Gestion durable des terres, la formule de lutte contre la désertification

VILLE CENTRE DU MONDE, Equateur, 18 juin 2018 (IPS) – La gestion durable des terres (GDT) et la conservation sont les recettes qui, avec différents ingrédients, constituent la base de la lutte contre la dégradation des sols, ont convenu les participants à la célébration, le 17 juin, de la Journée mondiale de lutte contre la désertification (JMLD) en Equateur.

Sous le thème “La terre a une vraie valeur. Investissez-y “, un pays d’Amérique latine a accueilli pour la première fois la célébration de la Journée mondiale, dans la ville centre du monde, en Équateur, un pays qui se distingue par des initiatives de gestion durable des terres.

Le slogan de la JMLD pour l’année 2018, en fait, est lié à la proposition de l’Équateur de s’approprier le concept de la bio-économie, dans la mesure où «il ne peut y avoir d’extraction illimitée; il devrait y avoir un engagement envers la préservation et la gestion durable des terres », a déclaré à IPS José Miguel Torrico, coordinateur de la Convention des Nations Unies pour la Lutte contre la Désertification (CNULCD) pour l’Amérique latine et les Caraïbes.

La conférence, tenue symboliquement dans la ville centre du monde, à quelque 25 km du centre de Quito, était dirigée par le secrétaire exécutif adjoint de la CNULCD, Pradeep Monga.

“Il y a une relation étroite entre le sol et l’eau; entre le sol et le climat; entre le sol et la biodiversité; des liens que les cultures traditionnelles apprécient ensemble, et c’est quelque chose que nous pouvons apprendre de l’Equateur “, a déclaré M. Monga lors d’un colloque international qui était au centre des célébrations de la JMLD et qui est commémoré chaque année depuis 1995.

Tout ce qui est produit et consommé dans le monde utilise des ressources qui viennent de la terre, a-t-il dit, citant l’exemple de 10 mètres carrés de terrain nécessaires à la fabrication d’une bicyclette. “Il y a une empreinte sur la terre que nous ne pouvons pas quantifier”, a-t-il averti.

L’ambassadrice de bonne volonté de la CNULCD  et ancienne Présidente de la Finlande (2000-2012), Tarja Halonen, a présenté une estimation de l’impact sur l’économie, soulignant que «la désertification touche nos pays d’environ neuf pour cent du PIB, soit 23 billions de dollars annuellement.”

Halonen a également souligné qu’il est essentiel d’incorporer une perspective de genre dans la lutte contre la désertification.

«Le rôle des femmes dans la durabilité des terres est essentiel car les femmes sont majoritaires parmi les paysans d’Asie et d’Afrique, selon les données de 2017 ; elles devraient donc recevoir une formation, la technologie et des informations», a-t-elle déclaré.

Joao Campari, leader mondial des pratiques alimentaires au Fonds Mondial pour la Nature (WWF), a déclaré: «Nous consommons trop», faisant référence aux éléments qui exercent une pression sur les sols et entraînent la dégradation.

“Quarante pour cent de la nourriture est jetée tous les jours; dans certains pays du monde, on consomme plus que ce qui est nécessaire, et dans d’autres, il n’y a rien à manger “, a-t-il ajouté,” il faut donc réduire la pression sur les écosystèmes “.

Pour sa part, John Preissing, représentant en Équateur de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a déclaré que la lutte contre la désertification des terres est étroitement liée à la lutte contre la faim.

(De gauche à droite) John Preissing (FAO), Tarsicio Granizo, ministre équatorien de l’Environnement, José Valencia, ministre équatorien des Affaires étrangères, Pradeep Monga, le secrétaire exécutif adjoint de la CNULCD, et le représentant ONU-Équateur Arnaud Peral avec des affiches sur les objectifs de développement durable lors du colloque de la Journée mondiale de la lutte contre la désertification en Equateur. Crédit: Ela Zambrano / IPS

C’est pourquoi il est nécessaire de progresser, par exemple, vers «l’élevage intelligent, l’élevage étant l’une des principales causes de dégradation, mais en même temps l’une des principales sources de nourriture».

L’un des hôtes de la célébration de la JMLD, le ministre équatorien de l’Environnement, Tarsicio Granizo, a souligné que la dégradation des sols “n’est pas seulement un problème environnemental; c’est un problème qui a trait à la souveraineté alimentaire et à la sécurité.”

M. Granizo a rappelé que l’Équateur, comme d’autres pays latino-américains et d’autres régions en voie de développement du Sud, est confronté à une situation sombre car «on estime que 47% des sols souffrent de problèmes de dégradation et 20% sont sérieusement désertifiés».

Suivant des commentaires intervenant lors du colloque, l’Equateur se distingue par ses propositions pour résoudre le problème, à l’instar de l’initiative BioEcuador, qui intègre la gestion durable des terres à travers la bio-économie, et le Plan de Gestion Intégrée de Lutte contre la Désertification, la Dégradation des Terres et l’Adaptation au Changement Climatique.

Ces projets, a déclaré José Valencia, ministre équatorien des Affaires étrangères et de la Mobilité humaine, constituent quelques-unes des références avec lesquelles le pays démontre sa détermination en faveur du développement durable.

Valencia a également relevé, « comme signe de la volonté politique, le fait que 110 pays ont établi des objectifs nationaux de lutte contre la désertification, dont les impacts touchent les êtres humains, la biodiversité et les services éco systémiques », dans le cadre de l’Agenda 2030 des Objectifs de Développement Durable (ODD).

Au cours du colloque, on a insisté sur la réduction de la dégradation des sols en tant que cible transversale dans plusieurs des 17 ODD.

Torrico, quant à lui, souligne qu’en termes de mobilité humaine, la désertification génère des conséquences différentes dans les régions du Sud. En Amérique latine et dans les Caraïbes, les pays sont confrontés à des problèmes de déplacement des populations à l’intérieur de leurs frontières, tandis qu’en Afrique, continent le plus touché par la désertification, le phénomène a généré les plus graves problèmes de pauvreté et d’émigration forcée.

En ce qui concerne la définition des mesures, le coordonnateur régional de la CNULCD a déclaré qu’ «en Amérique latine, il existe une initiative importante, le 20/20; récupérer 20 millions d’hectares dégradés ou déboisés d’ici 2020 ».

« Tous les pays d’Amérique latine et du monde entier évaluent leurs problèmes (de dégradation), les lieux et comment ils peuvent les résoudre, ce qui leur a permis de fixer des objectifs concrets », a-t-il déclaré.

Plusieurs ministres des pays des Caraïbes ont participé aux manifestations de la JMLD, ainsi que des délégués de gouvernements européens et latino-américains et des représentants d’organisations environnementales et sociales.

Le ministre équatorien Granizo a estimé que l’échange Sud-Sud est un élément qui devrait être ajouté à la lutte contre la désertification. « Il y a des expériences locales qui ont réussi dans certains pays, qui pourraient fonctionner dans d’autres, mais elles restent limitées aux expériences locales », a-t-il expliqué.

Les participants ont averti que les efforts pour neutraliser la dégradation doivent être accélérés. Si d’ici 2050 des progrès suffisants ne sont pas réalisés, «50% des terres seront en cours de dégradation et il y aura une diminution de 15 à 20% de la nourriture», a déclaré Torrico.