SOUDAN DU SUD: Ravagé par la guerre, le pays a du mal à contenir le SIDA

JUBA, 17 déc (IPS) – Vêtue d'un kitenge fleuri d'impression africaine et d'un foulard bleu, Sabur Samson, 27 ans, est assise de façon pensive au centre de traitement du VIH de l'Hôpital civil de Maridi dans l'Etat d'Equatoria occidental, au Soudan du Sud.

Aujourd'hui elle a payé 20 livres sud-soudanaises (environ six dollars) pour venir au centre en Bodaboda (moto taxi) et devra lésiner sur la nourriture dans les prochains jours.

Le Soudan du Sud en un clin d’œil Après quatre décennies de guerre incessante, le Soudan du Sud a obtenu son indépendance à l’égard du Soudan du Nord en juillet 2011. Mais la stabilité n’a pas duré longtemps.

Des violences enracinées dans les luttes de pouvoir politique et ethnique ont éclaté en décembre 2013, brisant les rêves de paix pour le plus jeune pays du monde (pop 11,3 millions d’habitants).

Après l'indépendance, le Soudan du Sud a amélioré ses services pour ses quelque 150.000 personnes vivant avec le VIH. Le nouveau conflit a anéanti ces gains, perturbant non seulement les services de santé, mais aussi les systèmes d’eau et d'assainissement, les routiers et les ponts, la sécurité alimentaire et les réseaux communautaires.

Les Nations Unies estiment que 1,9 million de personnes sont nouvellement déplacées. Certaines ont fui vers les pays voisins, tandis que 1,4 million s’entassent dans 130 camps au Soudan du Sud. Parmi ceux-ci, 70 sont si éloignés qu'ils sont inaccessibles aux agences humanitaires, indique une étude publiée l’Alliance de lutte contre le HIV/AIDS.

Le Soudan du Sud a limité ses ressources humaines, sa capacité organisationnelle et technique à faire face au VIH, souligne l'étude.

Les principaux facteurs de l'épidémie de VIH au Soudan du Sud comprennent le fait d’avoir les premiers rapports sexuels dès le bas âge, le faible niveau de connaissance sur le VIH et de l'utilisation du préservatif, le viol et les violences sexuelles basées sur le genre, un taux élevé de maladies sexuellement transmissibles et la stigmatisation.

La prévalence du VIH la plus élevée se trouve dans les trois Etats plus grands d’Equatoria, dans le sud, frontaliers à l'Ouganda et la République démocratique du Congo. Dans l'Equatoria occidental, où vivent Samson et Mongo, la prévalence du VIH est de sept pour cent, plus du double du taux national.

Elle aura faim et peu de gens l'aideront dans le village, même si elle est aveugle et une mère célibataire avec deux enfants.

“Beaucoup de gens craignent de se rapprocher parce qu’ils craignent de contracter le VIH”, a-t-elle dit à IPS.

Assis à côté d'elle, Khamis Mongo, 32 ans, vit avec le VIH depuis maintenant cinq ans et a subi un rejet similaire. “Certaines personnes ne veulent pas manger dans le même plat avec moi”, indique-t-il.

Mongo et Samson sont parmi près de 1.000 personnes séropositives qui reçoivent des soins dans ce centre, dont 250 sont sous traitement antirétroviral (TAR). Ils ont de la chance: au Soudan du Sud, seulement une personne sur 10 dans le besoin du TAR l’obtient.

Le centre de santé accueille des patients venant de zones situées à 100 kilomètres.

“Alors, beaucoup de malades meurent parce qu'ils ne peuvent supporter le transport pour venir chercher leurs médicaments ici”, a déclaré à IPS, Suzie Luka, un agent du centre de santé.

Un aller simple, un voyage sur 80 km en moto taxi d’Ibba à Maridi coûte 150 livres sud-soudanaises (47 dollars).

Les défis à Maridi sont un microcosme de ceux auxquels le plus jeune pays du monde, le Soudan du Sud, est confronté dans la lutte contre l'épidémie de VIH.

Nouvellement indépendant à l’égard du Soudan du Nord en 2011, et sortant de la plus longue guerre civile en Afrique, plus de 21 ans, avec l'une des plus faibles statistiques de développement humain dans le monde, le Soudan du Sud est replongé dans les combats en décembre 2013.

