SANTE: Sensibilisation et financement sont importants pour combattre le VIH/SIDA

SYDNEY, Australie, 29 juil (IPS) – Marama Pala, originaire de Waikanae, sur la côte ouest de l'île du Nord de la Nouvelle-Zélande, a été reconnue séropositive à 22 ans. La nouvelle de son statut s’est répandue comme une traînée de poudre dans sa communauté Maori très unie.

C'était en 1993, mais aujourd'hui encore, déclare-t-elle, il y a une attitude de “honte et de culpabilité” qui entoure le VIH, qui affecte de façon disproportionnée la population indigène de la région.

“Si vous êtes séropositif, vous êtes considéré comme 'sale', comme quelqu'un qui doit être un consommateur de drogues ou une prostituée. Nos gens ne cherchent pas d'aide à cause de cette stigmatisation, de la discrimination et la criminalisation – la peur d'être accusé(e), traqué(e), mis(e) à l'écart ou emprisonné(e)”, indique Pala, qui, avec son mari séropositif originaire de l’île du Pacifique, dirige la Fondation INA pour la lutte contre le VIH/SIDA.

La fondation adopte une approche culturelle de sensibilisation, l'éducation, la prévention et l'intervention sur le VIH/SIDA.

“Au cours des cinq dernières années, le nombre de nouvelles infections […] a augmenté dans la communauté des îles du Pacifique vivant en Nouvelle-Zélande et en particulier chez les Maoris parce que nous faisons le test tardivement. Les gens qui [s'engagent] dans des comportements à risque font [rarement] le test jusqu'à ce qu'ils soient très, très malades”, explique Pala, une mère de deux enfants, à IPS.

“Nos femmes meurent parce qu'elles ont peur d'être mises sous des médicaments, en partie parce qu'elles craignent la stigmatisation et la discrimination. Les médicaments antirétroviraux sont largement disponibles dans notre pays et elles ne devraient pas être en train de mourir en ce moment et à cet âge”, déplore Pala, qui est membre du conseil d'administration du Conseil international des organisations de lutte contre le SIDA (ICASO).

Le VIH et le SIDA touchant de façon disproportionnée les peuples indigènes à travers le monde, il y a un grand besoin de programmes culturellement appropriés conçus et dirigés par les populations indigènes, disent les activistes et les experts.

Beaucoup de femmes indigènes vivent dans le silence sans même que leurs parents immédiats ne sachant qu'elles ont le VIH.

“Il y a 130 femmes aborigènes qui vivent avec le VIH en Australie, mais en dehors de moi-même, il y a seulement une autre femme qui parle ouvertement de vivre avec le VIH”, affirme Michelle Tobin, qui a contracté la maladie à l'âge de 21 ans.

Elle a commencé à sortir avec un homme qui lui a dit qu'il avait le VIH, mais “J'étais naïve et croyais juste que cela ne m’arriverait pas”, admet-elle. “Six mois plus tard, j'ai été reconnue séropositive. J'avais un bébé, alors je concentrais toute mon attention sur elle”.

“Au début des années 1990 à Melbourne, nous ne recevions pas de traitements lorsque nous étions reconnus pour la première fois. A l’époque, nous avons perdu un grand nombre de personnes dans le premier stade de la maladie, y compris mon mari défunt”, souligne Tobin à IPS, qui appartient à la nation Yorta Yorta.

En tant que descendante de la Génération volée et femme aborigène vivant avec le VIH et maintenant le SIDA, elle a connu la stigmatisation et la discrimination, en particulier au sein de sa propre famille, qui l’a reniée.

Certaines personnes de sa communauté pensent encore qu'elle est contagieuse et ne veulent pas s’approcher d'elle, mais le combat de Tobin a fait d’elle une ardente et énergétique défenseuse des femmes indigènes vivant avec le VIH/SIDA.

Selon Tobin, présidente de l'Alliance nationale Anwernekenhe contre le VIH et un membre du comité du PATSIN (Réseau des personnes aborigènes séropositives du détroit de Torrès), “Les femmes aborigènes sont une minorité dans la minorité de l'épidémie du VIH. Nous avons besoin de plus de ressources et de financement [pour] permettre aux femmes de s'exprimer sur la prévention, les traitements, l'isolement, la confidentialité, le logement et tout le spectre des questions qui nous concernent”.

