COLOMBIE: Construire des plages contre la mer

CARTAGENA, Colombie, 18 mars (IPS) – Le gouvernement de cette ville historique fortifiée, un bastion du tourisme sur la côte caraïbe de la Colombie, élargit les plages et construit des routes à quatre voies sur sa partie nord pour se protéger contre les impacts du changement climatique, qui ne cessent de s'aggraver.

Les projets de construction près de l'aéroport international Rafael Núñez ont débuté en août 2010 et devraient être achevés d’ici à 2014, mais ils suscitent déjà des plaintes parmi les pêcheurs artisanaux dans la région, qui les perçoivent comme une menace pour leur moyen de subsistance.

Les projets comprennent l'élargissement de la Santander Avenue, afin d'améliorer la mobilité, créer une piste cyclable et d’aider à la protection de la côte, selon un document ouvert publié par le gouvernement local de Cartagena de Indias en décembre 2009.

L'élargissement de la route et de la plage aura “de minimes effets (environnementaux), selon les conclusions de plus de 100 professionnels de différentes disciplines, dont des biologistes marins”, a expliqué à IPS, l’ingénieur Jaime Silva, coordinateur général des travaux de construction de l'infrastructure réalisés par l'entreprise privée 'Consorcio Vía Al Mar'.

La route à quatre voies s'étend déjà sur sept kilomètres à l’extérieur de la ville de Cartagena de Indias, du nom de Cartagena en Espagne, et abrite un million de personnes. Elle part du quartier de Crespo voisin, où il y a un tunnel long de 600 mètres, avec 400 autres mètres pour les rampes d'entrée et de sortie.

Cartagena a près de 49 kilomètres de côtes sur la mer des Caraïbes. Pour lutter contre l'érosion, ses plages doivent être élargies de 60 mètres et protégées par un mur de pierres sur une distance de 2,3 kilomètres. Par ailleurs, neuf nouvelles digues seront créées le long de cette bande côtière adjacente aux Santander et Primera de Bocagrande Avenues.

“Dans des villes côtières comme la nôtre, lorsque le sable a été érodé et que le matériel doit être dragué à partir de la mer, une autorisation est requise auprès des organismes publics” au niveau national, a indiqué à IPS, Francisco Castillo, un biologiste marin et conseiller au secrétariat de la planification de Cartagena de Indias.

Ces permis autorisent le dragage du lit de la mer, et le transport du sable depuis des dunes situées à plusieurs kilomètres de l’intérieur, à utiliser pour élargir la plage.

Ce projet fait partie d'un plan baptisé “Intégrer l'adaptation au changement climatique dans l’urbanisme à Cartagena de Indias”, qui vise à contrer les problèmes tels que la montée progressive du niveau de la mer, les précipitations plus intenses, de fréquentes houles, les inondations et autres altérations climatiques qui ont été enregistrées jusqu'à présent au cours du siècle.

“Les permis sont basés sur des études techniques des dunes, et des études bathymétriques pour mesurer les profondeurs du lit de la mer. C'est un peu comme contracter un prêt auprès du lit de la mer, pour mettre du sable sur le littoral, et créer une couche de protection souple qui garantit la largeur de la plage”, a expliqué Castillo.

Les pêcheurs n'ont pas besoin d'études ou de rapports spéciaux pour savoir que le projet les touche. Ils le savent à partir de leur expérience quotidienne de pratiquer la pêche pour vivre.

“Les travaux de construction nous nuisent, parce qu’auparavant nous avions des plages. L'eau avait l’habitude de venir jusqu'ici”, a souligné à IPS, Pedro Pineda, un pêcheur, indiquant une ligne aujourd'hui couverte de sable et de machines lourdes, au bord d'une vieille digue.

Mais les digues ont perdu la force et l’utilité au fil des ans à cause du “manque d'entretien”, et doivent être remplacées, a ajouté Castillo.

Eduardo Jiménez, qui a passé 40 de ses 50 ans à être un pêcheur, a également affirmé que “les travaux nous affectent, parce que imaginez juste, même avec les digues actuelles, quand il y a une houle, nous ne pouvons pas pêcher. Et les houles surviennent à tout moment”.

“Nous savions qu'ils allaient effectuer des travaux d'ingénierie, mais ils ne nous ont pas consultés au préalable. Dernièrement, ils nous ont parlé de La Boquilla (un village voisin) où je vis, mais les gens ne sont pas contents. En tout cas, maintenant, nous sommes obligés d’aller plus loin pour pêcher”, a déclaré Jiménez.

De nos jours, “sur une bonne journée”, il gagne l'équivalent de 10 dollars, a-t-il indiqué.

“Les pêcheurs et les vendeurs à la plage, ainsi que tous les habitants de la région, ont été informés de manière efficace et opportune”, a affirmé Silva, un ingénieur.

“Nous demeurons disposés à répondre à toute question de n’importe quelle personne”, a-t-il dit, soulignant que 'Consorcio Vía Al Mar' embauche des agents de construction, des équipes de nettoyage et des agents de sécurité parmi les pêcheurs et ceux qui avaient l'habitude de travailler en faisant des massages ou en vendant des produits sur la plage.

Mais “parfois, le travail est très dur, ou ennuyeux pour nous qui sommes habitués à la mer et à l’air libre. Bon nombre de ceux qui ont été embauchés au début ont déjà quitté”, a déclaré Pineda.

Silva, pour sa part, a souligné que les pêcheurs et d’autres populations locales recevaient des emplois stables jusqu'à l’achèvement des travaux.

Il a également dit que le projet a répondu positivement aux propositions des travailleurs, y compris les ouvriers informels, les habitants et les commerçants, et que la région est l'une des zones à croissance économique plus forte à Cartagena au cours de la dernière décennie.