Unis derrière les sciences de l’environnement : Transformer les valeurs et les comportements est aussi important que la restauration des écosystèmes

BONN, le 22 mai 2020 (IPS) – La restauration des écosystèmes endommagés est vitale pour éviter la disparition des contributions les plus précieuses de la nature aux personnes. Cependant, la Journée internationale de la diversité biologique 2020 devrait également être un rappelle à point nommé de l’importance de prendre en compte nos valeurs sociales, économiques et systémiques, car ce sont elles qui entraînent la destruction de la nature.

Nous faisons partie de la nature, mais nos choix et nos comportements ont poussé le reste du monde naturel au bord de la catastrophe. La faim, la maladie, la perte de moyens de subsistance et l’augmentation des niveaux de risque et d’insécurité sont le résultat direct de nos propres actions. Pour passer à un avenir plus durable, les meilleures données d’experts disponibles nous indiquent que nous avons besoin d’un changement transformateur pour réinitialiser notre relation fondamentale à notre environnement.

Pour y arriver, il faudra faire face aux situations d’urgences liées à la nature et au climat directement et simultanément, en nous unissant derrière la science du climat et de la biodiversité. Nous avons ignoré pendant des décennies les avertissements des experts de chaque discipline et de chaque région. Retarder encore est à nos risques. – les retards supplémentaires sont entièrement à nos risques.

Un changement transformateur signifie une réorganisation fondamentale de l’ensemble du système à travers des facteurs technologiques, économiques et sociaux. Cela signifie non seulement s’attaquer aux menaces directes et les plus visibles pour la biodiversité – telles que le changement d’affectation des terres, la surpêche, la pollution, le changement climatique et les espèces exotiques envahissantes – mais également s’attaquer aux valeurs et aux comportements qui s’expriment par des facteurs indirects tels que les tendances démographiques, modes de production et de consommation, mauvaise gouvernance et conflits.

Ana María Hernández Salgar

La façon dont nous menons notre vie et nos affaires a effectivement été rendue possible grâce à la générosité de la nature, en prenant pour acquis les processus naturels qui revitalisent notre environnement. Au lieu de vivre selon nos moyens, nous utilisons de plus en plus de « capital naturel » – bien plus que ce que la nature peut reconstituer – et c’est une dette qui est désormais en souffrance. C’est l’une des raisons pour lesquelles le dernier Rapport sur les risques mondiaux du Forum économique mondial a reconnu que les cinq principaux risques pour les entreprises du monde entier sont tous environnementaux.

Avec la publication l’année dernière du Rapport d’évaluation mondiale de l’IPBES, la science a parlé : les dégâts que nous causons à la nature ne peuvent plus être justifiés comme une externalité. Lorsque nous nuisons à la nature, nous nous faisons du mal à nous-mêmes. Lorsque nous ne parvenons pas à agir en tant que gardiens responsables de l’environnement, c’est notre avenir que nous mettons en danger.

La bonne nouvelle, toutefois, est que de nombreuses solutions durables à ces problèmes peuvent également être trouvées dans la nature – et sont donc toujours à portée de main. Les efforts que de nombreux pays, organisations, communautés et institutions ont déjà déployés pour restaurer la biodiversité commencent à porter leurs fruits.

Il convient de tenir compte de ces bons exemples et de nos erreurs, de tracer une voie réaliste et rigoureuse, avec des actions concrètes, mais en fonction de nos différentes situations nationales et régionales.

Investir dans la nature est très prometteur. Les solutions ancrées dans la nature au changement climatique, par exemple, comme la restauration des terres dégradées, peuvent fournir plus d’un tiers des mesures d’atténuation nécessaires d’ici 2030 pour maintenir le réchauffement climatique bien en dessous de 2°C.

La mise en œuvre des instruments politiques existants et nouveaux grâce à des interventions intégratives, informées, inclusives et adaptatives permettra la transformation mondiale dont nous avons besoin.

Une action coordonnée aux niveaux local, national, régional et international est nécessaire pour sauvegarder les habitats restants, entreprendre la restauration à grande échelle des habitats détériorés, et plus largement pour placer la nature au cœur du processus décisionnel et du développement durable.

Particulièrement, cela entraînerait également un changement dans notre compréhension de ce qui constitue une bonne qualité de vie – en découplant l’idée d’une vie bonne et qui a du sens de la consommation matérielle toujours croissante et développant des actions individuelles, collectives et organisationnelles vers la durabilité.

La pandémie COVID-19 a entraîné un retard inévitable dans les négociations mondiales prévues sur le cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020, mais 2020 reste une “super année pour la nature”. Le monde a eu la chance cette année de percevoir très distinctement l’importance de changer les valeurs, les approches et les comportements, et de mieux comprendre le lien crucial entre les gens et la nature.

Après cette crise, nous serons confrontés à une « nouvelle normalité ». Nous espérons que ce sera également un moment décisif avec des valeurs, des approches et des comportements (c’est-à-dire les facteurs indirects du changement de nature) au premier plan des politiques et des actions.

Les preuves disponibles montrent que retourner au « statu quo » en ignorant nos impacts collectifs sur la nature serait une grave erreur.

La question lancinante de cette journée qui commémore l’importance de la nature est de savoir si et quand nous allons changer et prendre au sérieux les urgences qui se déroulent autour de nous.

Pour toute demande, merci de contacter : media@ipbes.net

Ana Maria Hernandez est présidente de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) qui, tout comme le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) pour le changement climatique, fournit des évaluations scientifiques objectives sur l’état des connaissances concernant la biodiversité, les écosystèmes de la planète et leurs contributions aux personnes, ainsi que des options et des actions pour protéger et utiliser durablement ces actifs naturels vitaux.