En plus du fait d'appuyer les objectifs définis dans la Déclaration politique des Nations Unies sur le VIH et le SIDA, l'Australie a également adopté le Plan d'action Eora 2014 sur le VIH, qui fixe des objectifs stratégiques visant à mettre une attention plus grande sur la prévention du VIH, y compris les meilleurs soins cliniques pour les peuples aborigènes du détroit de Torrès vivant avec le VIH.

La récente Pré-conférence internationale des peuples indigènes sur le VIH et le SIDA organisée par le Groupe de travail indigène international sur le VIH/SIDA (GTIIVS) en partenariat avec le Comité d'organisation australien des peuples indigènes du détroit de Torrès (AATSIOC), tenue à Sydney, du 17 au 19 juillet, avait pour thème “Notre histoire, notre temps, notre avenir”.

Elle a souligné le besoin pour plus de données épidémiologiques avec un accent sur l'ethnicité des groupes indigènes. L’absence de données sur le niveau d’adoption du traitement parmi les personnes indigènes vivant avec le VIH pose un défi pour les stratégies de Traitement comme prévention (TasP).

“Nous avons la preuve au Canada que les peuples aborigènes contractent le VIH trois fois et demie plus vite que le taux de la population générale”, explique à IPS, Trevor Stratton, coordonnateur du GTIIVS pour le Réseau canadien autochtone du SIDA (RCAS).

“Nous pensons que ces tendances existent partout dans le monde, mais nous n'avons pas les données épidémiologiques. Nous plaidons pour les preuves épidémiologiques puisque c'est ce dont nous avons besoin pour que les cultures dominantes nous reconnaissent comme une population clé très exposées au VIH et au SIDA avec les hommes homosexuels et les travailleuses du sexe, afin que les gouvernements puissent dégager des fonds pour nous et que nous puissions créer nos propres solutions”, affirme-t-il.

Stratton, 49 ans, un citoyen des Mississaugas de la Première nation de New Credit, à Ontario, au Canada, au patrimoine mixte anglais et ojibway, a été reconnu séropositif en 1990.

Il croit que les peuples indigènes sont particulièrement vulnérables en raison de “la colonisation, du néo-colonialisme, de l'extraction des ressources, et de l'assimilation, entre autres problèmes similaires” qui les poussent vers le bas sur les déterminants sociaux de la santé et les mettent à un risque plus élevé de tous les mauvais résultats de santé.

Selon le Bureau australien des statistiques, le taux de prévalence du VIH chez les femmes Autochtones et les femmes indigènes du détroit de Torrès était sensiblement plus grand que chez les femmes non indigènes nées en Australie (1,5 contre 0,4 pour 100.000 habitants).

Entre 2004 et 2014, 231 personnes indigènes du détroit de Torrès ont été reconnues séropositives. En 2013, le taux d'infections à VIH nouvellement diagnostiquées était plus élevé dans la population indigène (5,4 pour 100.000) par rapport à la population non indigène née en Australie (3,9 pour 100.000).

“Nous ne pouvons pas prétendre seulement que le VIH/SIDA existe de façon isolée”, déclare Stratton. “Le problème de la justice sociale est systémique. Nous devons être en mesure de profiter des mécanismes internationaux des droits de l'Homme afin que les pays puissent être tenus responsables”.

“Nous devons encourager les Etats-nations à suivre les recommandations de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et la Convention 169 de l'Organisation internationale du travail, qui parle de la façon d'engager les peuples indigènes”, conclut-il.

Le GTIIVS travaille pour accroître les connaissances et lutter contre la stigmatisation retranchée du VIH et du SIDA dans les communautés indigènes et appuie les initiatives de recherche et de sensibilisation orientées vers les peuples autochtones.

Son mandat et son plan stratégique sont basés sur la 'Charte de Toronto: Plan d'action des peuples indigènes” de 2006 qui reconnaît le droit des peuples autochtones à l'autonomie, à la justice sociale et aux droits humains.