GUYANE: Les mangroves aident à lutter contre le changement climatique

VICTORIA, Guyane, 10 déc (IPS) – Theola Fortune peut se rappeler de comment les habitants de Victoria se moquaient d’elle et d’autres toutes les fois qu'ils venaient dans le village de la côte orientale pour avertir les habitants sur l'importance des mangroves et la nécessité de les protéger.

“Ils nous accusaient de reproduire les moustiques dans la communauté”, a déclaré Fortune. Pourtant, les scientifiques disent que les arbres de mangrove, qui poussent principalement dans les régions tropicales et subtropicales, peuvent protéger les villes et villages de la montée des mers et des vagues de tempêtes en créant une barrière naturelle à l’endroit où l'océan rencontre la terre.

Environ 90 pour cent de la population de la Guyane vit sur une bande de littoral étroite située entre 50 centimètres et un mètre en dessous du niveau de la mer. Cette ceinture côtière est protégée par des barrières de digue qui ont existé depuis l'occupation du pays par la Hollande. Ces derniers temps, cependant, des tempêtes violentes ont renversé ces défenses, entraînant des inondations importantes, un danger qui selon les scientifiques peut devenir plus fréquent.

Après que d'énormes vagues ont rompu les digues à plusieurs reprises cette année seule, a indiqué Fortune, “les habitants commencent enfin à se rendre compte que les mangroves pourraient aider à protéger leur communauté” contre la destruction, et à sauver des vies.

Fortune, Avnel Wood et Kene Moseley font partie des femmes qui, dans le cadre du Projet de restauration des mangroves de la Guyane (GMRP), combinent l'activité commerciale avec la sensibilisation sur l'importance de protéger les mangroves côtières.

“Nous vendons des boules de tamarin, du miel, des biscuits de noix de coco, du jus de canne à sucre et d'autres produits”, a indiqué Wood à IPS, ajoutant qu’avec le projet, “beaucoup de mères célibataires dans la communauté sont maintenant en mesure de subvenir aux besoins de leurs familles”.

Wood n’a pas de doute sur ce qui cause les vagues anormalement élevées et le renversement fréquent des digues. “Il s'agit d’une conséquence des changements climatiques”, a-t-elle expliqué à IPS. “Il n'y a rien dans cette zone [côtière] pour briser l'énergie des vagues, car il n'existe pas de mangroves sur cette partie de la digue”.

Les scientifiques affirment que les mangroves jouent également un rôle important dans la lutte contre les changements climatiques puisqu’elles stockent dix fois plus de carbone que tout autre arbre dans les forêts de la Guyane.

Education et autonomisation économique En 2011, le GMRP, qui est financé par un partenariat entre l'Union européenne et le gouvernement de la Guyane, a créé le Groupe des femmes productrices de réserve de mangrove pour promouvoir des moyens de subsistance alternatifs dans les communautés situées le long de la côte.

“L'Union européenne reconnaît la valeur immense des mangroves et de leur protection, contribuant à notre défense contre la mer”, a déclaré à IPS, Annette Arjoon Martins, présidente du Comité d'action pour les mangroves en Guyane.

La Guyane a montré son engagement également, a-t- elle affirmé, en rendant disponibles 100 millions de dollars guyanais en 2010, une démarche qui “en elle-même était une bonne démonstration que… nous n'allons pas attendre jusqu'à ce que les fonds de l'UE soient décaissés”.

Fortune a déclaré à IPS que sa mère fait partie d'un groupe d'environ 35 femmes qui sont maintenant des apicultrices, grâce au projet. Elles peuvent vendre le miel des abeilles à 100 dollars guyanais (50 cents US) l’once.

Ces apicultrices construisent leurs ruches dans la forêt de mangroves noire, a indiqué Wood. “Les mangroves ont beaucoup de fleurs, et elles obtiennent ainsi beaucoup de miel à un rythme plus rapide”.

Le GMRP fournit également une sensibilisation sur les changements climatiques et les mangroves aux enfants et aux jeunes locaux, tandis que les visiteurs provenant d'autres régions du pays et de l'extérieur sont prises sur des chariots tirés par des chevaux pour des visites éducatives.

Des efforts de restauration En 2011, seulement 22.632 hectares de mangroves sont restés en Guyane. Depuis, plus d'un demi- million de plants de mangrove ont été plantés à travers le pays puisque les efforts s'intensifient pour protéger le littoral guyanais de la dégradation côtière.

Toutefois, plus de travail doit être fait, a indiqué à IPS, Leslie Ramsammy, ministre de l'Agriculture de la Guyane. “Nous devons faire un travail beaucoup meilleur dans l'éducation de nos populations par rapport aux mangroves”, a-t-il souligné.

“Bien que certains d'entre nous semblent comprendre désormais que les mangroves sont une partie importante de notre défense contre une mer envahissante, contre la montée des eaux de la mer, ce n’est pas tous les citoyens qui voient les mangroves comme une bonne chose ou comme une chose nécessaire”.

Pour ceux qui ont considéré et considèrent les mangroves comme importantes, il a fallu plusieurs tentatives pour comprendre comment aider à les protéger.

Au début, “nous avons fait la plantation de mangroves dans la zone, mais parce que l'élévation de la boue n'était pas au niveau requis, l'érosion est arrivée. Tous les arbres de mangrove que nous avons plantés ont été détruits”, a expliqué Wood à IPS.

Alors, les techniciens sont retournés à la planche à dessin et ont parvenu à l'idée de construire des tubes géotextiles pour faciliter la régénération naturelle. Un tube biodégradable rempli de sable et d'eau est utilisé pour former une barrière de sorte que lorsque la marée est haute, l'eau boueuse puisse entrer dans la zone et que les sédiments laissés derrière puissent aider à construire le sol à un niveau requis.

“L’herbe Spartina est ensuite plantée dans la zone”, a expliqué Wood. “Nous avons constaté que les semences de mangroves seraient coincées dans l'herbe et germineraient plus tard”. Grâce aux tubes et à cette herbe, a-t-elle déclaré, “dans cette zone, nous avons la chance d'avoir la régénération” des mangroves.

* L’herbe Spartina au premier plan, avec des tubes géotextiles au loin, qui aident les arbres de mangrove à se régénérer naturellement. Crédit: Desmond Brown/IPS