ZIMBABWE: Les vielles voitures cabossées aggravent la pollution de l’air

HARARE, 28 oct (IPS) – C'est un spectacle fréquent dans les zones rurales du Zimbabwe – de vieilles voitures délabrées qui vont d'un district à un autre, surchargées de poulets, de maïs, de bagages et de passagers.

Tazviona Matutu, 76 ans, originaire du district de Mwenezi, dans la province de Masvingo au Zimbabwe, a été un passager dans ces voitures et est heureux que les opérateurs de ces vieux véhicules parfois impropres à être mis sur la route soient disposés à accepter quelque chose d'autre que de l'argent pour son frais de transport.

“Il n'y a pas de bus ici pour transporter les gens d'un point à un autre. Ces vieux véhicules [nous aident] puisque nous payons souvent notre tarif en échange de poules et de maïs, comme la plupart d'entre nous sont très pauvres”, a déclaré Matutu à IPS.

Mais l'utilisation de ces vieilles voitures cabossées bruyantes, qui émettent de gaz d'échappement lourds, a atteint un coût élevé et aggraverait la pollution de l'air dans ce pays d'Afrique australe.

Selon le groupe de pression pour l’environnement, 'Association sauver l'environnement' et l’écologiste indépendant Gibson Mamutse, l'utilisation continue de ces vieilles voitures pourrait conduire au désastre.

“[En] août de cette année, la pollution liée aux vieilles voitures utilisées pour le transport public dans les villages s’est sérieusement aggravée dans tout le pays, ce qui est vraiment une catastrophe de plus en plus hors de contrôle”, a indiqué à IPS, Sifelumusa Mbihwa, directrice de l'Association sauver l'environnement.

“En 2012, 23,3 pour cent de la population rurale du pays s'est plainte de la pollution provenant des vieilles voitures, tandis qu’en août de cette année, environ 32,4 pour cent s’est plaint [de la pollution due aux vieilles voitures]”, a-t-elle expliqué.

En janvier, le Conseil pour la sécurité routière du Zimbabwe a noté que 21.122 vieux véhicules étaient autorisés dans les zones rurales du pays et étaient utilisés comme moyens de transport sur des routes rurales traditionnellement boudées par les fournisseurs de transports publics agréés.

Mais Mbihwa a affirmé que le nombre de vieux véhicules opérant à travers le pays était beaucoup plus élevé.

“Dans notre enquête réalisée en 2012 sur la possession de voitures en milieu rural au Zimbabwe… sur environ sept millions de personnes à la campagne, trois personnes sur 15 possèdent par héritage un vieux véhicule de travail en marche ou dysfonctionnel”, a-t-elle indiqué.

Tigere Chigome, le porte-parole de la Police nationale de régularisation de la circulation au Zimbabwe, a expliqué que la plupart des voitures n'étaient pas enregistrées et a souligné que c'était difficile de surveiller leur utilisation.

“Nous savons qu'il y a des véhicules impropres à être mis dur la route qui opèrent dans différents endroits à travers le pays, mais la plupart de ces vielles voitures ne sont ni enregistrées ni autorisées à transporter des passagers et finalement, elles ne disposent vraiment pas d’un document qui légitime leurs opérations”.

“Il n'existe pas de registres pour certaines d'entre elles et donc savoir combien elles sont à travers le pays serait difficile puisqu’elles évitent toujours les routes qui sont fréquentées par les agents de la circulation”, a souligné Chigome à IPS.

Ecologiste indépendant, Mamutse a déclaré à IPS que les vieux véhicules “aggravaient la pollution de l'air, menaçaient désormais notre environnement dans les villes et les villages”.

“Le cas de Mwenezi concernant [l'utilisation de vieilles voitures pour le transport] est simplement l’exemple type d'un problème plus important dans le pays. Le Zimbabwe doit se préparer à vivre les pires conséquences de ces vieilles voitures dans la campagne”.

Il a affirmé que selon sa propre recherche en cours, intitulée “Identifier les causes des sécheresses incessantes au Zimbabwe”, 65 à 70 pour cent du total des émissions rurales provenaient des feux de brousse, de l'exploitation minière, des activités agricoles et domestiques, avec les émissions provenant de vieilles voitures qui contribuent pour 30 pour cent à ce chiffre.

Selon 'Clean Air Asia', un réseau sur la qualité de l'air pour l'Asie, plus de neuf millions de tonnes de dioxyde de carbone ont été émises au Zimbabwe en 2008 à travers l'activité industrielle, les émissions automobiles et énergétiques. Les chiffres de l'Administration américaine des informations sur l’énergie montrent que durant 2008 également, la Zambie voisine, qui a une population de 14 millions d’habitants, par rapport aux 13,7 millions d'habitants pour le Zimbabwe, a émis 2,2 millions de tonnes de dioxyde de carbone.

Mais les vieilles voitures sont populaires dans le pays. En 2010, le gouvernement zimbabwéen avait interdit l'importation de véhicules vieux de plus de cinq ans parce qu'ils polluaient l'environnement. Mais un an plus tard, le gouvernement a été contraint de suspendre l’interdiction après une pression des concessionnaires de voitures d'occasion qui voulaient rester dans ce commerce, bien que certaines des voitures utilisées pour assurer le transport dans les zones rurales aient plus de 40 ans.

“La Peugeot 404 que j'utilise pour transporter les passagers était exploitée par mon grand-père dans les années 1970 et j'ai dû la ressusciter pour gagner ma vie, transportant des passagers”, a déclaré à IPS, Artwell Muhomba, originaire du village de Maranda, dans le district de Mwenezi.

“[Les vieilles voitures] polluent non seulement l'atmosphère, mais elles sont devenues aussi des agents de la pollution sonore”, a expliqué à IPS, Isaac Maramba, un inspecteur de la santé dans le village de Domboshava, dans la province du Mashonaland Central, à 27 kilomètres au nord d’Harare, la capitale du Zimbabwe.

Mais Arnold Nerupiri, le président de la 'Domboshava Old Transport Association' originaire de Domboshava, a affirmé que bien que les opérateurs de vieux véhicules connaissent les conséquences environnementales de leur utilisation, beaucoup n'avaient aucun autre moyen de gagner leur vie.

“Les gens qui mènent des affaires ici [en conduisant de vieilles voitures] sont conscients des conséquences environnementales de leurs pratiques. Mais ils veulent vraiment mettre de la nourriture sur leur table puisque la plupart d'entre eux ne sont pas formellement employés”, a expliqué Nerupiri à IPS.