Le taux national de prévalence du VIH est de moins de trois pour cent et augmente constamment, selon le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA).

Cela se traduit par 150.000 personnes vivant avec le VIH dans un pays dont le tissu social et l'infrastructure physique ont été détruits par des guerres successives.

“Des cadavres en mouvement” Evelyn Letio, du Réseau des personnes vivant avec le VIH au Soudan du Sud, souligne le faible accès, la qualité et la continuité des services de santé, soutenus par le déni de la maladie et la hausse de stigmatisation et la discrimination, en particulier contre les femmes.

“Les chefs communautaires accepteront à la hâte un divorce si c’est la femme qui est séropositive et la forceront à quitter la maison conjugale”, explique Letio. “Si c’est l'homme qui est séropositif, ils ne permettront pas à la femme de quitter le foyer afin qu'elle puisse prendre soin de lui”.

Malgré le refus des autorités gouvernementales, la discrimination est rampante dans la fonction publique, ajoute-t-elle: “Les gens qui ont déclaré être séropositifs sont licenciés et qualifiés de 'cadavres en mouvement'”.

Les ressources financières, infrastructurelles et humaines inadéquates limitent les efforts visant à élargir les services de lutte contre le VIH. Le plan national de lutte contre le VIH a un déficit de financement de 80 pour cent.

Mongo et Samson ont dit à IPS que le centre de santé de Maridi manque souvent de médicaments et qu’ils sont obligés de revenir quelques jours plus tard. D'autres fois, le personnel n'est pas payé depuis des mois et reste à l’écart.

“Le traitement a été difficile”, reconnaît Habib Daffalla Awongo, directeur général de la coordination du programme à la Commission sud-soudanaise de lutte contre le SIDA.

Selon l'ONUSIDA, seulement 22 centres fournissaient le TAR avant la nouvelle flambée de violences.

En décembre 2013, les centres de TAR à Bor, Malakal et à Bentiu, capitales des Etats les plus durement touchés par les combats, ont dû fermer. On ne sait pas là où se trouvent 1.140 patients. Très probablement, ils ont interrompu le TAR, mettant en danger leur vie.

La guerre et le SIDA Quelque 40 mille personnes vivant avec le VIH ont été directement touchées par les récentes violences, selon les Nations Unies. Les nouveaux combats ont anéanti les gains réalisés dans les services de lutte contre le VIH depuis l'indépendance.

Quelques faits sur le SIDA au Soudan du Sud 150.000 personnes vivent avec le VIH 20.000 enfants de moins de 15 ans vivent avec le VIH 12.500 décès liés au SIDA en 2013 15.400 nouvelles infections en 2013 72.000 personnes ont besoin du TAR 1 personne sur 10 ayant besoin de TAR est sous le TAR 1 femme enceinte séropositive sur 10 est sous la PTME 27 pour cent des personnes ayant plus de 15 ans sont alphabétisées 1,9 million de personnes déplacées à l'intérieur en 2014 “Nous avons perdu beaucoup de personnes séropositives pendant le conflit, certaines sont mortes dans les combats et d'autres ont émigré vers les zones pacifiques”, a déclaré Awongo.

Selon les Nations Unies, le nouveau conflit a déplacé 1,9 million de personnes.

A Juba, la capitale, des camps avec de longues rangées de tentes blanches ont surgi afin d'abriter quelques 31.000 personnes déplacées.

Parmi ces personnes se trouve Taban Khamis*, qui a fui les combats dans la ville pétrolière clé de Bentiu, à 1.000 km au nord de Juba. Il a interrompu le TAR et craint que son état de santé ne se dégrade bientôt mais il n’ira pas au centre de traitement du VIH dans le camp de peur de la stigmatisation.

“Le camp est bondé et il n'y a pas de vie privée”, a-t-il dit à IPS. “Tout le monde saura que j’ai le VIH”.

La prévalence du VIH et des infections sexuellement transmissibles “augmente considérablement dans les camps”, indique une étude réalisée par l’Alliance pour la lutte contre le HIV/AIDS.

Awongo est conscient de ce problème. “Nous encourageons les gens à sortir des camps pour aller dans les centres de santé où ils peuvent accéder aux services, mais cela n’apporte pas une différence”, dit-il.

* Le nom a été modifié pour protéger l’identité de la personne Edité par Mercedes Sayagues