Alors qu’une Crise Humanitaire Frappe L’Afghanistan, Éducation Sans Délai Lance un Appel Urgent pour que Tous les Enfants Aient Accès à un Enseignement de Qualité

New York, 5 novembre 2021 (IPS) – Après avoir dirigé une mission historique, la toute première mission entièrement féminine en Afghanistan la semaine dernière, Yasmine Sherif, Directrice de l’organisation Éducation Sans Délai, le fonds mondial des Nations Unies pour l’éducation dans les situations d’urgence et les crises prolongées, affirme que les écoles doivent rouvrir pour tous les enfants et que les filles, en particulier, doivent pouvoir retourner dans les classes des établissements secondaires.

Dans le cadre de sa mission en Afghanistan, Mme Sherif a visité une école de filles à Kaboul et s’est entretenue avec des élèves, des enseignantes et des administrateurs. Elle a également rencontré les autorités éducatives de facto au Ministère de l’Éducation afin de défendre le droit de tous les enfants à une éducation de qualité. La mission d’ÉSD intervient moins d’un mois après qu’ÉSD ait lancé une subvention de 4 millions de dollars US pour la première réponse d’urgence afin de fournir “un apprentissage flexible et de qualité ainsi qu’un soutien psychosocial aux enfants et aux adolescents pris dans l’escalade de la crise”.

“Nous devons agir rapidement. Lorsque vous êtes au milieu d’une urgence humanitaire comme en Afghanistan, où il n’y a pas d’argent en circulation, la famine est un fait très réel et la pauvreté est extrême”, a déclaré Sherif à IPS. “Les écoles doivent continuer à rouvrir et l’éducation doit être soutenue. Pas seulement au niveau de l’école primaire mais aussi dans les écoles secondaires – et les filles doivent retourner dans les écoles secondaires.”

Sherif, une avocate des droits de l’homme, a travaillé en Afghanistan au début des années 1990. Elle a fait partie d’une mission dans le pays après la première prise de pouvoir par les Talibans en 1999 et a visité le pays périodiquement au cours des 20 dernières années. Elle a parlé à IPS de ses observations lors de cette mission inédite à Kaboul il y a quelques jours – la première de ce genre depuis la reprise du pouvoir par les Talibans en août.

Yasmine Sherif, Directrice de l’organisation Éducation Sans Délai, rencontre les autorités de facto chargées de l’éducation en Afghanistan. Crédit : Omid Fazel/ÉSD

“Il y a plus de femmes dans les rues de Kaboul aujourd’hui. J’ai même vu des femmes manifester pour obtenir des soins de santé. J’ai visité une école primaire de filles dont les enseignants et l’administration étaient tous des femmes”, a déclaré Sherif.

“Le directeur de l’école est une femme, le médecin de l’école est une femme, les administrateurs et les enseignants sont des femmes. Il y a des femmes éduquées et fortes qui travaillent, mais elles ne reçoivent pas de salaire, parce qu’il n’y a pas de salaire pour les services de base en raison du gel du financement de l’Afghanistan.”

La Banque mondiale, le Fonds monétaire international et l’Union européenne ne sont que quelques-uns des organismes internationaux qui ont coupé l’accès de l’Afghanistan au financement. Selon la Banque mondiale, le pays dépend des subventions pour plus de 75 % de ses dépenses publiques, avec des dépenses de 411 milliards de dollars US et des recettes publiques de 2,5 milliards de dollars US.

Avec le gel de ces subventions, le pays est au bord de l’effondrement économique.

Mme Sherif lance un appel pour un financement direct par le biais d’agences des Nations Unies comme ÉSD et l’UNICEF, qui disposent de mécanismes éprouvés pour garantir que les fonds sont utilisés pour soutenir les enseignants et les étudiants.

“Les enseignants ne sont pas payés. L’UNICEF dispose d’un processus très solide sur le terrain. Si de l’argent devait être donné aujourd’hui ou demain pour payer tous les salaires des enseignants, l’UNICEF a les capacités en place pour fournir ce financement, même si cela aurait normalement été fait par la Banque mondiale ou d’autres acteurs du développement, mais maintenant nous sommes en crise humanitaire, donc vous ne pouvez pas utiliser les approches habituelles de l’aide au développement”, a déclaré Sherif à IPS.

