BRESIL: Carton rouge à l’exploitation des enfants lors de la Coupe du monde

RIO DE JANEIRO, 27 juin (IPS) – La Coupe du monde de la FIFA qui se joue au Brésil a lancé un avertissement pour les organisations de lutte contre l’exploitation des enfants et des adolescents, lors d'un événement qui a attiré 3,7 millions de touristes vers les 12 villes hôtes.

Alors qu’elle offre des opportunités de revenus, d’affaires et d'emploi, la Coupe du monde de football augmente également les risques de travail et d'exploitation sexuelle des enfants de moins de 16 ans, selon les organisations sociales et le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF).

“Nous n'avons pas de statistiques pour quantifier le problème, mais les facteurs qui entourent la Coupe du monde créent une vulnérabilité plus grande à l'exploitation” chez les enfants et les adolescents, a déclaré à IPS, Flora Werneck, la coordinatrice de l'organisation 'Childhood Brasil'.

La vague de touristes entre le 12 juin et le 13 juillet dans les villes où se jouent les matches de la Coupe du monde de la FIFA (Fédération internationale de football association) a multiplié la demande temporaire pour les services et augmenté le travail des enfants et la vulnérabilité des droits des enfants, a souligné Werneck.

'Childhood Brasil' lutte contre les violences sexuelles dans ce pays d'Amérique latine depuis les 15 dernières années.

De l'avis de Werneck, la rapidité de la vitesse des projets de construction et d'infrastructures pour la Coupe du monde a créé une croissance spectaculaire des emplois temporaires, des expulsions des travailleurs immigrés et des familles, et les vacances scolaires constituent maintenant un autre facteur de risque.

Les enfants et les adolescents peuvent être forcés dans des activités illégales comme la vente de drogues et la prostitution des enfants. “Ils sont plus exposés à ces risques et d'autres”, a déclaré Werneck.

Les violations des droits des enfants sont exacerbées par des facteurs sociaux qui augmentent la vulnérabilité, tels que l'inégalité, la pauvreté, le manque d'accès à l'éducation, le consumérisme et la culture du machisme, a expliqué Werneck et d'autres experts consultés par IPS.

L'exploitation sexuelle des enfants liée aux grands événements sportifs est un problème qui a été étouffé et négligé par les politiques publiques.

Une étude réalisée en 2013 par l'Université de Brunel, à Londres, commandée par 'Childhood Brasil' en association avec la Fondation Oak, a souligné les facteurs qui déterminent l’augmentation du nombre de cas de violences faites aux enfants, à cause de l'existence de “grands risques” pour les enfants autour des grands événements sportifs.

En plus de la Coupe du monde de cette année, Rio de Janeiro accueillera les Jeux olympiques d'été en 2016.

L’absence de données sur l'ampleur des risques ne signifie pas que ceux-ci n'existent pas, selon l'étude. “Nous ne devrions pas supposer qu'aucune donnée = pas de problème”, indique l’étude.

Les experts consultés affirment qu'il y a une absence prononcée de données relatives à l'exploitation des enfants au Brésil. Les chiffres qui existent proviennent du numéro vert sur les violations des droits du Secrétariat de la présidence pour la défense des droits humains, ” Disque Denúncia Nacional” (Numéro de téléphone 100).

En 2013, ce numéro vert a reçu plus de 120.000 dénonciations de violations des droits des enfants.

Cinq des 12 Etats qui accueillent les matches de cette Coupe du monde occupent la première place sur la liste des plaintes pour maltraitance d'enfants: São Paulo (17.990), Rio de Janeiro (15.635), Bahia (10.957), Minas Gerais (9.565) et Rio Grande do Sul (6.269).

“Aucun enfant ne devrait souffrir parce qu'un stade de football est construit, ils ne devraient pas être non plus victimes d'exploitation à travers le tourisme sexuel. Il n'existe pas de données fermes qui peuvent prouver que les grands événements sont liés à l’augmentation de la maltraitance des enfants”, a indiqué à IPS, Alessandro Pinto, coordonnateur au Brésil de la campagne Save the campagne 'Save the Dream'.

Mais, a-t-il souligné, “nous sommes ici pour suivre ce phénomène de près au Brésil pour les deux prochaines années”.

'Save the Dream' est une initiative conjointe du Centre international pour la sécurité dans le sport (CISS) et le Comité olympique du Qatar. Pinto a dit que la campagne tentera de recueillir des données concrètes sur le lien entre les grands événements sportifs et les violences faites aux enfants jusqu'aux Jeux olympiques de 2016.

“Le sport a une grande responsabilité envers les êtres humains, la société et les droits humains”, a déclaré Pinto.

Le 20 juin, Pinto a participé à un évènement visant à publier les résultats préliminaires de la campagne 'proteja Brasil' (Protéger le Brésil) contre l'exploitation sexuelle des enfants, sous l'égide de l'UNICEF et du gouvernement brésilien dans le cadre de la Coupe du monde.

L’une des stratégies visant à encourager la dénonciation des actes de violences faites aux enfants a été la création d'une application qui peut être téléchargée gratuitement sur les smartphones et les tablettes. L'application 'Protéger le Brésil' est une initiative sans précédent à travers le monde, a souligné Ideli Salvatti, ministre du Secrétariat pour la défense des droits humains.

L'application vise à faire usage des plus de 70 millions de téléphones cellulaires au Brésil, un pays de plus de 200 millions d’habitants, pour propager la dénonciation de la maltraitance des enfants. Elle est disponible en portugais, en anglais et en espagnol.

Casimira Benge, chef du programme de l'UNICEF pour la protection de l'enfance au Brésil, a déclaré que le Brésil est un pays de grands événements, que les violences faites à ses 56 millions d'enfants et d'adolescents augmentent également.

“Nous avons appris beaucoup de la Coupe du monde en Afrique du Sud en 2010. Les enfants n’avaient pas de cours parce que les écoles ont fermé pendant le championnat, et ils étaient donc laissés sans surveillance. Ici au Brésil, nous nous efforçons à fournir un accompagnement et un soutien aux enfants, même pendant les vacances scolaires”, a expliqué Benge à IPS.