OUGANDA: Aider les femmes séropositives à éviter des grossesses non désirées

KAMPALA, 20 août (IPS) – Barbara Kemigisa avait l’habitude de s'appeler une “militante contre le VIH/SIDA”. Ces jours-ci, elle serait plutôt connue comme une “militante du planning familial contre le VIH/SIDA”.

“Nous devons réduire les grossesses non désirées et le taux d'infection à VIH dans notre pays”, a déclaré Kemigisa à IPS lors de la première conférence nationale sur le planning familial de l'Ouganda le 28 juillet. “Il s'agit d'une double protection”.

Violée dès le bas âge par deux oncles, Kemigisa est devenue plus tard quelqu’une de mœurs légères. Quand elle avait 22 ans, elle a découvert qu'elle était séropositive – et enceinte de deux mois. Sa fille, Kourtney, aujourd’hui cinq ans, est né séronégative. Mais la mère ne pouvait pas lui acheter le lait artificiel et, quand elle avait juste six mois, le bébé a été déclaré séropositif, à cause de l'allaitement maternel.

Kemigisa, une militante éclairée qui reçoit ses antirétroviraux (ARV) auprès de l'Institut des maladies infectieuses à l'Hôpital Mulago et travaille avec la Fondation KiBo à Kampala, n'a jamais eu de problème à obtenir des contraceptifs.

La même chose ne peut pas être dite concernant beaucoup de jeunes femmes séropositives que Kemigisa rencontre régulièrement.

“Les agents de santé leur disent 'vous êtes [séro]positive, vous n'êtes pas censée d’être en train d’avoir des enfants'”, souligne-t-elle.

Au cours de la dernière décennie, l'utilisation de contraceptifs modernes chez les femmes en Ouganda a peu à peu augmenté pour passer de 18 pour cent à 26 pour cent.

Quoique faible, ce niveau d'utilisation de contraceptifs a probablement évité 20 pour cent des infections à VIH pédiatrique et 13 pour cent des décès infantiles liés au SIDA, selon une étude. Les services de planning familial en expansion peuvent considérablement réduire les infections chez les enfants, a conclu l’étude.

Cela est crucial. Le taux d'infection à VIH en Ouganda, sept pour cent, augmente constamment après une forte baisse dans les années 1990, lorsque plus d'un quart de la population était infectée.

L’Ouganda renferme aujourd'hui le troisième plus grand nombre de nouvelles infections à VIH par an dans le monde, après l'Afrique du Sud et le Nigeria, selon le Programme conjoint des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA).

Refoulement des femmes La contraception est le deuxième pilier de la Prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant (PTME), mais celui qui est souvent négligé bien que, à une moyenne de six enfants par femme, l'Ouganda ait l'un des taux de fécondité les plus élevés au monde.

Les femmes qui tentent de faire face au VIH ont également du mal à obtenir la “bonne information appropriée” sur le planning familial, déclare Dorothy Namutamba, de la Communauté internationale des femmes vivant avec le VIH/SIDA en Afrique de l'est (ICWEA).

“Les informations n'atteignent pas les femmes vivant avec le VIH en âge de procréer”, indique-t-elle.

Des femmes peuvent être confrontées à la violence chez elles pour le fait d’être séropositives et d'utiliser la contraception, seulement pour être davantage maltraitées lorsqu’elles se tournent vers les agents de santé, estime Namutamba.

“On dit à certaines 'oh, ceci est mieux pour vous' et [elles sont] repoussées au niveau du centre de santé”, déclare Namutamba.

Dans les pires scénarios, certaines femmes séropositives ont subi la stérilisation forcée.

Namutamba affirme que cela peut se produire lorsque la femme subit une césarienne ou va pour des services de planning familial: “On leur dit que ceci est mieux pour vous en tant que femme séropositive”.

Au Kenya, l’ICWEA et d'autres groupes ont enquêté sur environ cinquante cas de stérilisation forcée et publieront vers la fin de cette année un rapport sur des cas similaires en Ouganda.

A cause des attitudes discriminatoires, “un grand pourcentage de femmes hésitent à partager leur statut avec les agents de santé lorsqu’elles viennent pour recevoir des services de planning familial”, a expliqué à IPS, Dr Deepmala Mahla, directeur national de l’organisation internationale non gouvernementale 'Marie Stopes International' en Ouganda.

Deux services, un voyage Une couverture insuffisante, de fréquentes ruptures de stock de produits de base, une offre limitée de méthodes contraceptives et le manque de personnel formé affectent les services de planning familial pour toutes les femmes en Ouganda, déclare Dr Primo Madra, chargé de programme au Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) à Kampala.

Mais pour les femmes vivant avec le VIH, dit-il, le principal problème, c’est le temps et l’effort nécessaires.

Une femme séropositive qui va au centre de santé pour se réapprovisionner en ARV doit faire la queue à la clique de traitement du VIH, puis à la clinique du planning familial, toutes deux susceptibles avec de longues files d'attente. Elle peut être obligée de faire deux voyages.

“Le plus souvent, la femme priorisera les ARV”, indique Madra.

Dans un certain nombre de districts, le gouvernement et l’UNFPA mettent en place des “guichets uniques” qui offrent à la fois les services de traitement du VIH et de santé de la reproduction, et forment les agents de santé au nouveau système.

“Cela permettra à une femme qui vient dans une clinique d’ARV d’accéder à tous les services de façon plus commode”, a déclaré Primo à IPS.

Mais, ajoute-t-il, l’introduction des guichets uniques au niveau national est limitée par le manque de personnel: “Beaucoup d’installations sanitaires ont des postes vacants d'agents de santé et sont accablées par la charge des malades”.

Edité par Mercedes Sayagues Traduit en français par Roland Kocouvi