La Santé Mentale, un Droit de l’Homme Laissé pour Compte pour les Enfants dans les Situations Fragiles et Humanitaires

Copenhague, 30 août 2022 (IPS) – Se cacher dans des sous-sols pendant les bombardements, fuir leurs maisons, avoir faim, et faire face aux traumatismes dévastateurs et transformateurs de vie de la perte de leurs proches alors que leurs enfances partent en flammes de la guerre. Telles sont les expériences vécues par les enfants et les adolescents touchés par la crise.

“Ils ont également vu des milices, des armées et ont pu être victimes de crimes de guerre, de violations du droit international, de violences sexuelles et de torture. Lorsque vous traversez de telles expériences, sans aucun doute, vous allez souffrir d’une certaine forme de traumatisme”, explique Yasmine Sherif, Directrice Exécutive d’Éducation Sans Délai (ÉSD), le fonds mondial des Nations Unies pour l’éducation dans les urgences et les crises prolongées.

Elle explique à IPS que c’est la réalité pour beaucoup des 222 millions d’enfants touchés par la crise. En première ligne de la violence et de la brutalité extrême et implacable, mais laissés le plus loin derrière dans l’accès à un droit humain le plus critique, les services de santé mentale.

“Il est impératif que la santé mentale de chaque enfant, de chaque adolescent qui vit dans cette crise humanitaire complexe soit préservée et soutenue, et qu’ils bénéficient de prestations psychosociales axées sur leur résilience. Car c’est bien leur résilience qui les a menés jusque-là et leur a permis de survivre”, dit-elle.

Mme Sherif souligne que la reconnaissance et la prise en compte des besoins des élèves et des enseignants en matière de santé mentale et de soutien psychosocial (SMSPS) sont fondamentales pour que les enfants et les adolescents puissent apprendre. S’ils doivent reprendre leurs études, il est essentiel qu’ils bénéficient d’un soutien psychosocial.

“Nous devons nous assurer que les investissements dans l’éducation comportent toujours une forte composante de santé mentale et de soutien psychosocial. ÉSD a intégré la santé mentale et les prestations psychosociales dans tous ses investissements. Il n’y a aucun investissement dans l’un des 44 pays où nous avons investi qui n’a pas une composante de santé mentale et de services psychosociaux”, a déclaré Mme Sherif à IPS.

“Les enfants et les adolescents touchés par la crise reçoivent un soutien psychosocial à travers l’éducation dans laquelle nous avons investi. Il est donc très important que le financement de l’éducation par le biais d’ÉSD augmente considérablement afin que nous puissions fournir des services de santé mentale et un soutien psychosocial encore plus adaptés au contexte.”

S’exprimant dans le cadre de la Conférence nordique sur la SMSPS dans les contextes fragiles et humanitaires, Sherif a décortiqué l’éducation sûre, inclusive et de qualité comme une éducation holistique centrée sur l’enfant, qui comprend, entre autres, l’alimentation en milieu scolaire, les enseignants, l’eau et l’assainissement ainsi que la santé mentale et le soutien psychosocial.

“ÉSD a touché 7 millions d’enfants et d’adolescents en moins de cinq ans, et la SMSPS est au cœur de notre travail avec nos partenaires. Pour avoir un impact sur la SMSPS, nous avons besoin de financements, d’investissements à long terme et d’une collaboration entre les organisations et les disciplines”, a fait remarquer Mme Sherif lors du panel d’ouverture de la conférence.

Plus de 13 800 espaces d’apprentissage proposent désormais des activités de santé mentale et/ou de soutien psychosocial, et le nombre d’enseignants formés aux thèmes de la santé mentale et du soutien psychosocial a doublé en 2021, pour atteindre 54 000.

“Sauver le monde coûte de l’argent. Pour donner une éducation holistique centrée sur la SMSPS, il faut un minimum de 150 dollars par enfant, et nous parlons de 222 millions d’enfants touchés par la crise. Nous avons le plus grand rêve et la plus grande science du monde, mais si nous ne pouvons pas payer pour cela, cela ne se fera pas”, souligne Mme Sherif.

Organisée conjointement par le ministère danois des Affaires Étrangères et la Croix-Rouge danoise, la conférence inaugurale “A Human Right Left Behind : A Nordic Conference on MHPSS in Fragile and Humanitarian Settings” (‘’Un Droit Humain Laissé Pour Compte : Une Conférence Nordique sur la SMSPS dans les Contextes Fragiles et Humanitaires’’) s’est tenue les 29 et 30 août 2022 à Copenhague.

