DEVELOPPEMENT: Nous devons penser autrement à la "sécurité"

HAMILTON, Canada, 30 oct (IPS) – Les événements récents dans le monde arabe et ailleurs ont démontré que les notions traditionnelles de sécurité qui dépendant uniquement de l'appareil militaire et des dispositifs connexes sont dépassées.

La sécurité est un domaine à plusieurs facettes qui opère au point de croisement entre le développement humain et la gestion durable des ressources en eau, énergétiques et alimentaires.

“L'eau, l'énergie et le Réveil arabe”, un nouveau livre écrit par une association d'anciens dirigeants du monde, le 'InterAction Council', co-édité et publié par l'Institut universitaire des Nations Unies pour l'eau, l'environnement et la santé, explore les dimensions de la sécurité à partir d’une gamme d’angles et propose quelques conclusions rares.

On a beaucoup écrit ces dernières années sur la sécurité de l'eau comme le pivot crucial sur lequel le développement humain et toute la sécurité s’équilibrent. L'accès aux services modernes de l'énergie et des aliments adéquats, l'eau potable et l'assainissement sont maintenant considérés comme des déterminants importants.

Une indication claire de cette prise de conscience accrue a été fournie par les entreprises et les dirigeants politiques du monde à Davos en 2013, qui ont reconnu l'insécurité de l'eau comme l'un des cinq risques les plus importants au monde.

La production et la consommation de l'énergie sont motivées par l'accès à l'eau potable et génèrent souvent des eaux usées polluantes. A l'inverse, environ huit pour cent de l'énergie produite est utilisée pour le traitement, le pompage et le transport de l'eau potable et des eaux usées.

Et la production alimentaire est intégralement liée à la disponibilité de l'eau – dans la plupart des pays pauvres en eau, plus de 80 pour cent des prélèvements d'eau appuient la production agricole.

Il est également de plus en plus clair que l'utilisation des ressources, notamment l'eau douce, n’est pas en ligne avec la disponibilité. Nulle part cela n’est plus évident que dans la région arabe, où les pays souffrent de la pénurie d'eau, qui s’aggrave avec l’augmentation de la population et les changements climatiques.

Certains grands experts estiment que la crise sécuritaire en Syrie est enracinée dans la gestion inefficace de l'eau et de la sécheresse, des problèmes qui amplifient des conflits politiques, religieux et sociaux de longue date. La confluence de la rareté de l'eau avec les pénuries d'énergie, les montées en flèche des prix des produits alimentaires, le nombre gonflant de jeunes sans emploi, et la faible performance économique régionale a créé une recette dangereuse.

Une nouvelle ouverture sur la sécurité Le nouveau livre soutient que le renversement de cette situation nécessite des modes de consommation réadaptés aux ressources disponibles. Et il minimise l'importance de la puissance militaire comme faisant partie de toute l'équation sécuritaire.

Des améliorations dans le secteur de l'énergie – en utilisant des technologies plus nouvelles et une production plus écologique – peuvent préserver les ressources en eau, améliorer l'accès à l'énergie et booster les marchés de l'énergie. Dans le livre, Majid Al-Moneef du Conseil économique suprême de l'Arabie Saoudite estime que les sociétés nationales d’énergie doivent jouer un rôle accru dans ce réalignement.

En attendant, les hausses des prix des denrées alimentaires entre 2006 et 2008, indique Rabi Mohtar de 'Texas A&M University', peuvent être liées aux prix raides de l'énergie et au détournement des terres agricoles pour la production de cultures de biocarburant. Bien que les facteurs précis des prix mondiaux des denrées alimentaires soient discutables, il est clair que la disponibilité de l'eau et des terres productives, ainsi que le coût de l'énergie sont importants.

Le lien entre l'eau, l'énergie et la sécurité alimentaire exige que l’on repense la gouvernance de ces secteurs. Nous ne pouvons plus nous permettre une gestion isolée, 'en silo'. L'ampleur de ces secteurs et la proportion respective que chacun contribue au PIB national varie très sensiblement d'un pays à l'autre.

Mais le secteur de l'eau paraît presque toujours comme un ministère délégué ou de la bureaucratie dans les gouvernements nationaux, rendant son intégration difficile.

Le livre présente la mer Rouge – le canal de la mer Morte comme un exemple de la réalisation des objectifs énergétiques, alimentaires et de sécurité de l’eau à plusieurs facettes tout en faisant la promotion de la paix régionale. Ce canal, long de 180 km, siphonnera de l'eau à partir de la mer Rouge pour reconstituer la mer Morte en disparition.

Une partie de l'eau sera dessalée pour la consommation, tout en facilitant également la production énergétique et alimentaire. L'ancien Premier ministre jordanien, Dr Majali, note qu’Israël, l'Autorité palestinienne et la Jordanie sont tous des bénéficiaires potentiels.

Le changement climatique comme facteur exacerbant Il reste peu d'argument que les plus grands impacts des changements climatiques sont sur le cycle de l'eau. Et ces changements peuvent être déjà observés en grands nombres – par exemple, dans les inondations extrêmes en Australie, au Pakistan, en Europe occidentale, et au Canada au cours des cinq dernières années. La même chose peut être dite des sécheresses prolongées au Moyen-Orient et en Asie centrale.

'InterAction Council' (IAC) – une association de 40 anciens chefs d'Etat comprenant Bill Clinton (USA), Jean Chrétien (Canada), Vincente Fox Quesada (Mexique), Andrés Pastrana Arango (Colombie), et Gro Harlem Bruntland (Norvège) – note que le Conseil de sécurité des Nations Unies a reconnu les changements climatiques comme un sujet préoccupant.

L’IAC, estime toutefois dans le livre que la sécurité de l'eau devrait être un sujet préoccupant pour le Conseil de sécurité puisque les impacts des changements climatiques se manifestent sous forme de l'insécurité de l'eau.

Rechercher des solutions Comment la communauté internationale répond à ces problèmes à plusieurs facettes est important; des solutions ponctuelles sont clairement inadéquates. La communauté du développement international, souvent dirigée par le système des Nations Unies, a un rôle central évident. De nombreux groupes, notamment le G20, le plus grand, ont également un rôle croissant à jouer pour garantir que ces réponses sont complètes, géographiquement appropriées, et disposent de ressources suffisantes.

La région arabe est vraiment le banc d'essai pour savoir si ces solutions marcheront ou pas. Comme tous les yeux sont tournés vers les récents développements en Syrie et en Irak, il y a un récit plus large qui se rapporte à la résolution des problèmes avant qu'ils ne deviennent hors de contrôle ailleurs dans la région.

Edité par Kitty Stapp Traduit en français par Roland Kocouvi