OUGANDA: Insectes et maladies attaquent la principale culture d’exportation du pays

KAMPALA, 29 sep (IPS) – Lorsqu’Abudu Zikusoka était un petit garçon, son père amenait des gens dans leur domicile dans le village de Ndesse, dans le district de Mukono, dans le Centre de l'Ouganda. Il les regardait emballer le café récolté de la famille dans des sacs qu’ils chargeaient ensuite sur leurs vélos.

“Je voyais l'un d’eux donner de l'argent à papa à partir duquel il enlevait quelques pièces de monnaie pour les donner à ma sœur”, déclare Zikusoka à IPS.

“Quand mon frère a commencé à aller à l'école, papa continuait avec la pratique jusqu'au jour où j'ai demandé à ma sœur d’où elle prenait l'argent”, se souvient-il.

Sa sœur a expliqué que l'argent était destiné aux frais de scolarité qui devaient être payés au début de chaque trimestre. C'est pourquoi Zikusoka a décidé d'embrasser la culture du café après que son père lui a donné un demi hectare de terre lorsqu’il s’est marié en 2005 – il voulait être en mesure de subvenir aux besoins de sa famille aussi.

Sur son lopin de terre, également dans le village de Ndesse, Zikusoka a pu planter des cafiers et des cultures telles que les bananes, le manioc et le maïs qui sont devenus la principale source de revenus pour sa famille. Grâce au bénéfice réalisé à partir de son agriculture, Zikusoka a pu également acheter un autre hectare de terre.

Le café est la seule source de recettes d'exportation de l'Ouganda. Ce pays d'Afrique de l'est est le plus grand exportateur de café sur le continent, puisque l'Ethiopie consomme plus de la moitié de ce qu'il produit.

L'Autorité de développement du café en Ouganda (UCDA) estime que 85 pour cent de tout le café produit dans le pays provient essentiellement des petits fermiers, dont la majorité possède des champs allant de 0,5 à 2,5 hectares. Le secteur emploie 3,5 millions de personnes.

Mais aujourd’hui, il semble que les bons moments sont confrontés au changement climatique.

“Les récoltes sont si faibles, elles sont affectées par des maladies et des insectes nuisibles presque tout le temps et quand les pluies prennent du temps pour tomber, la situation devient difficile… Le pire, c'est que nous avons été touchés par le flétrissement du café l'année dernière [2013] et j'ai perdu tout”, indique Zikusoka avec frustration.

“Je n'ai pas pu récolter beaucoup de café comme c’était en 2006 lorsque je venais de commencer à me concentrer sur le café comme culture de rente”, explique Zikusoka.

Il est l'un des nombreux agriculteurs qui ont été récemment affectés par le perceur de la tige du café et les maladies entraînant le flétrissement du café dans le district de Mukono, l'un des districts producteurs du café commercial en Ouganda. Le flétrissement a attaqué pour la première fois le café Robusta de l'Ouganda en 1993 et a détruit plus de 12 millions de plants depuis ce temps. Toutefois, les gens croient que ce chiffre est sous-estimé.

“Avant que le flétrissement du café n’attaque ma culture, je gagnais entre 700 et 1.000 dollars dans une bonne saison, mais les arbres restants [non touchés par le flétrissement] m'ont rapporté seulement 250 dollars, et maintenant je ne sais pas si je serai en mesure de gagner plus”, ajoute-t-il.

Zikusoka est venu à l'Institut national de recherche sur le café (NaCORI) à Kituuza, dans le district de Mukono, pour savoir s’il peut accéder aux variétés améliorées développées dans le pays qui sont résistantes aux maladies du café, qui supportent des températures élevées.

En août, lorsque le cinquième Rapport d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a été publié à Kampala, la capitale de l’Ouganda, les scientifiques ont noté que l'incidence des insectes nuisibles et des maladies semble avoir augmenté dans le pays à cause des changements climatiques.

