LIBYE: D’autres victimes dans le pays

BANI WALID, Libye, 2 nov (IPS) – Suleyman et Rasool sont venus à l'Université de Bani Walid, dans l'ouest de la Libye. S'ils sont chanceux, ils pourraient trouver quelques notes de chimie et, peut-être, un ordinateur qui fonctionne. Malheureusement, c’est peu probable, puisque l'OTAN a réduit le campus en décombres.

Saif al-Islam – fils et héritier apparent de Mouammar Kadhafi – avait trouvé refuge à Bani Walid, une ville de 80.000 habitants située à 150 kilomètres au sud de Tripoli, la capitale. Cette ville et Syrte, ville natale de Kadhafi, étaient les deux derniers bastions du régime qui a dirigé la Libye pendant les quatre dernières décennies.

“Pourquoi l'OTAN (Organisation du traité Atlantique Nord) bombarde-t-elle ce lieu?”, se plaint Suleyman au milieu des tonnes de métal tordu, de débris et de papiers éparpillés par le vent.

Il n'y a pas un signe quelconque d'une récente présence militaire ici: pas d’uniformes ou d’obus de mortier, pas même les étuis de balle qui parsèment les rues détruites de Bani Walid.

“Il y avait une rumeur selon laquelle Musa Ibrahim – ancien porte-parole de Kadhafi – dormait ici; sans doute, c'est pourquoi ils ont bombardé (ici)”, affirme Rasool, debout à côté d'un énorme cratère laissé par un missile de l'OTAN.

Les nouveaux sièges rouges dans l'amphithéâtre sont parmi les rares choses qui peuvent être récupérées. Un groupe de rebelles les empile à l’arrière de leurs camionnettes pickups.

“Nous les emmenons vers un lieu sûr; il y a eu beaucoup de pillages ici, vous savez?”, indique Omar Rahman, l'un des chauffeurs.

Mais il était déjà trop tard pour la salle informatique dans le bâtiment annexe. Là, deux rangées de tables d’ordinateur intactes, mais vides, suggéraient qu'un nouveau cybercafé pourrait ouvrir ses portes quelque part en Libye dans les quelques jours à venir.

L'image est tout aussi sombre le long de la longue avenue du bazar. Un seul magasin a dressé sa banne. Le commerçant, Rafiq, ne voulait pas parler. Les mannequins noircis qu’il retirait de l'intérieur de sa boutique parlaient d'eux-mêmes.

“Brigade de Zawiya”, “les garçons de Misrata”, “Geryan pour toujours” se lisaient le long de la ruelle – juste quelques-uns des graffitis laissés par les plus de 40 bataillons rebelles qui ont finalement pris Bani Walid, le 17 octobre, appuyés par les frappes aériennes de l'OTAN.

La plupart des slogans sur les murs se ressemblaient, mais il y en avait un qui était répété dans toute la ville: “les Warfalas sont des chiens”. Bani Walid est la seule localité “mono-tribale” dans tout le pays. Tout le monde ici appartient au clan warfala, le plus grand en Libye, composé de plus d'un million de personnes sur une population totale de 6,4 millions d’habitants. Avec les Qaddadfa, ils étaient les plus loyaux au dirigeant déchu de la Libye.

Peu de maisons intactes Il est presque impossible de trouver une maison qui n'ait pas été brûlée ou pillée à Bani Walid. Dans le district de Bahra, dans le sud, un projectile a ouvert un trou de la taille d'une fenêtre dans l'appartement de Bubakhar Shaman. Les fenêtres sont brisées et leurs stores ont disparu avec les rideaux, la télévision et les radiateurs.

“Ils ont pillé toutes les maisons”, se plaint cet ancien technicien de l’aviation, 51 ans, dans la cour, où il y avait une montagne de vêtements et d'objets que personne ne voulait. Shaman a ramassé une petite boîte à bijoux vide. “Je me demande qui est en train de porter ces bagues et boucles d'oreilles maintenant”.

Il était encore plus facile d’entrer par effraction dans la maison de Khaled Abdullah. Ce chauffeur de camion de 24 ans était sur le point de se marier, et le couple devait ensuite intégrer le premier étage de sa maison familiale. Mais tous leurs rêves ont été réduits à néant à travers le vilain trou dans le mur.

“J'ai quitté Bani Walid le 14 octobre, trois jours avant l'entrée des rebelles dans la ville. Ma maison était intacte”, explique Abdullah, qui loue aujourd’hui un appartement.

Les histoires sont atrocement similaires dans toute la ville. Athila Athman Abdallah, 65 ans, a perdu deux des camions qu’il avait tenté de protéger en les amenant à la périphérie de la ville. Quelqu'un les a incendiés. Néanmoins, Abdallah sourit aujourd'hui pour la première fois depuis des mois lorsque son fils a ramené sa voiture.

“C'était à Geryan, au sud-ouest de Tripoli. On nous a dit qu'ils l'avaient repérée alors nous sommes allés là-bas pour la chercher”, explique Abdallah depuis le seuil de sa maison. “Allah u akbar” – Dieu est grand – indique un graffiti à côté de lui. Qu'ils l’aient peinte avant ou après avoir pris ses lampes, rideaux et sa télévision, cela n'est pas nécessaire à ce stade.

Abdallah affirme qu'il restera. Mais selon des sources locales, plus de 100.000 civils ont fui les anciens bastions Kadhafi de Syrte et de Bani Walid depuis le début de la guerre en février. Cependant, le nombre de ceux qui cherchent refuge dans des camps pourrait être bien plus élevé, puisqu’il ne s'agit que du nombre de ceux qui se sont enregistrés.