CARAIBES: La course pour sauver le secteur de la banane

LONDONDERRY, Dominique, 27 fév (IPS) – Lorsque Dean, le premier ouragan de la saison des ouragans dans l'Atlantique en 2007, s’est abattu sur Dominique le 16 août, il a laissé derrière une traînée de dégâts, tué une mère et son fils, et décimé le secteur vital de la banane de l'île.

Sept ans plus tard, le secteur agricole de la Dominique demeure atrocement vulnérable aux catastrophes naturelles et à la variabilité du climat. Chaque année, les agriculteurs perdent une partie importante de leurs récoltes et de leur bétail pendant la saison des ouragans qui dure six mois.

“Notre premier grand ouragan était l'ouragan David en 1979, qui a ravagé tout le pays. Tout a été détruit”, a déclaré à IPS, l'ancien Premier ministre, Edison James, lui-même fermier. “Depuis ce temps, nous avons de temps en temps des tempêtes et des ouragans qui ont causé des dégâts de degrés divers”.

“Parfois, nous avons 90 pour cent de dégâts aux cultures, en particulier les bananes et les avocats ainsi que les cultures arbustives en général”.

Le secteur de la banane est une source précieuse de devises pour plusieurs pays des Caraïbes, dont la Dominique.

L'île produit environ 30.000 tonnes de fruits par an, gagnant environ 55 millions de dollars. Les îles voisines de Sainte-Lucie et Saint-Vincent-et- les Grenadines, qui, ensemble, commercialisent leurs fruits sous la marque 'Windward Islands Banana', gagnent en moyenne 68 millions de dollars.

Le secteur de la banane est également le deuxième plus grand employeur de l'île après le gouvernement, fournissant du travail à 6.000 fermiers et beaucoup d'autres dans le secteur. Les études ont montré que même de légères augmentations de température peuvent endommager la production de la banane ou même l'éliminer complètement.

James, un législateur de longue date qui a servi en tant que Premier ministre de 1995 à 2000, est passé à “la production de plusieurs cultures” au cours de la dernière décennie. Mais il a subi d'énormes pertes de bananes, plantains, noix de coco, gombo, et d'autres cultures. Il impute cela à l'imprévisibilité des précipitations, ironiquement dans un pays mieux connu pour ses nombreux fleuves et son abondance en eau.

“Il y a eu la sécheresse de temps en temps et elle a été très intense dans des régions comme Woodford Hill et Londonderry”, a-t-il expliqué à IPS.

La sécheresse était si intense que “le pays a dû prendre des mesures pour mettre en place des systèmes d'irrigation”, a souligné James. “Alors, le vent et la sécheresse ont été les facteurs climatiques qui nous affectent ici à la Dominique”.

Spécialiste des ressources en eau au projet Réduction des risques dus aux changements climatiques pour l’Homme et les actifs naturels (RRACC) au sein du secrétariat de l'Organisation des Etats des Caraïbes orientales (OECO), Rupert Lay, a déclaré que les pertes potentielles pour les agriculteurs à Londonderry et dans toutes la Dominique sont notées dans tous les secteurs, une situation qui est de plus en plus courante dans la région.

“Les changements et la variabilité climatiques perturbent le mode d’opération des agriculteurs et, en conséquence, leurs volumes de production sont imprévisibles et sporadiques”, a-t-il indiqué à IPS.

“Les variations de la production sont diverses, des récoltes exceptionnelles à zéro rendements pour des périodes respectives, et ces facteurs de stress s'appliquent non seulement aux cultures, mais aussi à la production du bétail”, a ajouté Lay.

La Banque mondiale signale que la part de l'agriculture dans le produit intérieur brut (PIB) a constamment chuté en Dominique avec chaque catastrophe naturelle majeure, le secteur étant incapable de retrouver ses niveaux précédents d'importance relative.

Une grande partie de cette diminution est attribuable aux pertes de cultures, et en particulier à la baisse de la production de la banane.

Selon les chiffres de la Banque mondiale, la production agricole représentait 12,2 pour cent du PIB total, et dans l'ensemble, on estime que le secteur a baissé de 10,6 pour cent en 2010 après un taux de croissance de 1,5 pour cent pour 2009.

La performance du sous-secteur des cultures a été gravement touchée par la longue sécheresse de 2010, a indiqué la Banque mondiale, ajoutant que la baisse de l'agriculture est particulièrement marquée depuis l'ouragan Hugo en 1989.

Le ministre de l'Environnement, Kenneth Darroux, note que, pour un pays qui pourrait être auto- suffisant et fournir des vivres aux pays voisins, les importations de produits alimentaires par la Dominique constituent une charge croissante sur l'économie, et menacent la sécurité alimentaire.

Il a appelé à “des mesures d'adaptation [pour] renforcer la résilience aux facteurs de stress des changements climatiques afin que l’agriculteur soit mieux en mesure de maintenir des niveaux de production prévus, protégeant ainsi les niveaux prévus de moyens d’existence et de subsistance”, a indiqué Lay à IPS.

Ces mesures pourraient inclure une meilleure gestion agricole, la maîtrise des insectes nuisibles, et des programmes d'amélioration de l’agriculture plus vastes.

Le Premier ministre Roosevelt Skerrit a dit que la vulnérabilité de la Dominique aux changements climatiques est aggravée par sa performance économique actuelle, sa structure socio-économique particulière et la forte concentration des infrastructures le long du littoral.

“Le stress supplémentaire que les changements climatiques placent sur les systèmes écologiques et socio-économiques ne doit pas être sous-estimé”, a déclaré Skerrit.

“Il est prévu que les changements climatiques auront de graves conséquences, sinon catastrophiques, à court et à moyen terme à travers des secteurs tels que l'infrastructure, l'agriculture, l'énergie, les établissements humains et l'eau, si des mesures immédiates ne sont pas prises pour réduire de 50 pour cent les émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050 par rapport aux niveaux de 1990.

“Les changements climatiques constituent clairement le plus grand problème de développement du 21ème siècle”, a déclaré Skerrit.

Son homologue de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, le Premier ministre Ralph Gonsalves, a dit à IPS que les pays de la région feront des efforts pour renforcer leurs mécanismes institutionnels afin de faire face à l'impact des changements climatiques.

Gonsalves a indiqué que la question serait examinée lors du prochain sommet intersessions de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) à Kingstown, en Jamaïque, du 10 au 11 mars.

“Il y a plusieurs dimensions aux changements climatiques [et] clairement celle qui est immédiate pour nous est de savoir comment nous pouvons mieux nous préparer aux catastrophes nationales et comment nous pouvons mieux nous remettre des catastrophes naturelles, et nous devons examiner le renforcement de nos mécanismes institutionnels contre le contexte des vulnérabilités accrues qui découlent de la fréquence et de l'intensité des catastrophes naturelles”, a souligné Gonsalves à IPS.