Selon Dr Africano Kangire du NaCORI, il semble que le temps plus chaud que d'habitude crée un terrain fertile pour les insectes nuisibles et les maladies. Le rapport attribue la hausse de la température à l'intensification du réchauffement de la planète, principalement alimenté par des activités humaines telles que, entre autres, le défrichement des forêts pour l’établissement et la combustion du charbon, qui a vu l'augmentation des concentrations du gaz à effet de serre dans l'atmosphère.

“Les températures élevées créent des conditions favorables à la prolifération des insectes nuisibles et des maladies, qui affectent la production de café. Nous avons vu des cas où des maladies comme le paludisme sont maintenant monnaie courante dans les régions montagneuses, ce qui n'était pas le cas auparavant, bien que cela revienne au professionnel de la santé d’élucider”, indique Kangire.

Selon Kangire, les températures en Ouganda ont été irrégulières et augmentent au fil des ans. Il dit que si les températures atteignent le niveau de deux degrés Celsius, comme prévu, cela pourrait rendre très difficile la culture du café Robusta dans les plaines de l'Ouganda tout en la limitant à quelques endroits dans les montagnes beaucoup plus fraîches.

Il explique en outre que la maladie de la rouille de la feuille du café, qui a été longtemps connue comme affectant le café à des altitudes inférieures à 1.400 m au dessus du niveau de la mer, est apparue désormais à 1.800 m au dessus du niveau de la mer. Ceci, explique-t-il, est la preuve de l’augmentation des températures dans le pays, puisque la logique montre que plus vous montez, plus il devient froid.

Il ajoute que la maladie de la baie du café, qui est connue comme touchant le café Arabica, a également évolué à des altitudes plus élevées pour attaquer des cultures produites à 1.800m au dessus du niveau de la mer – elle était précédemment apparue seulement à 1.600 m au dessus du niveau de la mer.

Dr Revocatus Twinomuhangi, est l'un des scientifiques qui ont contribué au rapport du GIEC et est aussi le responsable national du Réseau de connaissances sur le climat et le développement (CDKN) et professeur au Centre pour la recherche et les innovations sur les changements climatiques de l'Université de Makerere.

“Nous assistons à un changement dans la production des cultures telles que le café, le thé. Le maïs, par exemple, le café était principalement pour les zones montagneuses. Mais parce que les gens ont coupé les arbres et défriché une partie des régions montagneuses pour la culture, la récolte ne marche pas et si la température pourrait atteindre même 1,5 degré Celsius, il y aura un changement radical des régions montagneuses vers des terres basses comme les régions du centre de l'Ouganda”, a-t-il indiqué à IPS.

Toutefois, le dernier rapport de l’UCDA montre que les exportations de café de l'Ouganda en juillet ont rapporté au pays une recette de 37,9 millions de dollars, en hausse par rapport à la valeur de juin de 31,04 millions.

Selon le directeur général de l'UDCA, Henry Ngabirano, l'autorité a réussi à enregistrer quelques bénéfices à partir du secteur du café, malgré la présence des maladies de flétrissement du café.

“Nous recevons des variétés de café clone résistantes au flétrissement parce qu'elles étaient les plus touchées, alors que le café arabe, qui était moins touché, est restée à 10 pour cent de la production.

“Donc, les 10 pour cent de café arabe et l'autre pourcentage de café clone nous maintiennent dans le marché, mais nous sommes confiants que depuis l’annonce des chercheurs, le gouvernement s’en est intéressé [et] nous serons en mesure de nous adapter aux effets des changements climatiques”, déclare Ngabirano à IPS.

Alors que les scientifiques du NaCORI développent des variétés de café améliorées, qui incluent celles qui résistent au flétrissement du café, Paul Isabirye, commissaire adjoint de la Direction de la météorologie prévient que les températures auraient pu augmenter depuis que le rapport du GIEC a été publié.

Il indique qu’il pleut maintenant au mauvais moment, et les grains de café ont moins de temps pour arriver à maturité.

“Si les grains de café sont confrontés à beaucoup de soleil et moins de pluie, ils continueront d’être plus petits et de rendements plus faibles”, explique-t-il à IPS.

Edité par Nalisha Adams Traduit en français par Roland Kocouvi *Cet article fait partie d'une série financée par le Réseau de connaissances sur le climat et le développement (CDKN).