AFRIQUE DU SUD-BRESIL: Le partenariat commercial achoppe

JOHANNESBURG, 24 jan (IPS) – Alors que les cinq membres du groupe BRICS d’économies émergentes – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud – resserrent les rangs et cherchent à étendre leur influence dans le monde, les querelles commerciales inévitables ont commencé.

Une décision prise en décembre 2012 par le ministre sud-africain de l'Industrie et du Commerce, Rob Davies, de poursuivre une hausse générale des tarifs sur les importations de poulet en réponse aux inquiétudes selon lesquelles le Brésil “fait un dumping” du produit, pourrait également toucher l'Argentine, a prévenu un grand expert en commerce à Johannesburg.

Duane Newman, directeur de 'Cova Advisory', un cabinet-conseils basé à Johannesburg, a expliqué que l'Argentine et le Brésil, deux pays qui exportent des quantités importantes de poulet vers l'Afrique du Sud, sont les principaux pays qui n’ont pas d’accords de libre-échange avec Pretoria pour les protéger de la hausse tarifaire prévue.

“Il pourrait y avoir des conséquences imprévues de la décision du ministre Davies de ne pas cibler uniquement le Brésil avec des droits anti-dumping, mais d'augmenter les tarifs douaniers”, a expliqué Newman.

Un rapport révèle un 'dumping' systématique Une enquête sur le commerce de poulet entre les deux pays de 2008 à 2010, menée par la Commission internationale pour l’administration des échanges (ITAC), a confirmé les allégations selon lesquelles le Brésil faisait le dumping des poulets entiers et morceaux de poulet désossés sur le marché sud-africain.

Les conclusions de l'ITAC ont constitué de solides arguments pour que Pretoria applique des droits 'anti-dumping' contre cette nation d’Amérique du sud.

Selon le rapport de l'ITAC, les droits anti-dumping peuvent être imposés quand il y a une différence de prix entre les ventes sur le marché propre d'un producteur et les prix pratiqués sur les exportations, lorsqu’il y a un préjudice important aux producteurs dans le pays importateur et quand il existe un lien de causalité entre les importations et les dommages.

Le rapport a constaté que concernant les poulets entiers, la cassation des prix par le Brésil a causé un préjudice important aux producteurs sud-africains, une perte de la part du marché et une perte de croissance potentielle.

De même pour les morceaux de poulet désossés, le rapport a trouvé des preuves de cassation des prix, de suppression de la capacité des producteurs sud-africains à augmenter leurs prix, et une baisse du volume des ventes, de la production, de la part du marché et de la croissance.

L’enquête a constaté qu’entre 2008 et 2010, les poulets entiers en provenance du Brésil ont représenté 36 à 44 pour cent des importations sud-africaines, tandis que les morceaux désossés ont pris entre 94 pour cent et 97 pour cent du marché des importations d’Afrique du Sud.

Selon François Dubbelman du cabinet-conseils spécialisé en commerce 'F.C Dubbelman & Associates', qui agit en tant que conseiller à la 'South African Poultry Association' (Association des producteurs de volaille en Afrique du Sud), “A ce stade, le Brésil était le plus grand exportateur vers l'Union douanière d'Afrique australe (SACU) de ces produits de volaille, causant de préjudice aux producteurs de la SACU”.

“Ainsi, l'industrie n'a reçu aucune réparation contre le commerce déloyal de la part du Brésil pendant au moins cinq ans – bien que l'ITAC ait constaté qu'il y avait eu du dumping et un préjudice important”, a-t-il ajouté.

La réaction de l’Afrique du Sud En janvier 2012, l'Afrique du Sud avait mis des paiements provisoires situés entre six et 62 pour cent sur les importations de poulet en provenance du Brésil, mais n'avait pas réussi à prendre la mesure suivante d'imposer des droits anti-dumping ciblés sur le Brésil, passant plutôt à une imposition générale de tarifs plus élevés sur toutes les importations de poulet.

Newman a qualifié cette décision de “rare”, ajoutant: “Il sera intéressant de comprendre les raisons détaillées de la décision du ministre puisqu’il semble qu'il est en désaccord avec l'ITAC”.

Newman a noté que l'augmentation des droits généraux sur le poulet pour passer des 27 pour cent actuels jusqu’à 82 pour cent “aura un impact sur toutes les importations de poulet, en dehors (des partenaires commerciaux) avec qui l'Afrique du Sud a conclu un accord commercial préférentiel, comme l'Union européenne (UE), l'Association européenne de libre-échange (AELE) et la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC)”.

Il a dit que les pays qui seraient pris par les augmentations tarifaires, comprennent le Brésil, l'Argentine et certaines nations d’Asie. Il existe des droits anti-dumping contre les importations de poulet en provenance des Etats-Unis vers l’Afrique du Sud.

Certains experts estiment que la décision de Davies est venue en réponse à la plainte déposée par le Brésil en juin 2012 à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) par rapport aux paiements provisoires imposés par l'Afrique du Sud.

Si Davies avait opté pour la conversion de ces paiements provisoires en droits anti-dumping, affirment les experts, le Brésil aurait poursuivi sa contestation à travers l'OMC.

Mais Dubbelman a rejeté cette théorie, estimant que “les pays vont sur une base régulière à l'OMC avec des différends. Le Brésil est connu pour suivre cette voie sur une base régulière, qu’il ait un pied sur lequel tenir ou pas”.

Une explication plus probable, a-t-il indiqué, c’est que la décision de Davies d'épargner le Brésil des droits individuels anti-dumping – annoncée dans une lettre adressée à l'ITAC le 21 décembre – était stratégique, en respectant l’appartenance conjointe des deux pays au BRICS.