KENYA: Assurer les vaches et les chèvres améliore la vie des citoyens

NAIROBI, 18 nov (IPS) – “C'est le son que j'aime le plus dans le monde entier”, déclare Hussein Ahmed pendant que les cloches attachées à ses bovins commencent à résonner alors qu’ils rentrent à la maison.

Ahmed, un éleveur dans le district de Marsabit, dans les zones arides et semi-arides du nord du Kenya, a perdu tous ses animaux en 2011 au cours d'une des pires sécheresses dans la région depuis plus de 60 ans.

A l'époque, Ahmed allait jusqu'en Ethiopie voisine, en quête d'eau et de pâturages pour son bétail.

“Je fuyais les voleurs de bétail armés qui venaient dérober les animaux qui ont été épargnés par la sécheresse. Au cours du voyage de 250 kilomètres, de Marsabit en Ethiopie, j'ai perdu tous mes animaux à cause du manque de pâturage et d'eau.

“Avant cela [j’ai perdu mes animaux] à cause des voleurs de bétail qui tentaient de remplacer ce qu'ils avaient perdu du fait de la sécheresse”, indique Ahmed à IPS.

Il est retourné à Marsabit un mois plus tard, abattu, les mains vides. Mais un membre de son clan, qui avait souscrit à un produit pilote d'assurance du bétail, a donné à Ahmed cinq chèvres et une vache ainsi qu’une chance de recommencer.

La vie est différente maintenant. Ahmed a reconstitué son troupeau et a la sécurité, même devant la sécheresse et la poursuite du vol de bétail.

Il y a un an, il a souscrit au produit pilote d'assurance du bétail auquel le membre de son clan a adhéré – la toute première couverture pour les éleveurs au Kenya, qui est offerte par l'Institut international de recherche sur le bétail (ILRI), une ONG.

“J'ai adhéré [au projet] en 2012, et depuis ce temps, j'ai été payé à deux reprises pour le bétail perdu, y compris en mars de cette année”, souligne Ahmed.

L'assurance est subventionnée par les partenaires de l'ILRI: le ministère britannique du Développement international, l'Union européenne et l'Agence australienne pour le développement international.

Au début, la couverture était disponible seulement à Marsabit. Mais en août, elle a été mise en œuvre dans les comtés d’Isiolo et de Wajir, dans le nord du Kenya. Et grâce à son succès dans ce pays d'Afrique de l'est, elle est actuellement à l'essai à Borana, une zone aride et semi-aride dans le sud de l'Ethiopie.

Selon l'ILRI, 4.000 pasteurs, soit la moitié des éleveurs dans le nord du Kenya ont été couverts. Cependant, il est difficile de vérifier le nombre total d’éleveurs dans la région. Teresia Njeri, une responsable de l'environnement dans le nord du Kenya, déclare à IPS que cela est dû au fait que “les éleveurs ne restent pas à un seul endroit pendant longtemps, ils se déplacent constamment”.

Les éleveurs jouent un rôle important dans la région. Selon le ministère de l'Agriculture, de l'Elevage et de la Pêche du Kenya, la valeur estimée du secteur de l'élevage pastoral du pays est de 800 millions de dollars. Les chiffres de la Banque mondiale montrent que le Kenya a un produit intérieur brut total d'environ 37 milliards de dollars. Et l'Autorité intergouvernementale pour le développement en Afrique de l'est, un bloc commercial régional, estime que plus de 90 pour cent de la viande consommée en Afrique de l'est provient des communautés d’éleveurs.

Mais la vie d'un éleveur a toujours été difficile. Issa Salesa, un éleveur à Isiolo, déclare à IPS qu'ils sont toujours vulnérables. “La sécheresse frappe généralement plusieurs régions du nord du Kenya de juin à décembre et elle s'aggrave entre janvier et avril. Alors, au fond, les éleveurs et leurs animaux sont exposés à la famine et aux violentes attaques de la part des voleurs de bétail toute au long de l'année”, explique Salesa.

Mais désormais, Ahmed et Salesa, comme des milliers d'autres éleveurs dans leurs districts qui ont souscrit à l'assurance, savent que si leurs animaux meurent dans une période de sécheresse, ils recevront un dédommagement pour cela. Pour Ahmed, cela signifie que sa famille aura de la nourriture tout au long de l'année et que ses enfants peuvent désormais aller à l'école.

Yusuf Aden, un éleveur à Marsabit et un bénéficiaire du produit d'assurance, affirme à IPS que les éleveurs sont tenus d'assurer au moins 10 de leurs bovins et que les primes varient d'un animal à l'autre.

“Par exemple, pour 10 chèvres et plus vous payez une prime d'environ 20 dollars par an. Ce montant est abordable parce que nous vendons seulement une chèvre afin de réunir l'argent pour assurer au moins 10 chèvres”, indique Aden.

“[Cette assurance] vise à dédommager les clients en cas de perte, mais contrairement à l'assurance traditionnelle, qui procède aux dédommagements sur la base d’évaluations, au cas par cas, des réalisations de perte de chaque client, cette assurance du bétail dédommage ceux qui ont souscrit à une police sur la base d’un indicateur externe, tel que la disponibilité des pâturages”, explique à IPS, Andrew Mude, qui est en charge du projet de l'assurance du bétail à l'ILRI.

Il indique que les données satellites fournissent une estimation des lectures de la disponibilité des pâturages et qu’il y a dédommagement d’une police lorsqu’il est prévu que la rareté de pâturages causera des décès de bétail dans une région.

Les éleveurs assurés sont dédommagés pour une perte supérieure à 15 pour cent de leur bétail. Mais les avantages pour leur vie ont été plus grands.

“Les ménages assurés ont connu une baisse de 33 pour cent de la probabilité de réduire leur apport nutritionnel, une chute de 50 pour cent des ventes de détresse de bétail [cela se passe quand il y a sécheresse] et de 33 pour cent de leur dépendance d'aide alimentaire”, souligne Mude.

Bien qu'il ne soit pas certain que cette nouvelle assurance marchera dans le reste du Kenya. Beatrice Wambui, une courtière en assurances, souligne que “assurer le bétail n'est pas commercialement viable”.

“Prendre une assurance contre la nature est une affaire risquée, vous n'avez aucun contrôle sur le climat…Mais dans les régions où l'assurance du bétail marche, si les compagnies peuvent trouver des moyens pour être dans une situation gagnant- gagnant avec les éleveurs, ce produit est en train de changer des vies”, déclare Wambui à IPS, ajoutant qu’à moins que les compagnies d'assurance s’associent avec les ONG, elles ne pourraient pas atteindre les éleveurs.