ENVIRONNEMENT: L'exploitation illégale de l'or ruine le Nigeria rural

LAGOS, 27 sep (IPS) – Des trous abandonnés par des mineurs illégaux d'or parsèment l'étendue de terre qui a servi autrefois de terres de culture. Avant la ruée vers l'or, les villageois de cette communauté agricole qui s'étend à perte de vue, appelée Igun, produisaient des cultures commerciales comme le cacao, le café et des noix de cola.

Lorsque IPS a visité le village, dans l'ouest du Nigeria, les laveurs de sable aurifère à la batée étaient déjà partis vers d'autres endroits à la recherche de la pierre précieuse.

"Comme vous pouvez le voir, les trous ont été désertés après que les mineurs ont fini de récupérer l'or ici. Ils sont allés plus loin, vers d'autres localités laissant l'exploitation agricole lucrative du village dans un désordre", déclare Kola Olabisi, agissant en qualité de guide pour IPS.

Selon Olabisi, les mineurs illégaux sont pour la plupart des étrangers venus du Niger et du Tchad voisins.

Montrant certains équipements de fouille rouillés abandonnés par la 'Nigerian Gold Mining Company' (NGMC), (Société nigériane d'exploitation de l'or), une filiale de la 'Nigerian Mining Corporation' (Société nigériane d'exploitation minière), Olabisi a expliqué : "Les activités des mineurs illégaux sont devenues beaucoup plus remarquables au cours des sept dernières années lorsque la NGMC s'est retirée et a cessé ses activités d'exploitation minière ici. Avec son départ, les mineurs illégaux ont pris la relève et ont fait des ravages sur toute terre suspectée de contenir un gisement d'or".

Pendant plus de 12 ans qu'a duré son opération dans les mines non loin d'Igun, l'entreprise a creusé des tranchées qui forment maintenant des mares d'eau saumâtre non potable constituant des risques pour la santé des villageois et du bétail.

Les mineurs illégaux ont suivi les traces de la société en creusant des tranchées à la recherche de l'or, créant plus de fosses.

Alors que les mineurs illégaux d'or se font des milliers de dollars à travers leur affaire, les gens du coin reçoivent des clopinettes. Et ils sont continuellement confrontés aux dangers de la dégradation environnementale sur leurs terres arables et à d'autres risques résultant des fosses ouvertes.

"Nous souffrons. Les mineurs illégaux ont retourné nos fermes, ce qui constitue des dangers pour nos vies. Nos cultures ont été détruites à cause de leurs activités. Chaque fois que nous avons essayé de les questionner, ils nous ont montré des documents (des droits d'exploitation) qu'ils disaient avoir obtenus du gouvernement", se plaint Olu Ibikunle, un agriculteur.

"Au lieu d'être une bénédiction, la découverte de l'or est devenue une malédiction pour nous. Nous n'avons plus assez de bonnes terres pour cultiver, tandis que nos eaux douces sont polluées", souligne-t-il.

En conséquence, les femmes et les enfants font maintenant de longues distances à la recherche de l'eau potable.

Une partie du problème semble trouver son origine dans la pauvreté. IPS a appris que les mineurs illégaux paient – ou soudoient certains des agriculteurs pauvres qui ne se doutent de rien pour qu'ils les autorisent à chercher de l'or sur leur terre. Un mineur chanceux, qui tombe sur une grande quantité d'or, pourrait gagner en un instant des millions de nairas puisqu'un gramme d'or rapporte jusqu'à 40.000 nairas (environ 400 dollars) sur le marché.

Femi Adefila, une haute autorité gouvernementale à Oshogbo, la capitale de l'Etat d'Osun, où se trouve Igun, a dit à IPS : "A cause de l'énorme gisement d'or dans la zone, les mineurs illégaux ont saisi l'opportunité pour accomplir leurs actes illégaux".

"Nous avons arrêté récemment trois mineurs illégaux. Ils nous ont dit qu'ils travaillent pour un homme d'affaires, a-t-il laissé entendre. Les trois hommes ont été accusés de sabotage économique", a déclaré Adefila.

Chacun des hommes risque une condamnation à cinq ans d'emprisonnement.

Adamu Hassan, l'un des hommes appréhendés, a déclaré : "Je travaille pour un homme puissant. Nos patrons sont des hommes d'affaires aussi bien du Nigeria que de l'étranger. La plupart d'entre nous font cela comme un moyen de survie. Nous fondons parfois l'or et le vendons aux bijoutiers à Oshogbo", a-t-il ajouté.

