GHANA: La stigmatisation bloque les efforts de prévention du cancer du sein

ACCRA, 3 nov (IPS) – Mary Mingle pensait qu'elle avait un furoncle sur son sein, alors elle a acheté des médicaments et a essayé de le traiter à la maison. Deux mois plus tard, gênée par une douleur persistante, elle est allée voir un médecin.

Il y avait onze grumeaux dans ses seins. Elle avait le cancer au stade primaire, et ses seins, ainsi que son utérus, devaient être enlevés.

“Le médecin m'a encouragée”, déclare-t-elle. “Plus tôt on me les enlève, mieux cela vaudra. Sinon, je perdrais ma vie”.

Aujourd’hui, des années après avoir subi une opération chirurgicale, seulement cinq personnes dans sa vie personnelle sont informées de sa double mastectomie: ses trois enfants, sa sœur et son mari. Elle garde son secret depuis environ 20 ans, le cachant à sa famille élargie avec un soutien-gorge à bonnets renforcés parce qu’elle a peur d’être stigmatisée. Elle le cache aussi à son église, pour la même raison.

“Je ne veux pas qu’ils sachent”, dit-elle, en chuchotant.

Des responsables de la santé au Ghana affirment que le cancer du sein est un problème croissant aggravé par des médecins généralistes non formés, un manque d'équipement, et des croyances culturelles insalubres, parfois fatales.

Historiquement, le cancer du sein a bénéficié de peu d'attention dans ce pays d’Afrique de l’ouest. Les institutions et donateurs internationaux se sont concentrés sur des maladies transmissibles comme le paludisme et le VIH/SIDA, malgré le fait que, selon le 'Ghana Health Services' (Agence chargée des politiques nationales de santé du Ghana – GHS), les maladies non transmissibles soient les principales causes de décès.

“C'est seulement maintenant que l'attention est en train d’être mise sur cela (le cancer du sein)”, indique Dr Kofi Nyarko, chef du programme de lutte contre le cancer dans la GHS.

Il n'existe pas encore de statistiques consistantes. A Accra, la capitale, le 'Korle Bu Teaching Hospital' (Centre hospitalier et universitaire Korle Bu), l'un des deux centres de traitement complet du cancer dans le pays, est en train de développer un registre interne des cas. A Kumasi, la deuxième plus grande ville du pays, dans la Région Ashanti, le 'Komfo Anokye Teaching Hospital' (Centre hospitalier et universitaire Komfo Anokye) travaille également sur une base de données.

Selon Dr Verne Vanderpuye, une spécialiste de l’oncologie clinique à Korle Bu, l'hôpital reçoit environ 3.000 références de cancer du sein par an.

“Le principal problème est que les gens ne viennent pas tôt”, souligne-t-elle. “Dans un cas non traité, lorsqu’il a dépassé le sein, la durée de vie moyenne se situe entre un an et demi et deux ans. Il ira du sein, aux lymphes, aux poumons, au foie, aux os, et au cerveau”.

Nyarko affirme que les hôpitaux ont recueilli assez d’informations afin que les responsables sachent que le cancer du sein devient fréquent, et que ses victimes sont de plus en plus jeunes.

“Ce n’est plus une maladie pour les vieilles personnes”, ajoute-t-il.

Il y a trois ans, un accent sur les maladies non transmissibles a commencé à prendre forme. En 2008, en collaboration avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le ministère de la Santé a créé un 'Cancer Steering Committee' (Comité directeur national de lutte contre le cancer). L'année suivante, Nyarko est devenu le directeur du programme gouvernemental de lutte contre le cancer.

En travaillant avec l'OMS, la GHS a identifié des stratégies rentables de traitement et de détection. L'équipement de radiologie est rare au Ghana – il y a 10 machines de mammographie dans tout le pays, dont six sont dans des institutions privées. Un accent sera donc mis sur les examens cliniques, avec des mammographies pour les suivis. C'est une stratégie qui nécessitera une formation.

“Nous avez besoin de ressources humaines”, indique Nyarko. “Vous avez besoin d'infrastructures. Vous avez besoin de certains équipements. Vous avez besoin de toutes ces choses et de l'argent pour la formation. Le fait que vous soyez un médecin ou un(e) infirmier(ère) ne signifie pas que vous pouvez examiner quelqu'un et déclarer: 'Vous ne souffrez pas (de cancer)'. Vous devez être formé”.

Nyarko espère qu’une stratégie nationale globale sera lancée d'ici à la fin de l'année. En plus de l'augmentation des examens cliniques, le gouvernement souhaite également construire un hôpital de traitement complet à Tamale, la plus grande ville dans la 'Northern Region' (Région septentrionale), relativement peu développée, du Ghana.

Il y a aussi un accent important sur la prévention et la sensibilisation, avec une série d'affiches et de dépliants réalisés en partenariat avec 'Union for International Cancer Control' (Union internationale contre le cancer), une organisation non gouvernementale internationale basée à Genève. Outre la promotion de l'exercice et des régimes alimentaires frais, la campagne vise également à réduire petit à petit l'oppression culturelle faite aux victimes du cancer du sein au Ghana.

“Les gens pensent que le cancer est un appel à la mort, mais nous leur disons que le cancer peut être traité”, déclare Nyarko. “Nous sommes conscients que la sensibilisation est très faible, même parmi l'élite sociale. Nous travaillons donc sur cela”.

Il est fréquent que les victimes soient rejetées par leur mari ou leur famille. Et dans un pays où les femmes font beaucoup de travaux, à la fois autour de la maison et dans les marchés, les maris sont réticents à perdre leurs épouses pour des mois de traitement.

Par ailleurs, la chimiothérapie n'est pas couverte par l'assurance maladie et peut coûter près de 2.000 dollars en deux semaines seulement.

Selon la Banque mondiale, les 24 millions d’habitants du Ghana vivent avec en moyenne 1.283 dollars par an. Le pétrole trouvé dans la 'Western Region' (Région occidentale) du pays devrait aider à pousser la croissance du produit intérieur bruit à 13,4 pour cent en 2011, mais il n'y a aucune garantie que cela influencera le revenu annuel moyen.