et qui, au lieu de cela, nous enseigne que “nous pouvons poursuivre quelque chose d’intéressant, faire irruption là où nous ne sommes pas invités, essayer de nouvelles choses, observer des phénomènes étranges, poser trop de questions, discuter avec les figures d’autorité, raconter des histoires et errer loin de chez nous sans nous soucier de comment rentrer.”