“Il en va de même pour toutes les agences des Nations Unies comme le Programme Alimentaire Mondial et le HCR, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés. Le financement peut être canalisé à travers eux directement pour mettre en œuvre des programmes d’aide. Rien ne doit, ni ne passera par les autorités de facto”.

La Directrice d’ÉSD fait preuve d’un optimisme prudent à la suite de sa rencontre avec les autorités de facto chargées de l’éducation, auxquelles elle a lancé un appel en faveur du retour à l’enseignement secondaire pour les filles.

La Représentante Adjointe de l’UNICEF, Alice Akunha, et la Cheffe de l’Éducation, Jeannette Vogelaar, accueillent la délégation féminine de l’organisation Éducation Sans Délai en Afghanistan, dirigée par la Directrice Yasmine Sherif et ses collègues, Michelle May et Anouk Desgroseilliers. Crédit : Omid Fazel/ÉSD

“Les écoles primaires ont ouvert pour l’éducation des filles et pour l’éducation secondaire des filles, les autorités de facto nous ont dit qu’elles élaboraient un plan. J’ai insisté sur le fait que les filles n’ont pas de temps à perdre et que les avantages de l’éducation des filles sont cruciaux pour l’avenir du pays”, a-t-elle déclaré.

La Directrice d’ÉSD a félicité les organisations internationales et nationales de la société civile qui travaillent désormais avec des érudits religieux pour négocier la reprise de l’enseignement secondaire au niveau de la base. “En amenant un érudit islamique avec elles, ces ONG ont en fait réussi à établir la confiance. Des établissements secondaires ont donc ouvert dans certaines provinces, quelques-unes dans le nord et d’autres dans le sud. Il est important de rester ferme sur les droits de l’homme et les droits des filles, mais il faut également être capable d’instaurer la confiance”, a-t-elle déclaré.

ÉSD est déjà prêt à intensifier rapidement son soutien et à adapter sa programmation en Afghanistan. De nouveaux défis et un plus grand nombre d’enfants ayant besoin d’aide exigent de pivoter et de réagir rapidement. Selon Mme Sherif, le programme ÉSD a été créé pour des crises de ce type.

“En tant que fonds mondial de l’ONU pour l’éducation dans les situations d’urgence et les crises prolongées, nous sommes agiles, rapides et flexibles. Nous utilisons des décennies de leçons apprises à travers le système des Nations Unies pour répondre aux crises. Les modalités traditionnelles d’aide au développement qui ne sont pas adaptées aux crises ne fonctionneront pas, pas dans cette situation”, a-t-elle déclaré.

Selon Mme Sherif, les agences des Nations Unies et les ONG internationales et locales ont besoin de toute urgence d’un milliard de dollars pour répondre aux besoins urgents en matière d’éducation dans le pays.

“Il s’agit de savoir comment nous pouvons sauver la population afghane d’une catastrophe humanitaire. Comment pouvons-nous garantir que chaque fille et chaque garçon afghan dans le pays puisse aller à l’école primaire et secondaire ? Il s’agit de savoir comment nous pouvons garantir que les enseignants reçoivent leur salaire, afin qu’ils puissent continuer à enseigner. Il s’agit de fournir du matériel d’enseignement et d’apprentissage et des environnements d’apprentissage sûrs. Il s’agit de veiller à ce que les droits des adolescentes à accéder à l’éducation soient respectés. C’est pourquoi il était important pour nous d’effectuer une mission exclusivement féminine en Afghanistan et d’exposer clairement notre position sur l’éducation des filles.”

Mme Sherif espère que cette visite permettra au monde entier d’avoir un aperçu de la vie en Afghanistan et de formuler des recommandations concrètes pour que l’aide internationale soit immédiatement renforcée et investie en faveur d’une éducation de qualité pour les filles et les garçons.

“L’Afghanistan ne peut pas attendre. Les filles d’Afghanistan ne peuvent pas attendre. L’éducation ne peut pas attendre.”