POLITIQUE-SOUDAN: Un autre pas vers une paix durable

NAIROBI, 28 mai (IPS) – Le Soudan s'est rapproché un petit peu d'un accord de paix final après la signature, par le gouvernement et les rebelles de l'Armée populaire de libération du Soudan, de trois protocoles cruciaux mercredi nuit (26 mai) pour mettre fin à la plus longue guerre d'Afrique.

Le chef de la délégation gouvernementale aux pourparlers de paix, Idris Mohammed Abdel Gadir, et le chef adjoint de l'Armée populaire de libération du Soudan (SPLA), Pagan Amum, étaient sur place pour signer les accords à Naïvasha, non loin de la capitale kényane, Nairobi. Cette ville a abrité les négociations.

Le leader de la SPLA, John Garang, et le vice-président soudanais Ali Osman Taha ont également échangé des documents au milieu des acclamations des deux délégations et d'autres personnes qui ont bravé la nuit glaciale pour être témoins de cette occasion longtemps attendue.

Plus de deux millions de personnes ont été tuées et quatre millions ont été déplacées par la guerre au Sud Soudan, qui a été menée par le gouvernement islamique dans le nord – et des Noirs chrétiens et animistes dans le sud.

Les négociations entre les deux groupes ont commencé en 2002. Toutefois, des points de désaccords sont apparus sur le partage du pouvoir au sein d'un nouveau gouvernement et le contrôle de trois régions disputées dans le centre et l'est du Soudan : Abyei, les Monts Nuba et le Nil bleu du sud.

Les groupes étaient également en désaccord sur la question de savoir si la capitale soudanaise, Khartoum, devrait être ou non placée sous la loi islamique ou charia.

Aux termes de l'accord du 26 mai, les parties formeront un gouvernement d'unité nationale pour une période transitoire de six ans qui déléguera le pouvoir aux Etats dans le pays.

Le Sud Soudan, où le gouvernement combat les rebelles depuis 1983, deviendra autonome pour la période transitoire. A la fin des six années, la région organisera un référendum pour savoir si elle devrait se séparer du reste du Soudan. Garang deviendra président du Sud Soudan – et exercera la fonction de vice-président dans le gouvernement d'unité nationale.

Khartoum et la SPLA sont également tombés d'accord sur la manière dont les régions des Monts Nuba et du Nil bleu du sud devraient être administrées.

Abyei sera administrée par le gouvernement d'unité nationale pendant la période transitoire, et ensuite un référendum sera organisé sur son futur statut.

Le contrôle de cette région s'est révélé être une question particulièrement controversée, puisque Khartoum affirme que la situation géographique d'Abyei la place dans les territoires du nord contrôlés par le gouvernement. La SPLA estime que les habitants d'Abyei sont issus de la tribu Dinka du Sud Soudan, et que la région devrait être considérée comme partie intégrante du sud.

Bien qu'un cessez-le-feu permanent entre les deux groupes n'ait pas encore été acquis, Garang semblait avoir bon espoir qu'une paix durable dans le pays était inévitable.

"En signant les protocoles, nous sommes parvenus au sommet de la dernière colline dans notre ascension vers le summum de la paix. Aujourd'hui, nous avons gravi les dernières collines. Je crois que le reste est un terrain plat", a-t-il remarqué à la cérémonie de signature.

Pour sa part, Taha a noté : "Avec les protocoles, une révolution salutaire a été réalisée pour tout le pays".

Kalonzo Musyoka, ministre kényan des Affaires étrangères, espérait également que les accords auraient des effets bénéfiques pour toute la région – notamment l'Ouganda.

Les rebelles de l'Armée de résistance du seigneur attaqueraient le nord de l'Ouganda depuis 1986 à partir des bases présumées au Sud Soudan avec l'assistance du gouvernement. On espère qu'une paix durable au Soudan amènerait Khartoum à considérer cette assistance présumée comme étant intolérable.

