KENYA: Division des opinions sur la faisabilité de l’introduction de l’option B+

NAIROBI, 22 juin (IPS) – Le secteur de la santé du Kenya est confronté à des défis importants, allant d'une pénurie de fournisseurs de soins de santé à une série de grèves des travailleurs. Ces problèmes ont non seulement perturbé les services de santé, mais aussi amené les experts du VIH à être divisés sur l'opportunité d’introduire l'option B+ à l'échelle nationale ou simplement le piloter dans des établissements à volume élevé tels que les principaux hôpitaux de référence.

L’option B+ est la dernière option de traitement recommandée par l'Organisation mondiale de la santé pour les mères séropositives.

Dans les options A et B précédentes, la mère et le bébé recevaient des anti-rétroviraux (ARV) pendant la grossesse et l'allaitement; seules les femmes ayant des taux de CD4 inférieurs à 350 obtenaient des ARV pour la vie. Les CD4 ou cellules auxiliaires, luttent contre les infections dans l'organisme.

L’option B+ consiste à fournir aux femmes une thérapie anti-rétrovirale à vie, quel que soit leur taux de CD4.

Dr John Ong'ech, directeur adjoint de l'Hôpital national Kenyatta, a déclaré à IPS que lorsque la discussion a commencée en 2013 sur l'opportunité de commencer l'option B+ au Kenya, “au niveau de la politique nationale, les gens étaient divisés sur l'opportunité d’introduire totalement l'option B+”.

Actuellement, l'option B+ est seulement disponible dans les deux principaux hôpitaux de référence, Hôpital national Kenyatta (KNH) dans la province de Nairobi, l'Hôpital de référence Moi dans la province de la Vallée du Rift, et dans quelques hôpitaux de missionnaires et de district.

“Il y a ceux qui estimaient que nous devons d'abord corriger les systèmes dans le secteur de la santé”, a indiqué Ong'ech.

“Pour mettre les malades sur l’option B+, vous avez besoins de cliniciens parce qu’il y a des choses à prendre en compte, telles que la toxicité des médicaments, au point d'entrée de traitement, une étape après laquelle les infirmier(ère)s peuvent intervenir”, a-t-il ajouté.

En 2013, près de 20.000 femmes enceintes séropositives ont reçu le traitement anti-rétroviral à vie de l’option B+. Quelque 55.860 autres devraient être enrôlées pour atteindre 100 pour cent de couverture, selon le Programme conjoint des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA).

Crise de ressources humaines Maurice Okoth, un clinicien au Centre de prévention de la transmission de la mère à l’enfant (PTME), dans la province de Nyanza, a expliqué à IPS que l'option B+ n'est pas juste une question de garantir la disponibilité des médicaments.

“Les registres des centres de santé doivent être organisés, ils doivent montrer si les patients sont défaillants et la façon dont ces défaillants peuvent être suivis. Cela est presque impossible pour le moment en raison de manque de personnel. Nous sommes confrontés à une crise de ressources humaines dans le secteur de la santé”, a-t-il souligné.

Le Kenya compte quelque 36.000 infirmier(ère)s dans le secteur public et privé mais a besoin d'au moins 80.000 de plus, selon les statistiques du gouvernement.

Ong'ech est d'accord: “Si vous avez des problèmes d'adhérence entre les malades du VIH que vous traitez déjà, il n'y a plus besoin d’inroduire l'option B+ parce que cela ne fera qu'empirer”.

Le directeur des services médicaux, Dr Simon Mueke, reconnaît que l’interruption des services de santé du fait des grèves des travailleurs a affecté les services de PTME.

En décembre 2011, les médecins sont allés en grève pour exiger plus d'argent pour le secteur de la santé. En mars 2012, les infirmier(ère)s ont organisé deux semaines de grève, et cinq mois plus tard les médecins ont cessé de travailler pendant près de trois semaines. Plus de grèves ont été organisées en 2013. Une grève des médecins et des infirmier(ère)s se profile en 2014 si le gouvernement n'embauche pas plus de personnel de santé.

Sans surprise, la couverture de la PTME a chuté de 20 pour cent en 2011 et 2012, selon l'ONUSIDA.

Le prix et la logistique L'étiquette de prix et la logistique pour introduire l'option B+ à l'échelle nationale constituent des défis supplémentaires.

Onge'ch dit que, bien que les ARV soient généralement disponibles dans tout le Kenya, “le pays a besoin de trouver un moyen rentable de se procurer les médicaments supplémentaires pour l'option B+”.

Dans le traitement anti-rétroviral, le coût réel des médicaments représente moins de 30 pour cent du total. Le nouveau régime à pilule unique à dose fixe coûte environ 180 dollars par malade par an, selon le ministère de la Santé, et devrait coûter encore moins à l'avenir.

“Ce sont les systèmes de soins de santé et la fourniture effective de services qui prennent le reste des 70 à 80 pour cent”, a déclaré Okoth. “Vous avez besoin de plus de services de laboratoire et des tests de charge virale afin de s'assurer qu'elles [les femmes] adhèrent au traitement”.

La distance qui sépare le domicile au centre de santé est un problème. A Kisumu, dans la province de Nyanza, la distance moyenne par rapport à l'installation sanitaire est d'environ 5,8 km alors qu’à Mandera, dans la province du Nord-Est, elle est de 20 km, a expliqué Okoth.

Mais Maya Harper, directrice nationale de l'ONUSIDA au Kenya, a déclaré à IPS que l'option B+ est une mesure rentable: “A long terme, elle réduit le fardeau sur le système de santé et sur les femmes pauvres. Mettre les femmes sous traitement et les retirer quand elles sont enceintes est beaucoup plus coûteux”. Au-delà des problèmes d'infrastructure sanitaires, Dr Dave Muthama, de la Fondation Elizabeth Glaser de lutte contre le SIDa pédiatrique, affirme que la stigmatisation “demeure l'un des obstacles majeurs”.

A KNH, Ong'ech voit tous les jours comment la stigmatisation affecte les malades: certains obtiennent les ARV mais ne les prennent pas tandis que d'autres refusent de venir chercher les médicaments de peur d'être découverts.

La pauvreté est un autre obstacle, a souligné Muthama: “Les mères n’adhèrent pas aux visites de PTME parce que (…) lorsqu’elles sont au centre de santé, elles ratent les activités économiquement lucratives”.

Pour Muthama, l'élimination totale de la transmission du VIH aux bébés exige des structures sociales pour soutenir les mères séropositives.

“La société a besoin de passer par les mêmes quatre étapes que la plupart des personnes déclarées séropositives suivent: le déni, la colère, l'acceptation et l'adaptation”, a-t-il indiqué., a indiqué Ong'ech.