NAIROBI, 24 juin 2023 (IPS) – Le Soudan du Sud traverse l’une des crises les plus graves au monde aujourd’hui, provoquant la fragilité, l’instabilité et la stagnation économique. Bien qu’un accord de paix ait été conclu en 2018, des violences intercommunautaires sporadiques et des catastrophes d’origine climatique continuent de provoquer des déplacements. Plus de 2,2 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays. En outre, 2,3 millions de personnes ont fui vers les pays voisins en tant que réfugiés.
“Le Soudan du Sud est l’un des pays les plus mal classés en termes d’indice de développement humain. C’est le pays le plus pauvre du monde et il devra rattraper son retard dans tous les objectifs de développement durable, en particulier dans des domaines tels que l’élimination de l’extrême pauvreté, l’amélioration du système éducatif et l’égalité entre les hommes et les femmes. Pourtant, avant COVID-19, 2,8 millions d’enfants et d’adolescents, soit 70 % des enfants en âge d’être scolarisés, n’allaient pas à l’école. Le nombre est maintenant plus proche de 3 millions”, a déclaré Yasmine Sherif, Directrice Exécutive d’ÉSD, à IPS.
Sherif était en mission au Soudan du Sud, où elle a rencontré le Président du Soudan du Sud, Salva Kiir Mayardit, et Awut Deng Acuil, Ministre de l’Enseignement Général et de l’Instruction du Soudan du Sud, afin d’aider à trouver des solutions immédiates à la crise de l’éducation dans un pays où seulement 13 % des enfants passent à l’enseignement secondaire. Pour eux, l’enseignement et le conflit sont les deux faces d’une même pièce. Leur mission commune est de veiller à ce qu’aucun enfant ne soit laissé pour compte, en particulier dans les zones difficiles d’accès telles que Pibor et Abyei.
“Des années de conflit et de déplacements forcés, aggravés par des catastrophes climatiques, ont fait payer un lourd tribut à la prochaine génération du Soudan du Sud. Le moment est venu d’inverser la tendance et d’offrir aux filles et aux garçons les plus vulnérables la protection et l’espoir que seule une éducation de qualité peut offrir. En collaborant avec le gouvernement, les donateurs, la société civile et l’ensemble des Nations Unies, il s’agit du meilleur investissement que nous puissions faire pour l’avenir de ce jeune pays et de toute la région”, a déclaré Mme Sherif lors de sa rencontre avec des représentants du Ministère dans l’État des Lacs.
Au moins 135 000 enfants bénéficieront du Programme Pluriannuel de Résilience de l’initiative ÉSD au Soudan du Sud. Crédit : ÉSD/Jiménez
ÉSD est le fonds mondial des Nations Unies pour l’éducation dans les situations d’urgence et les crises prolongées et a apporté un soutien au Soudan du Sud avec des investissements pluriannuels depuis 2020. Pour faire face à ces crises interconnectées grâce au pouvoir de transformation de l’éducation, le président Kiir et Mme Sherif ont annoncé un financement de 40 millions de dollars américains sous forme de subventions catalytiques lors d’une cérémonie à laquelle ont assisté les principales parties prenantes, notamment le gouverneur de l’État des Lacs, des responsables de l’éducation, des parents et des enfants.
A partir de l’État des Lacs, le fonds a lancé son deuxième et plus important investissement pluriannuel, d’un montant de 75 millions de dollars, et a obtenu les deux tiers de ce montant, soit 50 millions de dollars. L’initiative ÉSD a contribué à hauteur de 40 millions de dollars. Le Partenariat Mondial pour l’Éducation a fourni 10 millions de dollars US supplémentaires pour l’Éducation. En plus de ce nouvel investissement pluriannuel, ÉSD a également annoncé une subvention d’un demi-million de dollars pour la Première Réponse d’Urgence afin de soutenir la réponse immédiate en matière d’éducation aux arrivées de réfugiés et de rapatriés fuyant le Soudan.
“Nous appelons les gouvernements donateurs et le secteur privé à combler le déficit restant d’un tiers, soit l’équivalent de 25 millions de dollars US, pour financer intégralement un programme pluriannuel d’investissement pour l’éducation. Nous disons cinq pour cinq pour financer entièrement l’investissement pluriannuel. Si cinq partenaires donateurs stratégiques et le secteur privé offraient cinq millions de dollars chacun, nous aurions un programme de résilience pluriannuel entièrement financé dans le secteur de l’éducation”, explique-t-elle.
