L’Agriculture durable pour en finir avec la faim dans le monde

NATIONS UNIES, 24 juillet 2018 (IPS) – Selon Rob Vos, directeur de la division des marchés, du commerce et des institutions à l’Institut international de recherche sur la politique alimentaire (IFPRI), des investissements significatifs sont nécessaires pour sortir des centaines de millions de paysans nécessiteux de la pauvreté et rendre l’agriculture durable sur le plan environnemental.

Avec une population mondiale en croissance, la faim et la sous alimentation se multiplient et les gouvernements recherchent des partenariats privés pour remédier à ces problèmes.

Lors du Forum Politique de Haut Niveau sur le Développement Durable de 2018 au siège des Nations Unies à New York, l’IFPRI a organisé en juillet un événement parallèle intitulé “Investir pour réorganiser les systèmes alimentaires”.

On comptait parmi les orateurs : Claudia Sadoff, directrice générale de l’Institut international de gestion des ressources en eau; Nichola Dyer, du Programme mondial pour l’agriculture et la sécurité alimentaire à la Banque mondiale; Gerda Verburg, coordinatrice du mouvement Scaling Up Nutrition (SUN); et Chantal-Line Carpentier, chef de la Conférence des Nations-Unies sur le commerce et le développement.

Ils ont tous souligné l’urgence d’investir dans une agriculture durable, définie par le Centre Barilla pour l’alimentation et la nutrition comme «la production efficace de produits agricoles sûrs, sains et de qualité, de façon durable sur les plans environnemental, économique et social. ”

Alors que la population mondiale atteindra plus de huit milliards de personnes en 2025, la quantité de terres cultivables restera la même. Décimés par les pesticides, les techniques agricoles non durables et le gaspillage de l’eau, les nutriments sains deviendront plus difficiles d’accès pour la population sans cesse croissante. Ce problème, ainsi que le gaspillage alimentaire (20% de tous les achats d’aliments sont gaspillés), est une préoccupation majeure pour Verburg, qui a souligné la nécessité de repenser les systèmes alimentaires et de cesser d’en vouloir à l’agriculture.

La relation entre le secteur privé et l’agriculture n’est pas nouvelle. Au contraire, de nombreux agriculteurs, en particulier les plus pauvres, relèvent du secteur privé.

“La majorité des pauvres et des affamés sont de petits agriculteurs. Ce sont en fait des acteurs du secteur privé, bien qu’étant les plus faibles. Et certains investissements des entreprises dans l’agriculture peuvent leur porter préjudice », a déclaré à IPS, John Coonrod, vice-président exécutif du Projet sur la Famine (Hunger Project).

La faiblesse des agriculteurs pauvres et l’expansion des cultures à faible valeur nutritive ont été, jusqu’à présent, des éléments dissuasifs d’une agriculture efficace.

“Le monde a surinvesti dans les cultures de base à faible valeur nutritive, ce qui fait augmenter le prix moyen des aliments riches en valeur nutritive. Les calories vides constituent le système alimentaire des pauvres. Pour surmonter la malnutrition, nous devons accroître la diversité alimentaire des pauvres afin d’y inclure beaucoup plus de fruits et de légumes, ce qui signifie augmenter leur production locale et réduire leur prix pour les consommateurs locaux », a expliqué M. Coonrod.

Comment l’investissement privé peut-il développer une agriculture durable? Vos de l’IFPRI a déclaré qu’une première priorité devrait être d’inciter les investissements, au-delà des exploitations agricoles, “dans des infrastructures telles que les routes, l’électricité et le transport frigorifique et la transformation agroalimentaire”.

“Cela contribuera à assurer des conditions de marché meilleures et plus stables pour les agriculteurs, à créer de nombreux emplois et à limiter les risques d’investir dans l’agriculture elle-même”, a-t-il dit.

Il a également ajouté que “la deuxième priorité est de fournir des incitations pour investir dans des pratiques durables et dans la diversification des cultures, y compris les fruits et légumes”.

Brian Bogart, conseiller principal du programme régional pour l’Afrique du Sud auprès du Programme alimentaire mondial des Nations-Unies, est d’accord avec Vos.

“Les principaux domaines d’investissement pour l’équité dans les systèmes alimentaires comprennent les infrastructures rurales, l’accès aux marchés, les connaissances et la technologie, ainsi que l’amélioration des capacités de stockage et de transport pour réduire les pertes après récolte”.

Qu’en est-il des gouvernements?

Pendant l’événement, Verburg, du mouvement SUN, a souligné l’importance de l’engagement politique et du leadership dans les pays, pour réduire la faim et remodeler les systèmes alimentaires.

Interrogé sur le rôle des gouvernements nationaux, M. Bogart a déclaré: “Les États membres ont la responsabilité de mener de tels efforts en développant des partenariats efficaces avec le secteur privé et en encourageant un environnement favorable à l’investissement.”

“Avec la réduction des investissements publics dans l’agriculture (selon le rapport du Secrétaire général sur les ODD, les dépenses publiques en pourcentage du PIB ont baissé de 0,38 à 0,23 entre 2001 et 2016 et les allocations d’aide internationales ont connu un déclin de 20% entre le milieu des années ‘80 et 2016), la question est de savoir comment les partenariats public-privé peuvent libérer des opportunités d’investissement privé pour compléter les ressources publiques et la capacité à générer une sécurité alimentaire améliorée, en particulier pour les populations les plus vulnérables », a-t-il ajouté.

Certains pays le font déjà. L’Indice alimentaire du Centre Barilla pour l’alimentation et la nutrition sur l’agriculture durable, qui classe 25 pays selon 58 indicateurs, révèle que l’Allemagne et le Canada figurent parmi les États les mieux classés en matière d’agriculture durable.

Cependant, la responsabilité ne repose pas uniquement sur l’État, mais aussi sur la société civile. Coonrod, du Projet sur la Famine, a expliqué ce que fait son organisation à cet égard: “Nous promouvons une bonne nutrition grâce à l’éducation, en encourageant de meilleures méthodes agricoles locales, en augmentant la transformation alimentaire locale et, dans les communautés autochtones d’Amérique latine, nous nous sommes opposés à la nourriture industrielle et avons aidé ces communautés à récupérer leurs aliments traditionnels nutritifs. ”

Enfin, Vos a souligné l’importance de la recherche dans la réduction de la faim.

“Nous entreprenons des recherches pour mieux comprendre les causes qui sous-tendent les carences des systèmes alimentaires actuels et tester l’efficacité des interventions visant à surmonter ces lacunes. Nous en savons trop peu sur ce qui motive le changement de système alimentaire, pas seulement dans l’agriculture, mais à toutes les étapes de la chaîne alimentaire, de la fourche à la fourchette. “