Les Agriculteurs Rwandais Misent sur les Nouvelles Technologies pour Lutter contre les Pertes d’Aliments

KIGALI, Rwanda, 22 juillet 2021 (IPS) – Le Rwanda tente de réduire les pertes post-récolte en s’appuyant sur les nouvelles technologies pour augmenter la quantité de nourriture disponible pour la consommation et aider les petits exploitants agricoles à faire face à certains défis causés par la surproduction des cultures de base.

Pendant plus de 20 ans, Cyriaque Sembagare, un producteur de maïs de Kinigi, un village montagneux du nord du Rwanda, a survécu grâce à l’agriculture pour nourrir sa famille élargie, mais il a dû faire face à la perte d’une partie importante de sa récolte due à la pourriture. Les niveaux élevés d’aflatoxine empêchent les agriculteurs des régions rurales reculées du Rwanda de vendre leur maïs à des acheteurs de grande valeur.

“Je vends du maïs sur le marché, mais on m’a toujours donné un prix bas en raison de la nature hautement périssable de la récolte”, a déclaré l’agriculteur de 56 ans à IPS lors d’une interview.

Les pertes post-récolte sont élevées au Rwanda, les petits exploitants agricoles perdant en moyenne 27,5 pour cent de leur production par an.

Une comparaison avec les scénarios mondial et africain indique que le Rwanda fait bien en matière de prévention des pertes et gaspillages alimentaires (72,5 pour cent). Le pays accuse un léger retard en moyenne en matière d’agriculture durable (71 pour cent). Il fait partie des moins performants lorsqu’il s’agit de relever les défis nutritionnels (71,2%), selon l’indice de durabilité du Barilla Center for Food and Nutrition (BCFN).

Pour renforcer la résilience et réduire les pertes post-récolte, le gouvernement et différents partenaires au développement ont soutenu des milliers d’agriculteurs confrontés à plusieurs obstacles, allant du manque de connaissances au faible accès au marché.

Les initiatives comprennent des solutions innovantes dans la gestion post-récolte pour améliorer la sécurité alimentaire dans ce pays d’Afrique de l’Est. Le pays est classé 59e sur 67 pays selon le dernier indice de durabilité alimentaire (Food Sustainability Index, FSI), élaboré par The Economist Intelligence Unit avec le BCFN.

Alors que le Rwanda est classé en tête des neuf pays à faible revenu, notamment en Afrique subsaharienne, le pays est à la traîne dans la lutte contre le gaspillage alimentaire.

Les recherches du FSI de l’Economist Intelligence Unit, basées sur les données de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), indiquent qu’en termes de gaspillage alimentaire annuel par habitant, le Mozambique arrive en tête des pays africains avec 1,2 kg, suivi du Rwanda (1 kg).

Ce niveau élevé de déchets a incité le gouvernement et ses partenaires à promouvoir des technologies modernes pour lutter contre les pertes après récolte, notamment deux types de séchoirs : les séchoirs à grains mobiles et les séchoirs à épis qui ont été testés avec succès sur le maïs, le riz et le soja.

“L’objectif était de réduire le risque de dégradation ou de contamination des cultures par différents champignons qui se produisaient lors du séchage naturel et affectaient la disponibilité des aliments”, a déclaré à IPS Illuminée Kamaraba, le Chef de Division de la Gestion Post-Récolte et de la Biotechnologie au Rwanda Agriculture Board (Office agricole du Rwanda).

Pendant la phase de mise en œuvre, les chercheurs rwandais ont entrepris de tester les machines de séchage d’épis (Cob Dryers) sur d’autres cultures comme la Roselle (Hibiscus). Quelques 400 kg ont été séchés avant que des échantillons soient emmenés au laboratoire pour vérifier si les nutriments sont restés intacts. Cette méthode vise à limiter l’exposition des récoltes à l’aflatoxine.

Avant d’étendre cette technologie à l’ensemble du pays, une étude visant à mesurer l’impact de ces innovations, notamment l’utilisation de machines de séchage, est prévue pour être testée cette année.

“Les nouvelles technologies sont complémentaires de certaines méthodes traditionnelles de conservation des aliments”, a déclaré M. Kamaraba.

Actuellement, le Rwanda a acquis dix séchoirs mobiles pour la phase pilote afin de traiter 57 à 84 tonnes de céréales bien séchées et refroidies par jour.

Les séchoirs à céréales mobiles fonctionnent principalement à l’électricité, mais ils peuvent être reliés à des tracteurs pour fonctionner avec un brûleur à moteur diesel là où il n’y a pas de système d’alimentation électrique.

Quant au séchoir à épis, son brûleur et son ventilateur dépendent de l’alimentation en électricité triphasée et en gaz de pétrole liquéfié (GPL), tandis que le conteneur à épis (le wagon) est un véhicule tiré par un tracteur.

Selon les projections officielles, la nouvelle technologie, promue par le biais de partenariats privés et publics (PPP), vise à aider le Rwanda à atteindre 5 pour cent des pertes après récolte d’ici 2024, contre 22 pour cent actuellement pour les céréales et 11 pour cent pour les haricots.

Jean de Dieu Umutoni, l’un des experts de Feed the Future Rwanda, Hinga Weze, une organisation non gouvernementale œuvrant pour augmenter la résilience des systèmes agricoles et alimentaires au climat en constante évolution au Rwanda, a déclaré à IPS que l’idée derrière cette innovation était d’accroître l’accès aux équipements et aux solutions post-récolte

“Cela a été mené à travers différents canaux tels que les subventions, en particulier pour les agriculteurs des petits exploitants”, a-t-il dit.

Umutoni et Kamaraba sont tous deux convaincus que pour que le Rwanda mette en œuvre les partenariats public-privé visant à réduire les pertes post-récolte, les lacunes dans les connaissances des petits exploitants, en particulier dans les zones rurales éloignées, doivent être comblées.

Jusqu’à présent, Hinga Weze et l’Office rwandais de l’agriculture (RAB) ont collaboré à l’élaboration de certaines directives permettant au secteur privé d’utiliser les nouvelles technologies. Les experts affirment toutefois que le plus grand défi pour les agriculteurs est qu’ils manquent d’informations sur la manière d’accéder aux fournisseurs. De leur côté, les fournisseurs manquent d’informations sur les cultivateurs qui ont besoin de ces équipements.

Umutoni dit que tandis que les partenariats public-privé pourraient introduire de bonnes pratiques, le gouvernement doit soutenir les innovations technologiques pour qu’elles soient haussées à l’échelle.

“Il y a un bon début avec l’utilisation de séchoirs mobiles pour aborder la réduction des déchets alimentaires, mais le secteur privé doit être engagé dans d’autres chaînes de valeur des cultures”, a déclaré Umutoni à IPS.

Alors que c’est la tâche du gouvernement d’initier des solutions, les experts soutiennent que le secteur privé a un rôle à jouer pour s’assurer que la technologie est durable.

Un tel exemple est le “modèle Cob” de Hinga Weze. Ce projet a permis à un opérateur du secteur privé d’aider les agriculteurs en utilisant la première machine de séchage mobile de grande taille au Rwanda. Elle a la capacité de sécher 35 tonnes métriques en trois heures, soit environ 100 tonnes par jour. L’ONG a élaboré des directives avec le gouvernement rwandais pour l’utilisation de la machine.

Certains signes indiquent déjà que ces technologies seront couronnées de succès.

Les agriculteurs, comme Sembagare, sont satisfaits.

“Grâce à l’adoption de technologies post-récolte intelligentes, j’ai pu sauver la moitié de la récolte qui aurait autrement été perdue”, a déclaré Sembagare à IPS.