La conférence visait à consolider la Santé Mentale et le Soutien Psychosocial (SMSPS) en tant que préoccupation prioritaire dans toutes les réponses humanitaires et à répondre aux besoins urgents d’accroître l’accès à des SMSPS de qualité.

Reconnaissant le besoin d’approches significatives, collaboratives et solidaires en matière de SMSPS, le Comité Directeur de la conférence comprend le Centre de Soutien Psychosocial de la FICR, la Croix-Rouge danoise, le Programme International de Développement des Enfants en Norvège, MHPSS Collaborative (SMSPS Collaborative), Save the Children (Sauver le Enfants) Danemark et War Child Suède.

La conférence marque le début d’un processus et d’un mouvement de stratégies communes et d’actions collaboratives entre les parties prenantes de la SMSPS à plusieurs niveaux.

Les thèmes de la conférence comprennent la localisation et le renforcement des systèmes de SMSPS, les interventions directes de SMSPS, les SMSPS axées sur les enfants, les jeunes et les soignants, les mécanismes d’intégration/coordination intersectorielle et les approches innovantes.

Les résultats de la conférence comprennent le lancement d’un Réseau Nordique sur la SMSPS, une Feuille de Route Nordique Conjointe 2022-2030 sur la SMSPS dans les Situations Humanitaires et une Déclaration de Copenhague sur la Priorité à Accorder à la SMSPS dans l’Action Humanitaire.

Les estimations les plus récentes d’ÉSD, publiées en juin 2022, montrent que 222 millions d’enfants et d’adolescents en âge scolaire sont pris dans des crises dans le monde, dont 78,2 millions ne sont pas scolarisés. On estime que 65,7 millions de ces enfants non scolarisés, soit 84 %, ont vécu des crises prolongées.

Environ deux tiers d’entre eux, soit 65 %, se trouvent dans dix pays seulement, dont l’Afghanistan, l’Éthiopie, le Mali, le Nigeria, le Pakistan, la République Démocratique du Congo, la Somalie, le Sud-Soudan et le Yémen.

Les difficultés auxquelles ils sont confrontés en raison de la persistance des conflits et des déplacements forcés sont désormais multipliées par les catastrophes d’origine climatique et les effets à long terme de la COVID-19.

Dans ce contexte, Sherif exhorte la communauté internationale à répondre par un programme d’éducation centré sur la guérison des esprits brutalisés des enfants affectés.

La Note d’Orientation Technique sur la Santé Mentale et le Soutien Psychosocial (SMSPS) d’ÉSD dans l’Éducation en Situation d’Urgence et de Crise Prolongée (EiEPC) fournit des conseils pratiques aux bénéficiaires de subventions pour s’assurer que les enfants et les adolescents reçoivent une éducation holistique qui protège et favorise le bien-être des étudiants.

La note d’orientation technique de l’ÉSD sur la SMSPS dans les EiEPC a pour but d’être utilisée comme référence dans les orientations et les normes des partenaires, comme le paquet de services minimum de l’UNICEF/OMS/HCR pour la SMSPS dans l’éducation en situation d’urgence.

Une éducation qui ne tient pas compte des besoins particuliers en matière de santé mentale des enfants et des adolescents dans les contextes fragiles et humanitaires, dit-elle, ne tiendra tout simplement pas la promesse d’une éducation sûre, inclusive et de qualité pour les enfants les plus vulnérables du monde.

Pour tenir la promesse d’une éducation holistique, la Conférence de Haut Niveau sur le Financement d’ÉSD aura lieu à Genève en février 2023. Accueillie par la Suisse et l’organisation Éducation Sans Délai – et co-organisée par l’Allemagne, le Niger, la Norvège et le Soudan du Sud – dans le cadre de la campagne 222 Million de Rêves, la conférence appelle les donateurs gouvernementaux, le secteur privé, les fondations et les particuliers fortunés à passer des engagements aux actes en versant des contributions financières substantielles à ÉSD.

Grâce à ces contributions, les enfants et les adolescents touchés par la crise bénéficieront de services de santé mentale et de services psychosociaux, tels que le conseil, le travail en groupe, le conseil en ligne, la formation des enseignants et d’autres moyens de fournir un soutien en matière de santé mentale.

“Nous lançons un appel à tous les gouvernements, au secteur privé et aux personnes à revenu élevé pour qu’ils fassent des promesses lors de la prochaine conférence afin de nous permettre d’étendre le soutien à la santé mentale et l’éducation au sens large”, conclut Mme Sherif.