SWAZILAND: Le mariage, un obstacle au traitement antirétroviral pour les femmes

MBABANE, 24 juin (IPS) – Pendant des mois, Nonkululeko Msibi n'arrivait pas à trouver sa voix chaque fois qu'elle voulait partager la nouvelle avec son mari. Elle avait appris qu'elle était infectée par le VIH à l'âge de 16 ans lorsqu’elle mettait au monde son premier bébé à l’Hôpital public de Mbabane, au Swaziland.

“Bien que je sois choquée par la nouvelle, je l'ai acceptée”, a déclaré Msibi à IPS. “Mais la partie la plus difficile était d’informer mon mari de la nouvelle”.

Sa plus grande crainte était d'être expulsée de leur domicile conjugal au cas où il croyait qu'elle avait amené le VIH dans la famille.

En dépit du fait d'être mise sous traitement antirétroviral (TAR) à la naissance de l'enfant et de vivre à deux kms de l’hôpital, où elle pouvait facilement remplir ses ordonnances, sa fille a contracté le VIH, peut-être par le lait maternel.

“Parce que je n'ai pas révélé mon statut sérologique, je n'ai pas pu convaincre ma belle-mère que je devais allaiter exclusivement [le bébé]”, a indiqué Msibi.

Son deuxième bébé est également séropositif parce que, dit-elle, l’hôpital n'a pas pu lui donner son névirapine, bien que les infirmier(ère)s connaissent son statut sérologique. “Je ne sais pas pourquoi cela s'est produit”, a-t-elle indiqué.

Née et élevée à Motshane, environ 15 kilomètres de Mbabane, la capitale, Msibi a abandonné l'école en classe de CM1 et s’est mariée à l'âge de 15 ans alors qu’elle était enceinte de cinq mois. Un produit d'une famille brisée, avec ses deux parents décédés, le mariage est la chose la plus importante dans sa vie.

“Il doit y avoir quelqu'un pour s'occuper de vous et de vos enfants, surtout si vous êtes au chômage comme moi”, a souligné Msibi.

Alors, lorsqu’elle a reçu le diagnostic du VIH, elle a imaginé son monde s'écrouler, n’a informer personne et n'a pas suivi correctement le TAR.

Mais elle n'est pas la seule femme dans ce genre de dilemme.

“Nous avons constaté que certaines femmes ne reviennent pas aux centres de santé dans les délais prévus”, a déclaré Thandeka Dlamini, une chercheuse. Elle et d'autres chercheurs ont décidé de comprendre pourquoi les femmes mariées commencent le traitement antirétroviral tard ou abandonnent.

Leur étude, menée par MarxART, un projet du Programme national de lutte contre le SIDA au Swaziland (SNAP), a révélé “des défis socioculturels distincts rencontrés par les femmes avant le début du TAR qui entraînent des décisions spécifique basées sur le genre”.

Cela importe parce qu’en juillet, le Swaziland introduira l’Option B+, le dernier traitement recommandé par l'Organisation mondiale de la santé pour les mères séropositives. L’option B+ consiste en la fourniture à vie du TAR aux femmes enceintes, quel que soit leur taux de CD4. Les CD4 ou cellules auxiliaires, luttent contre les infections dans l’organisme.

Depuis 2013, l'option B+ est fournie à 600 femmes pour tester sa faisabilité, son acceptation et la préparation des centres de santé. Bientôt, elle sera offerte à quatre femmes sur dix enceintes qui sont séropositives. Parmi celles-ci, les femmes âgées de 30 à 34 ans ont montré la plus forte prévalence – plus de la moitié étaient séropositives en 2010.

Des décisions basées sur le genre Bien que les femmes du Swaziland aient un meilleur comportement en matière de recherche de soins de santé que les hommes, elles ont du mal à faire face au VIH en raison de barrières socioculturelles, indique l'étude. Beaucoup de femmes mariées séropositives vivent dans le dilemme entre obéir à leur mari ou suivre les conseils des agents de santé.

Selon Dlamini, dans ce pays conservateur où les femmes étaient considérées comme des mineures jusqu'à il n'y a pas longtemps, les épouses doivent obéir à leur mari, même s’ils s'opposent au TAR ou préfèrent la médecine traditionnelle.

Dlamini a déclaré qu’un diagnostic de VIH menace le sentiment de sécurité des femmes mariées parce qu'elles craignent d'être chassées par leurs conjoints ou beaux-parents.

“La soumission pourrait entraîner la mort, la révolte peut entraîner la vie, mais menace la perte de la dignité et le refuge trouvé dans un mariage, et peut amener la honte quand le mariage échoue”, a affirmé une femme mariée de 25 ans citée dans l'étude.

La prévalence nationale du VIH est de 26 pour cent chez les personnes âgées de 15 à 49 ans, et 5.600 femmes ont été nouvellement infectées par le VIH en 2012, selon les Nations Unies. Deux-tiers des infections sont parmi les femmes âgées de 25 ans et plus – dans leurs années de mariage, de procréation.

Bien que l'Enquête démographique et de santé 2007 du Swaziland indique que les femmes mariées ou célibataires ont une forte prévalence du VIH, elles sont confrontées à des choix différents quand il s'agit du TAR. Les femmes célibataires peuvent prendre seules une décision; les femmes mariées ne peuvent pas.

Dr Velephi Okello, médecin-major principal au SNAP, a dit que ces conclusions aideront à renforcer la stratégie de communication de l’hôpital sur le VIH.

“Cette étude nous a permis de comprendre pourquoi les femmes soit abandonnent ou commencent tard le TAR”, a déclaré Okello.

Le Rapport mondial 2013 du Programme conjoint des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA) montre que neuf Swazis sur dix restent sous le TAR après un an. Mais Okello a indiqué qu’un abandon est un de trop.

“Nous devons comprendre les obstacles qu'ils rencontrent au niveau social afin que nous les aidions à rester sous le traitement”, a préconisé Okello.