Jusqu'ici, les autorités locales ne peuvent rien pour arrêter les mineurs illégaux. Selon les responsables de l'Etat d'Osun, les ressources minières sont du ressort du gouvernement fédéral dans la capitale Abuja, ce qui met les 36 Etats du Nigeria dans l'impossibilité de maîtriser les mineurs.

"Nous sommes impuissants. C'est une honte que certains de ceux qui volent nos ressources à travers l'exploitation illégale et constituent une nuisance pour les populations, ne soient même pas des Nigérians. Mais nous ne pouvons presque rien faire à cause de la politique gouvernementale qui met les ressources naturelles dans la liste exclusive du gouvernement fédéral", déplore un responsable gouvernemental.

La section une et la 221 du décret 34 de 1999 attribuaient la propriété et le contrôle de tous les minerais, y compris le pouvoir d'accorder des licences, de collecter des loyers, des droits, et des redevances, au gouvernement fédéral. Ce pouvoir est exercé à travers le ministère du Développement des Minerais solides, créé pour accroître les exportations non-pétrolières.

Depuis la création du ministère en 1995, des responsables disent que les investisseurs – aussi bien locaux qu'étrangers – ont montré de l'intérêt pour les gisements aurifères du Nigeria qui se retrouvent presque partout dans les régions de l'ouest et du nord-ouest.

Il y a deux semaines, le gouverneur de l'Etat de Kaduna, Ahmed Makarfi, alors qu'il recevait les responsables de la 'National Steel Raw Materials Exploration Agency' (Agence nationale d'exploration des matières premières à base d'acier), a exprimé son inquiétude par rapport aux activités des mineurs illégaux dans son Etat. Il a demandé à l'agence d'aider le gouvernement à enrayer la menace.

Il y a également eu des rapports d'agressions physiques contre des personnes qui ont essayé d'entraver les activités des mineurs illégaux.. Il y a environ deux ans, un chef traditionnel dans l'Etat d'Osun a été attaqué dans son palais par des truands pour avoir osé bloquer leurs activités.

Dans l'Etat de Kogi, au centre du Nigeria, riche en tantale, des investisseurs ont été chassés de certains champs par des mineurs illégaux qui se sentaient menacés.

De pareils incidents de harcèlement ou d'éjection d'investisseurs, ont été également rapportés dans les Etats septentrionaux du Plateau, de Nasarawa et de Jigawa. En 2001, l'Association minière du Nigeria, dirigée par Dabo Zang, avait exhorté le gouvernement nigérian à faire quelque chose par rapport aux mineurs illégaux.

Alors que le gouvernement perd des recettes, et que l'environnement est en train d'être pollué, les mineurs illégaux s'en mettent plein les poches.

Odion Ugbesia, ministre du Développement des Minerais solides, a indiqué, la semaine dernière, que l'exploitation du tantale seul dans un village dans l'Etat du Kwara, dans le centre du pays, rapportait aux mineurs une moyenne de six millions de nairas (environ 60.000 dollars) par semaine.

Ugbesia a annoncé que le gouvernement envisageait de mettre en place des programmes pour l'étude accélérée et ordonnée de l'exploitation des vastes minerais solides en vue de réduire les activités des mineurs illégaux. Son secrétaire permanent, Aboki Zhawa, a dit à la fin que des activités minières informelles seraient formalisées afin de les rendre économiquement viables et peu nuisibles à l'environnement.

"Bien que les mineurs du secteur informel assurent un auto-emploi massif, notamment dans les zones rurales, leurs activités constituaient une dégradation environnementale à cause des fosses abandonnées, des rivières polluées, de la forte exposition des minerais radioactifs et dangereux.

L'exploitation minière informelle est un obstacle au développement ordonné du secteur des minerais solides dans le pays", a déclaré Zhawa.

Il a ajouté que le gouvernement formaliserait l'exploitation minière en révisant la loi actuelle, avec un accent sur la consultation et la discussion interactive avec les communautés minières à propos de la préservation mutuelle des intérêts.

"Formaliser le secteur rapporterait des recettes au gouvernement et assurerait un auto-emploi durable pour au moins 500.000 personnes. Au nombre des autres avantages, figure la réduction de la dégradation environnementale et des problèmes sociaux et sanitaires comme le travail des enfants", a-t-il ajouté.