Q&R: Générer une gouvernance mondiale pour éradiquer la faim

ADDIS-ABEBA, 3 juil (IPS) – L'Afrique subsaharienne peut abriter six des 10 économies à croissance plus rapide au monde, mais elle renferme aussi la majorité des pays qui souffrent d'une crise alimentaire.

En effet, sur les 20 pays qui souffrent de pénuries alimentaires prolongées dans le monde, 17 sont en Afrique, selon José Graziano da Silva, directeur général de la FAO.

L'engagement à faire du développement agricole et de l'éradication de la faim le centre de l’économie croissante de l'Afrique a atteint un nouveau consensus lorsque des dirigeants africains et internationaux ainsi que des acteurs importants se sont réunis au siège de l'Union africaine à Addis-Abeba, du 30 juin au 1 juillet. Lors du sommet, les dirigeants ont décidé de renouveler leur partenariat et leur engagement à la “Faim zéro” en Afrique d'ici à 2025.

Da Silva a aidé au lancement et à la mise en œuvre du programme 'Fome Zero' (Faim zéro) dans son Brésil natal, qui a priorisé l’investissement dans les fermiers pauvres à travers des filets de protection sociale, et a sorti 28 millions de Brésiliens de la pauvreté.

Dans cette interview accordée à IPS, Da Silva déclare qu'il est confiant que l'Objectif du millénaire pour le développement (OMD) de réduire de moitié le nombre de personnes souffrant de la faim dans les pays africains d'ici à 2015 peut être atteint et que le but n'est pas trop ambitieux. Les huit OMD, adoptés par tous les Etats membres de l'ONU en 2000, visent à réduire la pauvreté, les maladies et l'inégalité entre les sexes.

Il croit que l'Afrique est en train d’entrer dans une nouvelle ère avec un investissement plus grand dans l'agriculture, et qu’une coordination plus forte entre les gouvernements, les organisations de la société civile (OSC) et le secteur privé rendrait réaliste l'objectif de la faim zéro en Afrique d’ici à 2025. Voici quelques extraits de l’interview.

Q: L’objectif d'éradiquer la faim en Afrique d'ici à 2025 est-il vraiment réalisable? Et comment procède ce plan de campagne pour atteindre cet but? R: Nous avons prouvé qu'il était possible d'atteindre le premier OMD de réduire de moitié la faim d'ici à 2015. Onze pays ont déjà atteint cet objectif avant le délai… et plusieurs autres pays sont sur une bonne voie pour atteindre cet objectif en Afrique. Nous croyons que si les dirigeants africains se réunissent avec la société civile et le secteur privé pour atteindre le même objectif d'éradiquer la faim – nous pouvons le faire d’ici à 2025.

Pourquoi suis-je optimiste au sujet de cet objectif? Parce que, premièrement, l'Afrique est sur un élan très spécial, c'est la région ayant le deuxième plus haut niveau de croissance économique au monde; elle a aussi les ressources disponibles.

En outre, le développement agricole commence juste à être priorisé en Afrique. Nous avons sur le continent des millions d'agriculteurs familiaux qui travaillent au niveau de la subsistance. Si nous pouvons les convaincre d'augmenter leur production et d’adopter de nouvelles technologies qui sont déjà disponibles, alors ce sera plus que suffisant pour éradiquer la faim dans la région.

Q: Seulement 11 sur 38 pays africains ont déjà atteint l'OMD de réduire de moitié la faim d'ici à 2015. Comme il reste seulement deux années pour atteindre ce but, cet objectif a-t-il été irréaliste? Et pourquoi pensez-vous que l'objectif de la Faim zéro n’est pas trop ambitieux? R: Nous devons nous rappeler que lorsque nous commençons à marcher, les premiers kilomètres sont toujours très difficiles. Il faut un certain temps pour s'habituer et se familiariser avec les différents facteurs impliqués dans cette transition et également pour comprendre ce qui est disponible comme appui. Nous avons tout en place – nous travaillons à coordonner les gouvernements, les OSC et le secteur privé afin qu'ils puissent travailler ensemble dans la solidarité.

Je pense que nous avons encore du temps pour atteindre l'OMD de réduire de moitié la faim en Afrique d'ici à 2015. Il nous reste 920 jours à partir de maintenant, ce n'est pas une courte période de temps. Les gens affamés n'ont pas beaucoup de temps non plus – ils ne peuvent pas attendre. Ce qui importe, c'est que les gouvernements africains ont le message – ils savent ce qu’est l'objectif et ils savent comment atteindre cet objectif. Nous ne sommes pas en train d’envoyer un homme sur la lune. Ce n'est pas compliqué. Des mesures simples comme le renforcement des pratiques qui sont déjà mises en œuvre dans beaucoup de pays africains iront très loin.

Q: Etes-vous confiant qu'il y a la volonté politique et sociale des gouvernements africains pour éradiquer la faim? R: C'est exactement le but de ce sommet. C'est une occasion décisive pour les dirigeants africains de démontrer, sans tarder, à leurs voisins qu’il existe la volonté d'éliminer la faim, qu’elle est en cours et que c’est maintenant plus que jamais le moment de travailler ensemble.