Q&R: Concevoir un nouvel ordre de l’aide à Busan

MONTREAL, 31 oct (IPS) – Busan, en Corée du Sud, représente la possibilité d'une révolution de l'aide – un moment dans l'histoire où un cadre d'aide global et inclusif peut être possible, selon Tony Tujan, directeur de 'IBON International', une organisation non gouvernementale de renforcement des capacités.

A la fin de novembre, les acteurs de l'aide internationale se rendront à Busan, pour examiner les engagements pris dans le passé pour une efficacité de l’aide avant d'écrire le prochain chapitre dans la lutte pour une meilleure aide.

Au cours du forum, les délégués évalueront les progrès mondiaux par rapport aux précédents accords d'aide – la Déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide et le Programme d'action d'Accra – avant d’adopter un autre.

La Déclaration de Paris en 2005 a défini des objectifs pour améliorer la qualité de l'aide et son impact sur le développement, mettant en place des systèmes de suivi pour évaluer les progrès et la reddition des comptes. Trois ans plus tard, dans un effort visant à accélérer les progrès réalisés sur la déclaration, le Programme d'Accra a été élaboré dans la capitale ghanéenne. Ce document a proposé une plus grande appropriation nationale du processus de développement, des partenariats plus inclusifs et des impacts mesurables.

C’était un début, mais le document final de Busan doit aller plus loin pour assurer une aide durable, équitable et inclusive, selon Tujan qui co-préside également les plateformes de la société civile 'BetterAid' et 'Reality of Aid' (Meilleure aide et Réalité de l’aide).

Bien que le Fonds monétaire international (FMI) utilise la récession mondiale comme une justification de la poursuite de la conditionnalité, des puissances émergentes, telles que la Chine, l'Inde et le Brésil, impliquées dans la coopération pour le développement Sud-Sud, peuvent ne pas être disposées à permettre la poursuite d'une architecture d'aide dominée par le Nord, prévient-il.

Avec la montée de la coopération Sud-Sud, c'est désormais le moment d’écrire un avenir plus équitable pour l'aide, a déclaré Tujan.

En prélude à cette rencontre de haut niveau, Tujan a parlé à IPS de l'état de l'efficacité de l'aide et de la possibilité d'un nouvel ordre de l’aide à Busan.

Q: Quels sont les trois principales questions dans l’efficacité de l'aide en ce moment? R: La première est que les objectifs de l’efficacité de l'aide doivent être renforcés, ce qui signifie que les gouvernements s’engagent à nouveau à élaborer des politiques et programmes clairs. Une évaluation a montré que les pays en développement ont une meilleure performance dans l’efficacité de l'aide que les donateurs. Ce sont les bailleurs de fonds – qui n'ont pas d’incitations pour mettre en œuvre leurs propres engagements et objectifs – qui ont été très lents et faibles dans leur performance.

Le deuxième problème, c’est la question des résultats basés sur les droits humains. Les donateurs et les gouvernements ont accepté l'efficacité du développement, mais pas le contenu des droits humains. Ils ont redéfini l'efficacité du développement comme un terme générique par rapport aux objectifs de développement, mais ceux-ci ne sont pas interprétés dans le contexte des gens réalisant leurs droits; ils sont interprétés en termes de performance financière et de développement institutionnel.

Nous avons besoin d'un programme de résultats solides, mais cela devrait être fondé sur les droits humains. Il ne s'agit pas autant de savoir comment les programmes sont mis en œuvre; ce qui est plus important est que la mise en œuvre des programmes d'aide aboutisse clairement à la revendication par les pauvres et les marginalisés, ainsi que les gens en général, de leurs droits humains.

La troisième, c’est la question de l'architecture de l'aide. Nous devons aboutir à un nouveau document et à une nouvelle institution qui soient plus équitables, qui accepteront le partage de leadership et n’imposeront pas le leadership des pays développés ou même du G20 (groupe des grandes nations industrialisées et émergentes).

Q: Qu’allez-vous espérer à Busan? L’efficacité de l'aide, telle que (définie par) les engagements de Paris et d'Accra, n'est pas suffisante et ne produira pas de résultats. Busan est un moment important dans l'histoire où… un cadre global pour une coopération au développement est possible. (L’aide) devrait porter sur les donateurs traditionnels et comprendre également les soi-disant “nouveaux bailleurs de fonds”… les pays en développement qui, d'une manière ou d'une autre, sont engagés dans la coopération au développement Sud-Sud. Elle devrait inclure la totalité des acteurs de la société civile et d’autres acteurs privés.

Au cours des deux dernières années, beaucoup de gouvernements cherchent vraiment à savoir les plateformes de la société civile au sujet de leurs programmes de développement, de leurs politiques, programmes d'aide… à cause du processus sur l’efficacité de l'aide. Dans certains pays – Indonésie, Philippines, Sénégal – la société civile n'est pas simplement consultée, (mais) elle a été prise comme membre des organes qui supervisent l'aide.

Q: Comment est-il probable que nous sortions de Busan avec cette nouvelle architecture? R: Dans la forme complète? 50-50… Si elle répondra à la définition générale d'une architecture d'aide équitable, inclusive – cela reste à voir.

Q: Quels sont les défis politiques? R: Politiquement, vous pouvez l'adapter à un seul pays, la Chine – et le G77 (la seule plus grande coalition de pays en développement). Ces pays accepteront-ils un compact de Busan qui est fondé sur la coopération Sud-Sud où la Chine s'engage pour son appui à d'autres pays pour l'efficacité de l'aide? Si nous avons un document final de Busan qui se présente comme tel, il changera radicalement l'avenir de l'OCDE (l'Organisation de coopération et de développement économiques) parce que désormais, nous aurons un nouvel animal qui n'est pas l'OCDE, par lequel l'aide peut être négociée d'une manière plus équitable.

La Chine et le G77 sont conscients que la direction du Comité d'aide au développement (CAD) de l’OCDE est beaucoup basée sur les intérêts politiques et économiques de ces pays. Ils ne subsumeront pas leurs efforts sous ce leadership.

Dans ce cas, c'est un objectif partagé même par le CAD, qui veut que la Chine soit dedans, que tout le monde soit impliqué, et apparemment ils (le CAD) sont conscients des conséquences si cela se produit ou de là où cela conduira.