CARAIBES: Mesurer le CO2 dans les écosystèmes verts du Mexique

MEXICO CITY, 15 nov (IPS) – Les jungles, les forêts, les mangroves, les marais et les lagunes sont des réservoirs ou “puits” naturels de carbone dans les régions des Caraïbes du Mexique. Mais maintenant, des études sont en cours pour mesurer leur capacité à absorber le dioxyde de carbone provenant de l'atmosphère.

Ces écosystèmes se trouvent généralement le long de la bande côtière qui englobe les Etats du sud- est de Veracruz, Tabasco, Yucatán, Campeche et Quintana Roo.

“La recommandation d'éviter la déforestation et la dégradation des forêts est une mesure visant l'atténuation (réduction) des quelque 20 pour cent des émissions de gaz à effet de serre provenant de ces causes”, a déclaré le chercheur José Andrade du Centre pour la recherche scientifique de Yucatán (CICY), un institut gouvernemental.

Toutefois, “au même moment, les émissions provenant de l'industrie et du transport doivent être réduites avec des sources d'énergie alternatives. (La préservation des forêts) seule n'est pas une solution pour réduire les émissions mondiales”, a-t-il indiqué à Tierramérica*.

Dans le cadre de l'étude de recherche intitulée “Les feuilles: une partie fondamentale du stockage de carbone dans une forêt pluviale du Yucatán”, Andrade et quatre de ses collègues ont évalué des facteurs tels que les courants d'air, la biomasse et les flux de carbone dans l'écosystème de la Réserve de Kiuic, qui couvre 1.800 hectares dans l'Etat du Yucatán.

Parmi les espèces végétales étudiées, il a été constaté que les arbres 'gumbo-limbo' (Bursera simaruba) absorbent 730 grammes de dioxyde de carbone (CO2) par mètre carré, le cornouiller jamaïcain (Piscidia piscipula), 680 grammes, et le kitinché (Caesalpinia gaumeri), 1,32 kilogramme. Les deux derniers sont des plantes indigènes au Mexique.

“Les informations indiquent que les espèces de la région utilisent l'eau de façon efficace pour promouvoir la régénération de nouvelles feuilles, ce qui leur permet de continuer à absorber le CO2 et donc à stocker le carbone sous forme de biomasse”, a expliqué Andrade.

Les Caraïbes du Mexique sont exposées à des tempêtes et ouragans de plus en plus destructeurs et à la menace de la montée des niveaux de la mer, qui inonderaient de larges bandes du littoral, préviennent les spécialistes. La richesse biologique de la région est également menacée par l'expansion de l'industrie touristique, la déforestation, le pâturage pour le bétail et des activités de l'industrie pétrolière.

Les émissions de CO2 au Mexique, l’un des gaz à effet de serre qui contribuent au réchauffement de la planète, s’élèvent au total à quelque 748 millions de tonnes par an. L'agriculture est responsable de 12,3 pour cent de ces émissions, l'industrie, 8,2 pour cent, et les changements dans l'exploitation des terres et la foresterie, 5,3 pour cent, selon le ministère de l'Environnement et des Ressources naturelles.

“Les changements climatiques augmentent notre incertitude quant à l'avenir des forêts. Nous ne sommes pas sûrs de ce qui va se passer”, a indiqué à Tierramérica, Richard Birdsey de 'U.S. Forest Service', une agence du ministère américain de l'Agriculture.

“Dans certains endroits, les forêts se développent plus, dans d'autres elles se développent moins. Cela est influencé par plusieurs facteurs que nous devons étudier”, a ajouté Birdsey, un membre de la CarboNA, une initiative conjointe au niveau gouvernemental entre le Canada, les Etats-Unis et le Mexique pour la recherche sur le cycle du carbone en Amérique du nord.

Les projets de la CarbonNA, y compris celui qui est en cours au Yucatán, visent à surveiller et modéliser le CO2 dans la région grâce à la télédétection et la télécartographie.

“Il est difficile de calculer les émissions de CO2 dans le sol, mais nous essayons de les mesurer. Nous traitons les écosystèmes sur une petite échelle pour générer des courbes de facteurs d'émission”, a expliqué Birdsey.

En 2011, un groupe de scientifiques a créé le réseau MexFlux au Mexique, pour étudier l'eau et les flux de carbone en utilisant la même méthodologie que le réseau Ameriflux aux Etats- Unis. Au moins sept sites ont été créés au Mexique pour étudier ces échanges de masse et d'énergie entre la terre et l'atmosphère.

Les écosystèmes des Caraïbes du Mexique fournissent des services précieux pour l'équilibre environnemental de la région et servent de protection contre les phénomènes climatiques et météorologiques, tels que les sécheresses, les tempêtes, les vagues de tempêtes et les inondations.

Mais la péninsule du Yucatán “est très dégradée. Il y a beaucoup de pression sur les écosystèmes. Les zones qui agissent comme des puits de carbone doivent être analysées. Les forêts tropicales humides fixent plus de dioxyde de carbone qu'elles n'en libèrent”, a indiqué à Tierramérica, Rodrigo Valle, un étudiant de troisième cycle et chercheur au CICY.

Valle et deux collègues travaillent sur l'étude intitulée: “Estimation de la distribution spatiale de la biomasse forestière dans la péninsule du Yucatán en utilisant la télédétection et des données sur le terrain”.

Leur recherche a trouvé 229.000 tonnes de biomasse par hectare dans la zone étudiée, en mesurant la radiation électromagnétique réfléchie par la matière verte.

Exploitant les données de l’Inventaire 2009-2013 des forêts et sols nationaux, deux agences gouvernementales, la Commission nationale des forêts et le Programme mexicain sur le carbone, ont estimé qu'il y a 9,146 millions de tonnes de carbone stockées dans les sols du Mexique.

La péninsule du Yucatán est la région qui a les niveaux les plus élevés de CO2 enfoui, à cause de son sol calcaire.

* Cet article a été initialement publié par les journaux latino-américains qui font partie du réseau Tierramérica.

** Une forêt pluviale dans l’Etat de Campeche, dans le sud-est du Mexique. Crédit: Emilio Godoy/IPS