Les migrants de retour en Guinée exploitent la force de l’unité

CONAKRY, le 19 mars 2019 (IPS) – Elhadj Mohamed Diallo était un prisonnier en Libye entre octobre et novembre 2017, mais il n’était pas impuissant. Loin de sa Guinée natale, il prit conscience du pouvoir d’un syndicat organisé.

Il a mobilisé d’autres détenus autour de lui pour maintenir l’ordre dans la prison et exiger de meilleures conditions de détention.

Et quand il est finalement rentré chez lui en Afrique de l’Ouest, il a utilisé à nouveau le pouvoir de la voix collective, cette fois pour éviter aux autres d’endurer ce qu’il a vécu en Libye.

De retour en Guinée, Diallo est devenu membre de la campagne de sensibilisation entre pairs de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui vise à sensibiliser la population aux dangers réels de la migration irrégulière. Le projet, connu sous le nom de Migrants as Messengers (MaM), forme des migrants de retour à interviewer et à filmer d’autres migrants de retour. Ils sont également formés à parler en public de leurs propres histoires. Dans le cadre de la campagne, les migrants de retour, qui sont des volontaires, assistent également à des événements communautaires où ils parlent en public de leurs propres histoires et expériences.

L’objectif est de filmer et de présenter des récits authentiques et équilibrés sur leurs expériences de migration et leur réintégration dans leur pays d’origine. Ceux-ci sont partagés sur les réseaux sociaux et relayer par les médias locaux.

Diallo, incarcéré en Libye pour son statut de migrant irrégulier, a compris comment un groupe de personnes ayant une cause commune pouvait devenir une forte influence pour le changement. Il crée donc une association avec une cinquantaine d’autres jeunes migrants rentrés au pays, afin de sensibiliser les gens contre la migration irrégulière.

«Ayant réussi à mobiliser des personnes de différentes nationalités dans une prison, [pensais-je] pourquoi ne pas appeler les migrants d’ici pour créer une association? J’ai contacté ceux avec qui j’étais en prison en Libye. L’OIM nous a appelés pour le projet Migrants comme messagers. Au sortir de la formation, ayant tissé des liens entre nous, nous nous sommes dit que nous allions les maintenir », a-t-il déclaré à IPS.

«Les objectifs sont de sensibiliser les jeunes à renoncer à la migration irrégulière, de mettre en place des projets de réintégration visant à réintégrer en premier lieu les migrants de retour, et d’attirer les migrants potentiels à investir dans nos projets. [Dans le but de leur montrer comment réussir chez eux », a déclaré Diallo.

L’association est encore très jeune mais en plein progrès.

Mariama Bobo Sy, porte-parole de l’OIM en Guinée, a déclaré à IPS: «Le bureau exécutif de l’association, composé de six personnes, a été mis en place après autorisation et l’accord donné le 28 août 2018 par le gouvernorat de Conakry, la capitale. Au moment où nous parlons, ces VFOs formés sont devenus indépendants et ont participé à divers projets de l’OIM axés sur la migration sous tous ses aspects ».

Très motivés, les membres de l’association partagent volontiers leurs expériences dans les quartiers et lieux publics. Ils ont mené des campagnes de sensibilisation dans les universités, par le biais des médias traditionnels et des réseaux sociaux, et ont également rencontré d’autres migrants rentrés au pays pour les aider à raconter leur histoire. Ils prévoient de travailler en partenariat avec des entreprises et d’autres recruteurs afin de promouvoir la réinsertion professionnelle des migrants de retour.

Pour sa part, l’OIM a accepté de payer les frais pour le siège de l’association lors de sa création. Lucas Chandelier, chargé de communication à l’OIM en Guinée, a déclaré à IPS: «Nous les appuyons pour les aider à démarrer, mais l’idée est qu’ils puissent s’autonomiser et trouver leur propre financement. Et le fait qu’ils se soient regroupé en association leur permettra d’obtenir d’autres subventions, autres que celles de l’OIM ».

* Reportage supplémentaire par Issa Sikiti da Silva à Cotonou, au Bénin.