Le financement d’ÉSD au Soudan du Sud s’élève désormais à 72 millions de dollars US, contre 32 millions de dollars US investis à ce jour. Près de 140 000 enfants ont été touchés, plus de 160 salles de classe et espaces d’apprentissage temporaires ont été construits ou réhabilités, et 50 000 enfants ont reçu du matériel pédagogique jusqu’à présent.
Grâce à la réponse étendue sur plusieurs années, les enfants continueront à bénéficier d’une éducation de qualité, sûre et inclusive. Sherif précise que l’accent est mis sur les enfants handicapés, en particulier ceux souffrant de troubles cognitifs, un problème invisible qui n’est souvent pas reconnu au sein des enfants des pays en voie de développement.
Il souligne également que le président et les ministères d’enseignement sont pleinement déterminés à ramener les filles à l’école grâce à des messages progressifs à l’intention de la communauté, des politiques et de la législation. La volonté de maintenir les filles à l’école et hors de portée des mariages d’enfants et des grossesses précoces est inébranlable.
“Le Gouvernement du Soudan du Sud s’est pleinement engagé à faire en sorte que tous les enfants puissent bénéficier d’une éducation de qualité. L’investissement complémentaire d’Éducation Sans Délai offrira des opportunités éducatives vitales à des dizaines de milliers de filles et de garçons touchés par la crise dans tout le pays”, a déclaré le président Salva Kiir Mayardit.
“Pour faire avancer ce travail, nous demandons aux leaders mondiaux d’augmenter le financement envers l’initiative ÉSD et ses partenaires dans le pays. Il s’agit d’un investissement essentiel envers le développement durable, la paix et la prospérité pour le peuple du Soudan du Sud et les enfants touchés par la crise dans le monde entier”.
Plus près de nous, le conflit actuel au Soudan alimente des besoins supplémentaires au Soudan du Sud. Plus de 100 000 personnes ont traversé la frontière ces dernières semaines. Face à des défis multiples et incessants, les possibilités d’un avenir meilleur s’amenuisent à chaque nouvelle difficulté. Si rien n’est fait, une génération entière d’enfants pourrait être privée d’opportunités d’apprentissage et de revenus tout au long de la vie.
“À la lumière de la crise en cours au Soudan, nous allons allouer et annoncer un demi-million de dollars pour aider le gouvernement du Soudan du Sud à fournir une éducation aux nouveaux arrivants et aux rapatriés fuyant le conflit soudanais. Les enfants et les adolescents qui allaient déjà à l’école continueront à le faire sans interruption, bénéficieront de repas scolaires et d’un soutien psychosocial et de santé mentale”, a déclaré Mme Sherif.
Le nouveau financement permettra de prolonger de trois ans le Programme Pluriannuel de Résilience de l’initiative ÉSD au Soudan du Sud. Ce programme triennal sera mis en œuvre par Save the Children, le Conseil Norvégien pour les Réfugiés et la fondation Finn Church Aid, en collaboration avec le Ministère de l’Enseignement Général et de l’Instruction et d’autres partenaires.
Il touchera au moins 135 000 enfants et jeunes touchés par la crise – y compris des réfugiés, des rapatriés et des enfants de la communauté d’accueil – avec des soutiens éducatifs holistiques qui améliorent l’accès à l’école, garantissent un apprentissage de qualité, renforcent l’inclusion des filles et des enfants handicapés, et raffermissent la résilience face aux chocs futurs.
Il est important de noter que le nouveau programme pluriannuel améliorera la réactivité et la résilience grâce à une meilleure prise de décision fondée sur des données probantes, renforcera la coordination et l’engagement significatif avec les acteurs locaux, et augmentera la mobilisation des ressources.
En tant que fonds mondial des Nations Unies pour l’éducation dans les situations d’urgence et les crises prolongées, ÉSD collabore étroitement avec les gouvernements, les donateurs publics et privés, les agences des Nations Unies, les organisations de la société civile et d’autres acteurs de l’aide humanitaire et de l’aide au développement afin d’accroître l’efficacité et de mettre fin aux réponses cloisonnées.
Le CEF et ses partenaires stratégiques évaluent l’impact de la guerre civile au Soudan sur les pays voisins, notamment la République Centrafricaine, le Tchad, l’Éthiopie et le Soudan du Sud, afin de fournir des investissements souples et réactifs qui permettent aux filles et aux garçons touchés par la crise de retrouver la sécurité et la protection d’environnements d’apprentissage de qualité. Le Fonds lance un appel urgent aux donateurs des secteurs public et privé pour qu’ils élargissent leur soutien afin d’atteindre un plus grand nombre d’enfants et de jeunes vulnérables.