ENVIRONNEMENT: En difficulté, Barbuda continue d’extraire le sable malgré des avertissements

CODRINTON, Barbuda, 31 août (IPS) – Arthur Nibbs était connu pour son opposition farouche à l'extraction de sable dans sa patrie natale, Barbuda, une île des Caraïbes avec des plages de sable blanc éblouissantes qui constituent une grande partie de ses côtes désertes.

Mais Nibbs, président du Conseil de Barbuda, a eu un changement de cœur en raison des difficultés économiques auxquelles les habitants sont confrontés ici, a-t-il déclaré. Il rejette les avertissements des écologistes selon lesquels l'extraction de sable a dépassé les limites de sécurité et que sa poursuite expose Barbuda, la petite île dans l’union Antigua-et-Barbuda, à un risque plus grand dû aux tempêtes et à une montée du niveau de la mer.

“La réalité a éclaté”, a indiqué Nibbs à IPS, notant que le conseil est actuellement dans une difficulté financière profonde. “Nos finances proviennent généralement du gouvernement central”, a-t-il expliqué, mais le gouvernement lui-même est dans “une situation précaire”.

“Nous sommes obligés de continuer… à extraire le sable parce que c'est la seule source de revenus que nous ayons, et nous devons respecter nos obligations quotidiennement”, a-t-il dit.

“Préféreriez-vous apparaître comme en train de protéger l'environnement et avoir ensuite vos populations souffrir de faim, sans aucune nourriture sur leur table et des gens qui ne peuvent pas payer leurs factures?”, a-t-il demandé.

Barbuda, l'une des îles les plus basses dans les Caraïbes, a été étiquetée comme l'une des plus vulnérables aux effets du changement climatique, avec des scientifiques locaux qui se plaignent de ce que cette île de 62 miles carrés, constituée de zones humides, devient l'un des endroits les plus vulnérables sur la terre par rapport aux conséquences des changements climatiques.

Il y a un an, Nibbs critiquait la décision du président du conseil de l'époque, Kelvin Punter, de reprendre l'exploitation du sable, la qualifiant de “folie”. Il est bien conscient qu'il semble être en train de faire volte-face sur le sujet maintenant.

“Je suis sûr que tout Antigua-et-Barbuda est habituée à m'entendre parler d’extraction de sable et des dégâts qu'elle a causés sur l'environnement”, a-t-il reconnu, notant qu'il avait “l'intention” d'essayer de s'éloigner de la pratique.

“Mais ce n'était pas tout simplement possible”, a-t-il affirmé. “Vous devez prendre soin des gens maintenant”.

Nibbs n'est pas contre une stratégie de développement à long terme pour l'île, mais il estime que “s'asseoir et élaborer un plan de développement ne payera pas vos factures” et que le développement d'un tel plan et l’identification des moyens pour répondre aux besoins quotidiens des gens doivent se faire simultanément.

Il est optimiste que sous sa direction, Barbuda se sortira de cette situation, et il a insisté sur le développement prévu sous la forme de complexes hôteliers dans 18 mois à deux ans.

“Nous avons besoin de quelque chose qui puisse nous faire gagner de l'argent rapidement”, a déclaré Nibbs. “L'extraction de sable est la seule chose”.

Creuser un trou plus profond Mais le biologiste marin, John Mussington, s'inquiète que Barbuda soit en train de creuser son propre trou pour disparaître de la planète.

“D’où ont-ils l’intention d’obtenir le sable? Ont-ils l'intention de creuser un tel trou pour enfoncer Barbuda?”, a-t-il demandé.

L'extraction de sable sur l’île a commencé en 1976 et au milieu des années 1990, de grands rapports sur l’environnement prévenaient que l'ampleur de l'extraction causait des dégâts irréparables.

“Le problème est [que]… en 2006, les techniciens de la division de l'environnement sont venus à Barbuda et ils étaient tellement choqués et consternés par les dégâts qui étaient en train d’être causés qu'ils ont demandé un arrêt immédiat de l'extraction de sable”, a déclaré Mussington à IPS.

Les techniciens ont indiqué qu’à long terme, l'exploitation minière exposerait Barbuda à plusieurs conséquences des changements climatiques, et ils recommandent que l'île cesse cette activité.

Suite à une décision du gouvernement en 2006, a souligné Mussington, les techniciens ont mené des enquêtes, et 103 hectares ont été alloués pour l'extraction de sable. Mais en un an et demi, les 103 hectares ont été épuisés.

“Le sable était supposé être prélevé suivant certaines directives strictes, mais ces règles n'ont jamais été respectées. La superficie accordée a été épuisée”.

Qualifiant l’extraction de sable à grande échelle de “pratique destructrice et irrationnelle”, Eli Fuller, un écologiste marin, a proposé des moyens de revenus alternatifs pour les gens de Barbuda, notamment la pêche sportive en eau profonde avec des équipements légers.

Fuller a ajouté que le tourisme de croisière pourrait être également une source de revenus. “La plupart des navires visitant certaines des destinations les plus célèbres des Caraïbes jettent l’ancre près de la côte et déposent leurs clients sur de petits quais sur la côte”, a-t-il souligné.

“Sans aucun investissement important, cela pourrait se produire à Barbuda presque immédiatement. Un ou deux petits navires par semaine pourraient fournir beaucoup plus d'emplois que ce que fait l'industrie minière entière à Barbuda”, a ajouté Fuller.