"La paix au Soudan signifie la paix pour la région de l'IGAD (Autorité intergouvernementale sur le développement)", a déclaré Musyoka à ceux qui étaient réunis à la cérémonie de signature. Les pourparlers de paix ont été présidés par l'IGAD, une institution régionale qui comprend l'Erythrée, l'Ethiopie, le Kenya, l'Ouganda, le Soudan, la Somalie et Djibouti.

Selon l'envoyé spécial de l'IGAD aux pourparlers de paix soudanais, Lazaro Sumbeiwyo, un cessez-le-feu final est attendu dans les deux prochains mois.

Les deux parties devraient se retrouver de nouveau dans trois semaines pour discuter de cette question, ainsi que de la manière dont les différents protocoles seront mis en application.

D'autres accords de paix signés par les deux parties incluent le protocole de Machakos de 2002 qui stipulait que la charia ne serait appliquée que dans le Nord Soudan, qui est principalement musulman – mais pas dans le Sud chrétien ou animiste. Les parties ont également convenu de former une armée intégrée qui comprendra un nombre égal de soldats gouvernementaux et rebelles, et de partager la richesse provenant du pétrole et d'autres ressources.

Les accords du 26 mai n'avaient pas été salués par tout le monde. La Force de défense du Sud Soudan (SSDF), un groupe d'opposition, dit qu'elle a été mise sur la touche au cours des négociations.

"L'accord est seulement pour deux personnes, Garang et le gouvernement", a indiqué à IPS, Peter Kueth, un responsable de la SSDF à Nairobi. "Nous ne sommes aucunement associés à l'accord de paix négocié actuellement par la SPLA et le gouvernement et nous ne le reconnaîtrons donc pas".

La SSDF, de même que les Forces démocratiques unies du salut et l'Union du parti africain du Soudan, opèrent sous les auspices du Conseil d'Etat du Sud Soudan, dirigé par Riek Gai. La SSDF serait l'aile militaire du conseil.

Kueth a ajouté : "Nous n'avaliserons pas l'accord de paix proposé et nous rejetterons toutes les tentatives visant à dissoudre ou à désarmer notre parti".

Ces accusations ont été rejetées par Sumbeiwyo. "Ce n'est pas mon problème. Ceux qui disent avoir été exclus sont dans tous les accords auxquels nous avons abouti. Ils devraient lire les accords pour voir là où ils entrent en jeu", a-t-il dit à IPS dans un entretien téléphonique le 27 mai.

La cérémonie de signature a été assombrie par les événements dans la région du Darfour, dans l'ouest du Soudan, où le gouvernement est accusé de mener une campagne d'épuration ethnique contre les Soudanais noirs des groupes ethniques Fur, Masalit et Zaghawa.

Les attaques contre ces populations seraient orchestrées par des milices arabes connues sous le nom de "Janjaweed" (qui signifie "cavaliers"), soutenues par Khartoum.

Près d'un million de personnes auraient été déplacées par la campagne, qui a vu des villages rasés, des cultures brûlées et du bétail volé.

Bien que le conflit du Darfour ait commencé il y a plus d'un an, la préoccupation internationale sur la situation dans l'ouest du Soudan est montée en flèche durant ces dernières semaines. Le conflit a commencé dans le Darfour après que deux groupes rebelles vaguement liés, l'Armée de libération du Soudan et le Mouvement pour la justice et l'égalité, ont conduit des attaques pour protester contre des raids menés par les Janjaweed, entre autres choses. Les responsables soudanais ont rejeté les allégations d'épuration ethnique.

Une délégation de la Conférence des églises de toute l'Afrique (CETA) a également attiré l'attention sur des atrocités présumées des milices arabes dans la région du Haut Nil du Sud Soudan, encore avec le soutien de Khartoum – quelque chose qui peut jeter le doute sur l'engagement du gouvernement envers le processus de paix.

S'adressant aux journalistes à Nairobi la semaine dernière, le président de la CETA, Mvume Dandala, a souligné que des sources œcuméniques dans cette région lui avaient dit que quelque 23.000 villageois dans le Haut Nil avaient vu leurs maisons rasées – et que 150.000 personnes auraient été déplacées par les raids.