ZIMBABWE: Des citoyens laissés dans une situation pire par des sociétés minières

MUTOKO, Zimbabwe, 14 nov (IPS) – Ranganai Zimbeva, un habitant du village rural de Mutoko, à environ 200 kilomètres au nord-est d’Harare, la capitale du Zimbabwe, bouche ses oreilles avec les doigts et secoue la tête pendant qu’il regarde les mineurs, près de son village, faire sauter une roche dure pour en extraire le granit noir.

Des ravins profonds et larges ont remplacé les pâturages onduleux dans ce village de la province du Mashonaland oriental où errait librement autrefois le bétail qui prospérait. Il est difficile de voir le ciel bleu puisque de la poussière grise formée à partir des explosions tourbillonne vers le haut pour remplir l'horizon.

“Il est dit à certaines de personnes qui vont à l’hôpital pour des problèmes respiratoires que leur maladie est due au fait qu’elles ont inhalé trop de poussière ou de fumée. Les compagnies minières devraient mettre en place un fonds de santé pour s’assurer que les villageois bénéficient d’un traitement suffisant”, a déclaré Zimbeva, 70 ans, à IPS.

“Le bétail meurt parfois après avoir bu l'eau des ravins et il pourrait être contaminé par des produits chimiques mais personne ne semble se soucier de cela. Tout ce qu'ils veulent, c'est l'argent”.

Mais les décès de bétail, qui surviennent chaque année, ne sont pas fréquents. Et Zimbeva et les gens de Mutoko n'ont aucune preuve pour les causes de cette situation – la plupart n'ont pas l'argent pour solliciter une assistance vétérinaire. Les gens de cette région sont pauvres et connaissent une aggravation de la faim à cause des sécheresses récurrentes.

“Nous avons moins de bétail maintenant parce que cette [exploitation minière] du granit noir a emporté le pâturage. Pire encore, [les compagnies minières] ont fait la sourde oreille à nos demandes pour qu’elles emploient nos fils et nos filles, choisissant plutôt de prendre les gens venus d'autres régions”, a indiqué Zimbeva.

Environ 10 compagnies, qui appartiennent à la fois aux locaux et aux étrangers, extraient le granit à partir de ce district rural. Les contacts de certaines de ces compagnies minières sont obscurs et difficiles à obtenir. Bien qu’IPS ait pu prendre contact avec un représentant de l'une des compagnies minières impliquées, ils ont refusé de faire de commentaires.

Les géologues affirment que le Zimbabwe renferme certains des gisements miniers les plus riches en Afrique, y compris le platine, des diamants, l'amiante, le graphite et l'or. Mais des activistes et des économistes accusent certaines compagnies minières indigènes et émergentes de ne pas améliorer le bien-être des communautés locales et de les laisser dans une situation pire qu’avant.

John Robertson, un économiste indépendant, a expliqué que les compagnies minières émergentes, dans lesquelles le gouvernement est très impliqué, étaient différentes des multinationales qui ont tendance à se soucier du bien-être des communautés locales.

“Certaines de ces multinationales ont des équipes de gestion qui dirigent l'équivalent des municipalités, plus des programmes de construction d’hôpitaux, d’écoles, de logements. C'est là où elles diffèrent des compagnies minières indigènes et émergentes où les règles ne semblent pas s'appliquer et [où il y a] des règles de la cupidité”, a déclaré Robertson à IPS.

Pour les familles qui autrefois vivaient sur le champ de diamants de Marange, dans la province du Manicaland, qui est estimée à environ 71.000 hectares et qui renfermerait environ un quart des gisements de diamants dans le monde, le dédommagement qui leur est offert par les compagnies minières pour la délocalisation n'a pas été suffisant.

Environ 693 familles, qui avaient vécu pendant des décennies sur les champs de diamants, ont été déplacées sur une ferme abandonnée appelée 'Arda Transau', qui est près de Mutare, la principale ville de la province du Manicaland. Au total 4.300 ménages ont été identifiés pour cette délocalisation.

Bien que 'Arda Transau' soit développée et que les familles aient reçu des maisons composées de quatre chambres comme dédommagement pour la perte de leurs domiciles, cela est perçu par beaucoup comme étant insuffisant.

“L'expansion des activités minières à Marange a emporté la plupart des terres utilisées par les habitants pour leur subsistance, [ainsi que] des infrastructures communautaires, telles que les barrages, qui fournissaient de l'eau pour la culture maraîchère. Des petites entreprises telles les boutiques et les étals ont été fermées”, a souligné à IPS, Melanie Chiponda, la directrice de l’Association pour le développement de la communauté de Chiadzwa, un groupe de pression qui fait la promotion des droits des villageois dont les communautés bordent le champ minier.

“Les mines ont créé un syndrome de dépendance chez les ménages. Ils sont à peine impliqués dans des activités de responsabilité sociale des entreprises et ces personnes sont secondaires. C’est une question de profits mais jamais de gens qui n’ont pas la capacité de négocier pour de meilleurs arrangements”, a-t-elle indiqué.

Chiponda a affirmé que les gens étaient plus mal lotis depuis qu’ils avaient été déplacés, puisqu’ils vivaient essentiellement d'aides alimentaires offertes par des agences humanitaires et de dons provenant des mines. Elle a ajouté qu'un grand nombre d'enfants ont abandonné l'école et aident à subvenir aux besoins de leurs familles en vendant du bois de chauffage.

Freeman Bhoso, le directeur exécutif de 'Zimbabwe Natural Resources Dialogue Forum', une organisation de plaidoirie à but non lucratif qui cherche à promouvoir une extraction durable des ressources du pays, a déclaré à IPS que, parce que les concessions minières ont été octroyées à huis clos, cela a laissé des failles qui ont rendu les communautés vulnérables.

“La manière dont les concessions sont accordées par le gouvernement est mauvaise, car cela exclut les communautés. Il n'existe aucune transparence et il semble qu'elles sont accordées suivant des lignes politiquement partisanes. Dans la plupart des cas, les évaluations d'impact sur l'environnement sont faites bien après le début de l'exploitation minière”, a-t-il souligné.