CARAIBES: La hausse des dangers du changement climatique inquiète la région

KINGSTON, Jamaïque, 20 nov (IPS) – Il a fallu seulement huit pouces d'eau pour que la Jamaïque soit touchée par la montée du niveau de la mer, des parties de cette nation insulaire ayant disparu complètement, menaçant les moyens de subsistance des gens et bien d’autres.

“Les gens parlent de la probabilité que Barbuda disparaisse dans 40 ans, mais c'est une réalité en Jamaïque actuellement”, a déclaré à IPS, Conrad Douglas, un scientifique jamaïcain qui a publié plus de 350 rapports sur la gestion de l'environnement et des sujets connexes.

Il a cité l'exemple d'un ensemble de récifs appelé 'Pedro Cays', dont un “a complètement disparu”.

Les 'Pedro Cays' sont quatre petits récifs, plats de faible altitude (de deux à cinq mètres de haut) essentiellement inhabités. La végétation clairsemée de ces terres est composée de six espèces de plantes, dont aucune n'est endémique. Ces récifs sont d’importantes zones de nidification et de repos des oiseaux marins dans la région, et ils fournissent aussi des aires de nidification à plusieurs espèces de tortues menacées, telles que les tortues imbriquées et les tortues caouannes.

Plus de 400 Jamaïcains vivent depuis des mois par moment sur 'Pedro Cays' de cette île, qui constituent la première zone de récolte du plus grand produit d’exportation, le lambi, à partir de la région des Caraïbes.

Douglas a indiqué que la disparition de ces récifs affecte les moyens de subsistance, les revenus et les modes de vie des gens, “nous exposant à toutes sortes d'autres problèmes qui pourraient menacer la sécurité du pays et de la région”.

Au cas où le phénomène se poursuivait, et “si nous ne nous adaptons pas”, la planète entière changera physiquement, a-t-il prévenu.

Les scientifiques ont averti qu’étant donné que les mers continuent de monter de niveau, elles avaleront des nations insulaires entières, depuis les Maldives jusqu’aux îles Marshall, inonderont de vastes parties de pays, du Bangladesh jusqu’à l'Egypte, et submergeront des parties de dizaines de villes côtières. “Nous avons appris des histoires d'horreur que certaines îles du Pacifique disparaissent déjà, alors le temps n'est certainement pas dans nos mains”, a expliqué à IPS, Kenneth Darroux, ministre de l'Environnement de l’île de la Dominique. “C’est le moment d'agir maintenant”.

Même si les pays des Caraïbes contribuent très peu aux causes des changements climatiques qui entraînent des problèmes tels que la montée du niveau de la mer, ces pays sont ceux qui risquent de perdre le plus, a souligné Darroux.

Les Nations Unies ont estimé que d'ici à l'an 2100, les îles Marshall pourraient être submergées par des vagues en débordement.

Alors que les changements climatiques ont le potentiel de faire disparaître des îles, ils affectent également des gens et des endroits au niveau mondial et peuvent endommager gravement la qualité de vie.

L'Organisation mondiale de la santé impute 150.000 décès chaque année aux effets des changements climatiques, y compris des conditions météorologiques extrêmes, la sécheresse, des vagues de chaleur, la diminution de la production alimentaire et la propagation accrue des maladies comme le paludisme.

Les scientifiques avertissent également que si les tendances actuelles des émissions de dioxyde de carbone se poursuivent, les récifs coralliens dans le monde pourraient être quasiment détruits d’ici à 2050.

Trouver des ressources Darroux a déclaré que l'un des plus grands défis auxquels sont confrontés de petits Etats insulaires en développement comme la Dominique, dans la lutte contre les changements climatiques, a rapport aux ressources, financières et autres.

En 2012, les autorités du pays ont dévoilé une Stratégie de développement à faible teneur en carbone résistant au climat et Darroux a affirmé qu’elles avaient l'intention de profiter d’une partie des millions de dollars disponibles pour aider les pays à faire face aux changements climatiques et ses effets.

La Dominique veut également montrer à ses voisins des Caraïbes la façon dont ils pourraient bénéficier du même financement, a expliqué Darroux.

“Nous avons ce projet PPCR [Programme pilote pour la résilience climatique]”, a-t-il indiqué, notant que près de 200 millions de dollars ont été accordés à la Dominique au cours des cinq prochaines années pour l’aider à développer des projets résistants au climat.

Il a appelé à “la collaboration et à l'unité” entre les pays des Caraïbes, notant qu'ils avaient chacun des histoires de réussite qu'ils pourraient partager.

Toutefois, Darroux a admis: “C'est bien beau de dire 'Nous allons faire ceci ou cela', mais en fin de compte nous sommes obligés de faire face à la réalité de l'environnement financier dans lequel nous travaillons”.

“Nous pouvons proposer certaines initiatives, mais un ouragan pourrait nous frapper et les sommes qui étaient proposées pour mettre en œuvre de nouvelles initiatives, 99,9 pour cent, soit 100 pour cent du temps, sont obligées d’être ensuite détournées vers les efforts de récupération après ces tempêtes erratiques qui nous [frappent] chaque année à partir de l'Atlantique”.

Considérer une approche sociale John Crowley, un responsable supérieur des dimensions sociales du changement environnemental mondial au siège de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) à Paris, a également exhorté les pays de la région de partager leurs connaissances sur les questions qui n’ont pas été actuellement suffisamment étudiées concernant les dimensions sociales et humaines de l'adaptation aux changements climatiques.

Il a noté que c'est en créant ce réseau de connaissances que les sociétés pourraient trouver de nouveaux moyens pour subvenir à leurs besoins et prospérer.

S’adressant aux dizaines de scientifiques et d'autres délégués lors d’une récente réunion parrainée par l'UNESCO sur la formulation d’une politique environnementale et la planification dans la région des Caraïbes, Crowley a suggéré que l'approche dominante à l'adaptation aux changements climatiques telle que formulée par la communauté internationale au cours des 10 dernières années n'est probablement pas la bonne.

“Le point de vue dominant se présente fondamentalement comme suit: il y aura un accord global sur la réduction des émissions un jour, et il fera disparaître le problème”, a-t-il expliqué. “En attendant, nous devons nous protéger contre les impacts transitoires, et la meilleure façon de le faire, c’est [avec]… des infrastructures solides, des infrastructures de protection”.

“Je pense qu'il y a un sentiment croissant que cela pourrait être faux et peut-être même dangereux”, a déclaré Crowley, ajoutant que les problèmes d'adaptation sont susceptibles d'être permanents, pas temporaires. Il a affirmé qu'il n'était “pas sûr que des solutions d'infrastructures solides” étaient la meilleure option, car elles étaient elles-mêmes vulnérables.

* Des habitants se fraient leur chemin à travers les rues inondées de Port of Spain, Trinidad. Crédit: Desmond Brown/IPS