ENERGIE: Le plan Obama d’électrifier l’Afrique offre un "nouveau modèle" d’aide

WASHINGTON, 2 juil (IPS) – Au cours d'un voyage de huit jours en Afrique, le président Barack Obama a dévoilé un plan ambitieux visant à améliorer l'accès à l'électricité à travers le continent, une décision qui, selon la Maison Blanche, est destinée à sortir l'Afrique subsaharienne de la pauvreté et à aider la région à développer une classe moyenne stable.

Bien que l'initiative puisse paraître comme une augmentation généreuse de l'aide du gouvernement américain au continent, des analystes estiment que c'est peut-être plus remarquable comme un changement dans le paradigme de la façon dont les Etats-Unis assistent les pays en développement.

Ce plan, baptisé 'Africa Power', visera à doubler l'accès à l'électricité dans la région, où environ 85 pour cent de la population rurale continue de manquer d’accéder à l’énergie. L'espoir est que le fait d'accroître largement cette infrastructure renforcera à son tour les économies africaines.

“L'initiative vise à répondre à une grande question importante”, a déclaré à IPS, John Campbell, membre principal pour des études sur les politiques de l'Afrique au Conseil des relations étrangères, un groupe de réflexion basé à Washington. “L'absence d'énergie électrique, entre autres, fait qu’il est difficile d'installer le type d’industrie manufacturière qui génère des emplois”.

'Africa Power' a été annoncé lors d'un discours prononcé par le président Obama à l'Université du Cap, en Afrique du Sud. Le président, qui a été critiqué pour ses actions qui ne parviennent pas être à la hauteur de ses discours impressionnants et pour avoir largement ignoré l'Afrique au cours de son premier mandat, a appelé les Etats-Unis à “jouer [leur] partition quand il s'agit de l'Afrique”.

Obama a fait référence à l'expérience de Nelson Mandela en captivité comme analogue à la souffrance continue de l'Afrique avec la pauvreté et le sous-développement.

“Tout comme la liberté ne peut exister alors que des gens sont emprisonnés pour leurs opinions politiques”, a-t-il souligné, “une véritable opportunité ne peut exister alors que des gens sont emprisonnés par la maladie, ou la faim, ou l'obscurité”.

Le président a également affirmé que l'aide au développement pour la région serait dans les intérêts personnels des Etats-Unis, indiquant qu'une classe moyenne élargie dans la région se traduirait par “un marché énorme pour les produits [américains]”.

L’aide comme une assurance Etablir des sources fiables d'électricité, estime l'administration Obama, sera un élément important de l'effort visant à soutenir cette classe moyenne.

Une estimation approuvée par l'administration indique qu’il faudrait environ 300 milliards de dollars pour assurer à tous les Africains du sud du Sahara un accès à l'électricité d'ici à 2030. Avec 'Africa Power', les Etats-Unis garantissent que la région recevra sept milliards de dollars au cours des cinq prochaines années.

Cette somme sera répartie entre six pays (le Kenya, l'Ethiopie, le Ghana, le Libéria, la Tanzanie et le Nigeria). Elle sera utilisée pour exploiter les grands gisements de pétrole et de gaz nouvellement découverts dans la région, ainsi que son potentiel pour développer des énergies renouvelables à partir de sources géothermiques, hydroélectriques, éoliennes et solaires.

Mais, comme le souligne Campbell, la façon dont les Etats-Unis mobiliseront les sept milliards de dollars représente un changement dans la manière dont ils fournissent l'aide à l'Afrique, se concentrant plus sur le commerce et les investissements privés que sur l'aide directe du gouvernement.

“L'ancien modèle aurait été une agence d'aide gouvernementale qui donne l'argent du contribuable américain pour financer des projets de développement”, indique-t-il. “Ici, nous aurons le gouvernement qui nouera des partenariats avec des sources de financement privées en offrant des garanties contre les pertes”.

Essentiellement, explique Campbell, les Etats-Unis mobiliseront de l'argent et du matériel à hauteur de sept milliards de dollars auprès des investisseurs privés, qui fourniront ensuite une grande partie de tout cela en exportant des produits manufacturés destinés à améliorer les infrastructures en Afrique. Ces investisseurs seront protégés contre les pertes par des garanties auprès de Washington, qui joueront un rôle similaire à celles d'un fournisseur d'assurance.

Cinq milliards de dollars d’aide seront fournis par la Banque Export-Import (Ex-Im) des Etats-Unis aux exportateurs américains, tandis qu’un autre montant de 1,5 milliard de dollars de financement et d'assurance proviendra de la Société de promotion des investissements privés à l’étranger (OPIC) appartenant au gouvernement.

Seule une petite partie des sept milliards de dollars viendra sous forme d'aide gouvernementale. Un milliard de dollars proviendront de 'Millenium Challenge Corporation' (MCC), financé par le public, tandis que le bras principal de l'aide étrangère du pays, l'Agence américaine pour le développement international (USAID), fournira seulement 285 millions de dollars.

“Au bout du rouleau, si tout marche bien, le gouvernement américain se fera de l'argent en réalité”, affirme Campbell.

Il note également que le nouveau modèle signifiera des bénéfices assurés et de nouveaux emplois pour les fabricants américains chargés de l'exportation des produits nécessaires.

Campbell est toutefois préoccupé que le nouveau plan pourrait ne pas atteindre ses objectifs sans un financement supplémentaire du gouvernement américain. Mais étant donné la prévalence d'une attitude soucieuse du budget au Congrès américain, il estime que ce financement pourrait être impossible à obtenir.

La question de la Chine Certains ont spéculé que ce remaniement de l'aide à l'Afrique vient comme une réponse au mouvement chinois sur le continent. La Chine a, au cours de ces dernières années, investi de grandes quantités de ses fonds de réserve dans le renforcement des infrastructures en Afrique, faisant ainsi des percées pour des relations commerciales et politiques futures.

Toutefois, Campbell estime que cette spéculation reflète une mentalité dépassée de l’ère de la Guerre Froide et constitue une interprétation erronée de ce qui motive les Etats-Unis. Il souligne qu’Obama a salué dimanche les investissements faits en Afrique par des Etats autres que les Etats-Unis – y compris la Chine.

“Des gouvernements et des entreprises de par le monde”, a déclaré Obama, “observent le continent, et ils prennent des décisions eux-mêmes pour savoir là où investir [et] cela est une bonne chose. Nous voulons que tous les pays – la Chine, l'Inde, le Brésil, la Turquie, l'Europe, l'Amérique – nous voulons que tout le monde prête attention à ce qui se passe ici, parce que cela interpelle vos progrès”.